Rechercher dans ce blog

16/06/2010

JALONS D’UNE GESTION EFFICACE DES CONTRATS COMMERCIAUX EN TEMPS DE CRISE EN OHADA

Mamadou I. KONATE
Avocat Associé
JURIFIS CONSULT



« Le droit est la plus puissante école de l’imagination, jamais un poète n’a pu interpréter la nature, aussi librement qu’un juriste le contrat… ! »
Jean GERAUDOUX

Tout contrat suppose la durée. Si ordinairement la formation du contrat résulte d’un accord soudain et procède parfois d’une laborieuse préparation qui s’inscrit elle-même dans le temps son exécution, elle, s’étale beaucoup plus nettement et beaucoup plus fréquemment encore, dans la durée.

Tel est le cas notamment des contrats continus ; qu’ils soient à exécution successive ou à prestations différées. Le temps est donc est une donnée dont les parties ne peuvent faire abstraction.

Ce faisant, la situation initiale qui a donné lieu à l’accord contractuel risque d’être modifiée de manière substantielle, déjouant ainsi les prévisions légitimes des parties.

Mais à ces risques encourus par le contrat, le droit privé répond fermement par la maxime « Pacta Sunt servenda » traduite dans l’article 1134 du code civil français et reprise sous diverses dispositions dans les législations africaines qui proclame la force obligatoire des contrats que rien ne pourra affecter.

Ce principe s’appuie sur le fondement moral de la parole donnée mais il s’explique également par une justification économique et sociale. Le droit doit assurer la sécurité des transactions ; or, si l’on veut permettre aux parties d’affecter d’un terme leurs conventions, il faut leur garantir une exécution intégrale : le contrat doit être une emprise sur l’avenir.

Aussi, plaçant pour des raisons de moralité et de sécurité juridique la volonté humaine en pierre angulaire de sa construction, déniant aux tiers tout pouvoir d’intervenir dans l’édifice et réservant aux parties, la liberté non seulement de conclure, mais aussi d’adapter leurs conventions, la jurisprudence rejette avec constance depuis le célèbre arrêt dit « du Canal de Craponne » rendu le 6 mars 1876 par la Chambre civile de la Cour de cassation, la théorie de l'imprévision.

Or, l’époque et l’environnement socio-économiques dans lesquels nous vivons, exposent davantage les parties à un contrat à différentes situations visées par la théorie de l’imprévision ou du changement des circonstances économiques, situations au nombre desquelles on compte : les crises pétrolières successives et plus fraîchement la crise consécutive à l’effondrement du système bancaire et des marchés financiers.

Par ailleurs, les conséquences de la dévaluation de la monnaie survenue au sein de Communauté Financière Africaine et l’imprévisibilité qui caractérise les politiques économiques nationales de nos Etats ont laissé des traces profondes et révélé à la face du monde et des opérateurs économiques, les insuffisances de ce droit contractuel classique qui ignore le principe de la renégociation lorsque la relation contractuelle, par nature équilibrée est affectée par la conjoncture ou les aléas économiques.

Cependant, la maîtrise du contrat sur l'avenir est tout à fait possible lorsque les parties décident d'inclure des clauses dites d'adaptation qui sont des techniques d'intégration du risque liées aux évolutions des données sous l'empire desquelles les parties se sont accordées.
On sait que l’ingéniosité des juristes a permis de mettre au point une gamme assez étendue de ces types de clauses. Le jeu de l’adaptation va alors transformer le contrat qui n’aura plus la même physionomie du jour de sa conclusion à celui de son exécution. Ces clauses vont provoquer sur sa structure toute une série d’effets qu’il importe d’analyser.

Soit les parties s’en remettent à un mécanisme qui permettra la modification du contrat sans qu’elles aient à intervenir pour donner leur accord et l’adaptation sera automatique (I) ; soit elles préfèrent contrôler l’adaptation en l’agréant ou même en la négociant, au fur et à mesure que les déséquilibres apparaissent et l’adaptation sera non automatique (II).

I. LES CLAUSES D’ADAPTATION AUTOMATIQUE

On entend par clauses d’adaptation automatique, l’ensemble des dispositions présentes dans les contrats dont l’activation, déclenchée par la survenance d’un événement prédéfini, entraîne une modification substantielle des conditions initiales dans lesquelles le contrat a été consenti.

Mais le mécanisme d’adaptation est souvent plus ou moins complexe car il va avoir pour objet de déterminer le contenu de l’adaptation. Selon le cas, les parties peuvent faire appel à une procédure d’adaptation immédiate ou à une procédure d’adaptation dite médiate.

1.1. La procédure d’adaptation immédiate
L’adaptation du contrat peut s’effectuer immédiatement sans intermédiaire par une procédure mathématique. Elle suppose dès lors qu’un élément variable du contrat soit placé en relation avec une référence désignée par les parties et qu’un système d’adaptation établisse la relation.

Cette technique contractuelle est généralement relative à la détermination du prix. La détermination du prix suscite, en effet, de nombreux contentieux et mérite donc une attention toute particulière lors de la rédaction d'un contrat. Afin d'éviter toute ambiguïté ultérieure, les conditions de paiement ainsi que les éléments inclus dans le prix doivent être très clairement précisés. C'est le mode de fixation du prix qui doit être examiné avec le plus de précision afin qu'une des parties n'impose pas arbitrairement son ou le prix à l'autre partie.

Sans être exhaustif on peut relever les clauses les plus pertinentes.

a) La clause d'indexation :

C’est une clause de contrat qui prévoit qu'un de ses éléments (prix, pension) évoluera en fonction de l'évolution d'une autre donnée (indicateur économique). En particulier, les clauses d'indexation rédigées dans les contrats d'achat ou de vente internationale visent à prévoir contractuellement les modalités de partage du risque de change de transaction entre l'acheteur et le vendeur, dans l'hypothèse où une variation du cours de change de la devise choisie par les parties interviendrait.

b) La clause de l’Earn out :

Dans le cadre d'un transfert d'entreprise par la voie d'une vente d'actions, la détermination du prix de vente des actions constitue fréquemment un point crucial mettant en péril la conclusion même de la vente.

Cette difficulté provient essentiellement du fait que, d'une part, le vendeur refuse - à juste titre - de négliger le potentiel de l'entreprise qu'il vend, tandis que d'autre part, l'acheteur hésite à reconnaître une valeur spéculative à cette même entreprise, tant et aussi longtemps qu'il n'a pas la certitude que l'entreprise pourra effectivement générer le rendement escompté sur son capital.

Pour éviter l'impasse qu'une telle situation peut engendrer, les parties peuvent s'entendre sur une formule de détermination du prix de vente en deux temps, qu'on nomme clauses " earn out ", qui prévoit l'indexation d'une partie ou de la totalité du prix de cession des parts ou des actions d'une société.

L'objectif est de calculer le prix de vente en intégrant les résultats futurs de la société vendue. Dans de nombreuses transactions, le prix est versé en deux fois :

1. un prix de base convenu de l'entreprise. On peut le comparer à un " prix plancher " : il est en général versé au moment de la cession effective ;
2. et un complément de prix, qui représente une sorte de prime de rendement variant selon la performance financière de l'entreprise vendue (cette prime peut comporter un plafond mais cela n'est pas toujours le cas). Cette portion du prix de vente dite "earn-out" se veut conditionnelle à l'atteinte de résultats spécifiques, faute de quoi elle ne saurait être exigible.

c) Clause du premier refus

Par cette clause, une partie donne une préférence à son cocontractant pour une affaire nouvelle et éventuelle.

Cette clause peut être rédigée :

• en faveur du vendeur : si l'acheteur lié au vendeur dans un contrat d'approvisionnement a besoin d'une quantité supplémentaire de marchandises (par rapport à ce qui est prévu dans le contrat), il doit, par cette clause, demander en priorité au vendeur de lui livrer cette quantité supplémentaire. Ce n'est que si ce dernier refuse qu'il peut aller commander ailleurs ;
• en faveur de l'acheteur : si le vendeur dispose de quantités supplémentaires à livrer, il doit d'abord les proposer à l'acheteur avant de les offrir à quelqu'un d'autre.

d) La clause dite « de hausse et de baisse »
Cette clause permet de réviser les conditions financières du contrat en cas de hausse ou de baisse du niveau des salaires ou du coût des matières premières.

e) La clause de garantie d’actifs ou de passif
Lors d'une opération de fusion-acquisition, la garantie d'actif et de passif permet à l'acquéreur de limiter les risques inhérents à la société cible.

Il s'agit d'une clause conclue entre l'acheteur et le vendeur, garantissant l'authenticité des éléments comptables qui ont permis de valoriser la société cible lors des négociations.
Il permet de faire supporter au cédant le passif supplémentaire et/ou l’insuffisance d’actif, liés à des événements antérieurs à l’opération et qui pourraient apparaître après la cession.

La clause garantit la valeur des éléments comptables qui ont permis de valoriser la société dans le processus de négociation. La durée des garanties est fréquemment comprise entre trois et cinq ans.

En général l’engagement prévoit trois éléments majeurs :
• une description détaillée, qui engage la responsabilité du cédant, de l’actif, du passif, des capitaux propres, des engagements hors bilan ;
• un engagement du cédant sur une gestion normale de son entreprise entre la date de clôture de l’exercice et la date de cession ;
• les modalités d’indemnisation en cas de préjudice.
Il est important de stipuler qui sont les bénéficiaires. Le bénéfice se fait soit au profit de la société cédée (sous forme d’indemnité), soit au profit de l’acquéreur (sous forme d’indemnité ou d’une réduction du prix de cession). Généralement, il y a un plafond à ses garanties qui équivaut à un pourcentage de 10 % à 30 % du montant total de la cession.
Attention toutefois, le montant est très aléatoire selon les périodes et les entreprises.

A coté de ces clauses qui ont pour effet la modification immédiate des conditions contractuelles, il existe d’autres types de clauses automatiques mais qui ne sont pas automatiques.

1.2. La procédure d’adaptation médiate

Bien souvent, une procédure d’adaptation immédiate peut paraitre trop rigide, parce que par exemple qu’il n’y a pas dans le secteur considéré de références satisfaisantes, les parties peuvent préférer faire établir l’adaptation par un médiateur dont elles agréent par avance l’intervention pour ne pas fausser le caractère automatique de la procédure.

L’hypothèse se rencontre fréquemment lorsque les parties craignent de ne pas pouvoir se mettre d’accord, elles optent alors comme recours en cas d’échec de leurs négociations, pour une solution d’adaptation semi-automatique ou médiane. Elles se chargent alors de désigner un tiers ou sont tenues, simplement, de saisir une instance prévue à l’avance qui l’effectuera.

Le contrat doit très nettement désigner l’auteur de l’adaptation du contrat. Celui-ci peut très bien être l’une des parties au contrat. Ces situations se rencontrent par exemple dans le cas de contrat intervenant dans un secteur très concurrentiel.

Tel est le cas des clauses :

a) Clause de l'offre concurrente

Lorsqu'un acheteur, lié à un vendeur par un contrat d'approvisionnement à long terme pour un prix donné trouve une autre source d'approvisionnement plus avantageuse, par cette clause, le vendeur doit s’aligner sur les conditions de I’ offre concurrente.

Mais dans la pratique, ce type de clause peut faire naître certaines difficultés :

• la comparaison des deux offres n'est pas toujours facile car plusieurs conditions peuvent se mêler (prix, livraison,...) ;
• il faut éviter les offres de connivence : l'acheteur, afin de pouvoir modifier son contrat actuel, se met délibérément en relation avec un autre vendeur qui offre des conditions plus avantageuses. Pour éviter cela, on écrit souvent que l'offre doit être " sérieuse et connue ";
• il faut apporter la preuve de l'offre concurrente. Mais cela pose un problème de déontologie : peut-on en effet exhiber l'offre d'un tiers à l'un de ses concurrents ? On a alors parfois recours à un tiers indépendant, tenu par le secret professionnel qui est chargé de vérifier l'existence de l'offre et d'effectuer la comparaison des deux offres ;
• elle risque de restreindre la concurrence. L'Union Européenne refuse parfois cette clause en regard du droit de la concurrence.

b) Clause du client le plus favorisé

Cette clause prévoit que si le vendeur accorde certaines conditions plus avantageuses à l'un de ses clients, il doit les accorder également au client qui a inclus ce type de clause dans le contrat.

Mais l’adaptation peut être le fait d’un tiers au contrat. L’hypothèse se rencontre lorsque les parties craignent de ne pouvoir se mettre d’accord ou prévoient ce recours comme solution de secours en cas d’échec de leurs négociations. Les parties prendront alors soin de procéder à cette désignation ou bien s’engagent à saisir une instance qui à son tour sera chargée de cette désignation.

Une fois désigné, ce « tiers expert » est chargé de fixer en toute indépendance le contenu de l’adaptation du contrat. Il devra dans ce cas s’en tenir à la mission confiée par les parties et qui a été détaillée par le contrat pour rééquilibrer les prestations du contrat.

Le plus souvent, il s’agit de la « clause à dire d’expert » qui prévoit la fixation du prix par ce tiers évaluateur.

La présence d’une clause d’adaptation automatique permet, en tout cas, la transformation du contrat, sans qu’il en découle le moindre risque pour la solidité de l’opération.

Les parties ne peuvent, en effet, à cette occasion remettre en cause l’adaptation dont elles ont accepté le principe et les modalités à la signature de la convention. Ce genre de clause n’est toutefois possible qu’avec un risque prévisible dont on puisse tenir compte lors de la conclusion du contrat, en établissant un mécanisme capable d’en atténuer les effets.

II. Les Clauses d’adaptation non automatiques

Lorsque les parties ont elles-mêmes prévu que les obligations contractuelles pourraient être renégociées, le principe de l’intangibilité de la convention cède devant celui d’autonomie de la volonté et de celui, connexe, de liberté contractuelle. Les clauses d’adaptation de sauvegarde sont couramment utilisées, notamment dans les contrats internationaux et les tribunaux judiciaires et arbitraux reconnaissent pleinement leur efficacité.

Parmi ces clauses, c’est la clause de « hardship », qui retiendra tout spécialement notre attention ici, car c'est assurément celle qui correspond au mécanisme le plus élaboré et le plus général d'adaptation d'un contrat à de nouvelles données et qui, à ce titre, offre le plus d’intérêt.
Il y a lieu de considérer les circonstances dans lesquelles cette clause doit être prévue et les soins qu’il faut apporter à sa rédaction.

2.1 L’aménagement contractuel de la clause « hardship »

La clause hardship permet aux parties de demander un réaménagement du contrat qui les lie si un changement de circonstances économiques intervenu dans les données initiales au regard desquelles elles s'étaient engagées vient à modifier l'équilibre de ce contrat au point de faire subir à l'une d'elles une rigueur injuste.

Elle est la variante de la clause rebus sic stantibus du droit administratif et de la clause de sauvegarde du droit public international.

Elle se différencie de la clause de force majeure dans le sens où dans le cadre de cette dernière, l’exécution de l’obligation est devenue impossible pour une partie. Au contraire, pour qu’il y ait hardship, il faut qu’un bouleversement des circonstances, raisonnablement imprévisible et extérieur aux parties, fasse subir à l’une d’entre elles un préjudice tel que l’équilibre initial soit rompu, mais susceptible d’être rétabli.

La mission première de la clause de hardship est en effet de permettre la continuité des rapports contractuels, et donc d’éviter la résiliation, et ceci tout en restant dans le domaine contractuel.

La finalité de la clause de hardship est ainsi de régler les conséquences économiques qui se traduisent par un bouleversement de l'équilibre du contrat, et ceci afin de le maintenir. Les parties peuvent déterminer par avance les circonstances à l'origine du bouleversement : événement général, économique, politique, social…ou circonstances particulières, le caractère substantiel du hardship (déséquilibre du contrat ou d'un élément particulier).

Par ailleurs, les parties pourront préciser le caractère inéquitable des conséquences du hardship. Enfin, elles peuvent déterminer par avance l'objet de l'adaptation (général ou particulier, prix taux…), et même le délai nécessaire suivant la conclusion du contrat pour qu’une telle clause soit actionnée.
Ainsi, le contenu de la clause est abandonné à la liberté contractuelle. Etudier les conditions dans lesquelles les parties conviennent qu’il y aura hardship nous mènerait en conséquence à une étude casuistique, dont il serait difficile de tirer des généralités. Certes, des différends peuvent apparaître entre les parties dès la phase initiale, à propos de l’existence même des conditions de la réadaptation. Néanmoins, les problèmes susceptibles de se poser sont identiques à ceux rencontrés lors de la phase de renégociation proprement dite.

La clause de hardship peut être formulée de façon expresse ou tacite comme toute clause d'origine contractuelle et ce sous des vocables différents : clauses de révision, d'imprévision…Peu importe la lettre du texte, ce qui compte c'est l'intention réelle des parties.

Les règles d'UNIDROIT rappellent que la liberté contractuelle et la liberté d'élaborer des clauses dans les contrats sont des principes de base (art.1.1). Cependant, il n'apparaît pas que la clause de hardship, malgré son intérêt, puisse être considérée comme une clause implicite, présente dans tous les contrats commerciaux et fondée sur la lex mercatoria.
C'est la volonté seule des parties qui fonde l'introduction de la clause dans le contrat. C'est encore cette seule volonté qui justifie la mise en œuvre de la clause.

L’utilité de la clause de hardship n’est plus à démontrer, son insertion fréquente dans des contrats internationaux de longue durée en témoigne. Toutefois, une clause mal libellée posera nombre de difficultés.

Partant, nous ne pouvons que conseiller aux rédacteurs de contrats de faire preuve de grande vigilance, soin et méticulosité dans la rédaction de la clause de hardship, se basant sur les recommandations ci-après.

2.2 La rédaction de la clause hardship
L'objet principal de la clause de "hardship" est de renégocier le contrat en cas de modification des circonstances extérieures, d'ordre économique, technique, commercial ou autre.

Mais, pour qu'une telle clause puisse fonctionner de manière satisfaisante, il est indispensable qu'elle prévoie les modalités de sa mise en œuvre : le critère qui détermine la réadaptation, les personnes habilitées à y procéder, les modalités de la négociation et les conséquences qui en découlent etc.

La rédaction d'une telle clause est en conséquence particulièrement sensible, il convient de prêter une attention toute particulière à sa rédaction. Elle est toujours divisée en deux parties :

 définition et énumération des hypothèses visées : il s’agit de déterminer dans quelles circonstances la clause pourra être invoquée. En pratique, ces clauses sont souvent très vagues et les critères sont souvent subjectifs. Ce manque de précision peut conduire à une situation dans laquelle une partie invoque la clause de hardship alors que l'autre partie estime que les conditions ne sont pas rencontrées;
 définition du régime juridique applicable : En cas d'évènements imprévisibles bouleversant l'équilibre du contrat, les parties doivent prévoir les effets de cette clause, à savoir résiliation/réadaptation du contrat.
Elles devront notamment prévoir :

• les modalités de rééquilibrage du contrat (recherche de la solution la plus adaptée pour faire disparaître le déséquilibre constaté, en procédant si nécessaire à un amendement de certaines dispositions du contrat);
• les solutions à adopter en cas d'échec de la concertation des parties pour rééquilibrer le contrat (recours à un tiers choisi d'un commun accord ou désigné par voie judiciaire);
• les modalités financières de l'éventuelle conciliation (partage des frais d'honoraires)
Des conseils avisés :
Afin de permettre à la clause de hardship de sortir tous ses effets, son rédacteur veillera à :

 adopter une formule générale ;
 déterminer les circonstances dans lesquelles la clause jouera et insister sur le caractère imprévisible de celles-ci ;
 prévoir les effets de la clause de hardship: réadaptation ou résiliation. Ainsi ne conseillera-t-on pas assez au rédacteur de la clause de bien prévoir la procédure à appliquer en cas d’échec de la renégociation des parties. Dans ce cas, une simple résiliation du contrat ou une réadaptation par un tiers sera la piste la plus souvent rencontrée ;
 préciser que la demande de réadaptation de la partie lésée n’implique pas le droit pour elle de suspendre l’exécution de la convention ;
 prévoir que la partie lésée sera tenue d’adresser à son cocontractant sa demande de réadaptation dans un délai déterminé par un écrit motivé et de lui communiquer des documents justifiant cette demande. La rédaction avisée ne manquera pas de prévoir également la sanction d’un avertissement tardif ou non motivé.




L’OHADA ET LES AUTRES LEGISLATIONS COMMUNAUTAIRES:UEMOA, CEMAC , CIMA, OAPI, CIPRES etc.

Mamadou I. KONATE
Avocat Associé
JURIFIS CONSULT


La création d’organisations de dimensions régionales ou sous régionales s’est accrue ces derniers temps, avec à la clé, un foisonnement qui mérite que l’on s’y attarde quelque peu.

Dès les lendemains de la seconde guerre mondiale, l’idée d’intégration africaine était perceptible dans les revendications politiques et philosophiques telles que exprimées par le mouvement de la « négritude » qui prônait le retour aux sources et au panafricanisme. Dès les premières heures de la décolonisation, le rêve unitaire fortement exprimé par le leader politique ghanéen, Kwamé N’ Krumah, s’est propagé dans l’opinion et l’imagination publiques africaines.

Ce rêve ne s’est hélas jamais réalisé véritablement.

Aussi, si le phénomène de l’intégration a déjà connu un réel engouement aux lendemains des indépendances avec la création de plus d’une centaines d’organisations sur le continent, censées renforcer les liens entre les Etats et leurs nations, celles-ci n’ont jamais atteint les objectifs d’une véritable intégration car elles avaient une vocation plus politique que juridique, plus socioculturelle qu’ économique, vocation axée essentiellement sur une volonté de coopération interétatique.

L’échec patent de ce modèle d’intégration et l’exemple de la réussite du modèle de la Communauté européenne conjugués avec le phénomène de la mondialisation ont conduit les responsables politiques à proposer une nouvelle démarche d’intégration fondée sur une approche multisectorielle avec au besoin un degré de transfert de souveraineté plus ou moins accentué au niveau supranational, démarche censée être plus efficace.

C’est ainsi que principalement dans les années 90 on assista à une éclosion d’ordres juridiques communautaires et régionaux, c'est-à-dire à la prolifération d’ensembles organisés et structurés de normes juridiques possédant leurs propres sources, dotés d'organes et de procédures aptes à les émettre, à les interpréter ainsi qu'à en faire constater et sanctionner, le cas échéant, les violations.

Des initiatives tendant à harmoniser des législations plus sectorielles seront ainsi progressivement mises en place, aussi bien dans le cadre de l'Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) signée le 02 mars 1977 à Bangui, qu’en matière d’assurance avec la Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurances (CIMA) instituée à Yaoundé par Acte du 10 juillet 1992, sans oublier la matière de la sécurité sociale avec l’institution de la Conférence Interafricaine de la Prévoyance Sociale (CIPRES) qui résulte du Traité d'Abidjan du 22 septembre 1992.

Bien plus cette nouvelle ambition des Etats Africains va se traduire par la création de l'Union Monétaire Ouest Africaine (U.E.M.O.A) en janvier 1994, par la révision du Traité instituant la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (C.E.D.E.A.O) en juillet 1993, par l’institution de son équivalent en Afrique centrale de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (C.E.M.A.C).

Mais l’avènement de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) avec le Traité de Port Louis de 1993 va bouleverser l’architecture du « bloc institutionnel communautaire » guère à l’abri désormais d’un enchevêtrement juridique et d’un chevauchement des domaines de compétence des organisations existantes dans un même espace.

Si bien que se pose avec une certaine acuité la question de la cohérence de ce « bloc institutionnel communautaire » qui ne saurait être continuellement regardé sans que l’on ne cherche véritablement à lui donner un sens, à vérifier sa logique ou à identifier les véritables stratégies qu’il renferme. Il semble donc indispensable de donner une certaine cohérence à ce corpus posé comme tel dans sa globalité.

Ce souci devient envahissant lorsque l’on envisage la question sous l’angle de la compatibilité des moyens d’action respectifs des organisations sous régionales.

Le risque de conflits entre les différents systèmes juridiques n’est plus virtuel, il est réel eu égard à l’existence d’un domaine concurrent des divers ordres juridiques. Du fait entre autres et notamment de la souplesse voire de l’imprécision avec laquelle la sphère d’intervention de chacune des organisations a été fixée.

Ce risque est aggravé par la coexistence au plan supranational de trois juridictions suprêmes au niveau communautaires que sont la Cour de Justice de l’U.E.M.O.A., la Cour de Justice de la C.E.D.E.A.O. et la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’O.H.A.D.A.

Toutes choses susceptibles d’annihiler l’avenir même du processus d’intégration dans cette région tant il est vrai que cette intégration multisectorielle se réalise dans un même espace juridique éclaté en autant d’ordres juridictionnels.

Quels peuvent donc être ces contrariétés et les points d’achoppement entre les différents systèmes juridiques? Est-il possible d’imaginer un mode d’articulation entre ces divers ordres juridictionnels ?

En d’autres termes, une telle cohabitation est-elle souhaitable est-elle durable ?

C’est à cette série de questions que la présente intervention tente de répondre de manière prosaïque.

A l’évidence, il apparaît que la diversité des organisations régionales dans une même zone géographique induit une situation de concurrence dans l’élaboration des normes (I) et dans leur application (II).

I- Conflit de compétence dans l’élaboration des normes

L’éclosion des organisations d’intégration conduit bien souvent à un enchevêtrement des normes entre ordres juridiques régionaux ou communautaires des droits substantiels. Ceci crée fatalement une situation conflictuelle, qu'il s'agisse d'organisations internationales à compétence matérielle, sectorielle ou générale, dès lors que les unes occupent totalement ou partiellement l’espace et/ou le domaine d’intervention ou de compétence des autres (U.E.M.O.A; C.E.D.E.A.O; OAPI; CIMA; O.H.A.D.A; CIPRES …).

Il s’agit en l’occurrence d’identifier ces risques afin d’anticiper les dérives possibles.

1.1. Les risques

Les risques de concurrence dans la production des normes entre l’O.H.A.D.A et les autres ordres juridiques internationaux, qu’il s’agisse d’organisations internationales à compétence matérielle, sectorielle ou générale, qu’elles soient régionales ou sous- régionales (C.E.D.E.A.O, O.A.P.I, CIMA, U.E.M.A.O, C.E.M.A.C, ou CIPRES) sont pratiquement inéluctables.

En premier lieu, un conflit de compétence peut surgir entre l’O.H.A.D.A et une organisation régionale à compétence sectorielle. C’est le cas notamment de la CIMA.

Le droit des assurances est de la compétence de la CIMA (Conférence interafricaine des Marchés d’Assurance). Mais en réalité cette matière relève indubitablement du droit des affaires, rien donc ne peut théoriquement empêcher l’O.H.A.D.A de légiférer dans ce domaine, notamment dans les branches qui n’ont pas encore été abordées par la CIMA (par exemple les assurances de dommages autres que ceux provoqués par des véhicules terrestres à moteur ; assurances aériennes et maritimes…). Mais il serait curieux que l’O.H.A.D.A intervienne dans ces domaines pour ne pas briser l’homogénéité des sources formelles de la matière et pour ne pas amputer la CIMA de ses compétences.

Malgré cette prudence élémentaire, le chevauchement s’est déjà produit : le Code CIMA a par exemple déterminé les règles de constitution, de fonctionnement, de dissolution et de liquidation des sociétés d’assurances. Dans ce cadre, les procédures de redressement et de sauvegarde des entreprises d’ assurance qui ont été prévues par les articles 321 à 321-3 du code CIMA, sont différentes de celles énoncées par l’Acte uniforme portant Organisation des Procédures Collectives d’Apurement du Passif en ses articles 25 et suivants. Heureusement qu’in fine, l’article 916 de l’Acte uniforme prévoit qu’il n’abroge pas les dispositions législatives auxquelles sont assujetties les sociétés soumises à un régime particulier.

Qu’adviendra-t-il lorsque dans le cadre d’une procédure ouverte impliquant à la fois le droit CIMA et le droit O.H.A.D.A se pose en filigrane la question du choix de la norme à appliquer ?

Il en va également de même pour l’OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle) dont les matières traitées par les Annexes font également partie du droit des affaires. Pour les mêmes raisons que la CIMA, l’O.H.A.D.A se gardera bien de légiférer dans le domaine de la propriété intellectuelle même sur des sujets non encore explorés par l’OAPI tels que les œuvres informatiques ou multimédia.

Cette abstention volontaire peut d’ailleurs conduire à un tout autre risque : celui de provoquer un vide juridique. C’est pour cette raison probablement que l’Acte uniforme sur les Sûretés ne contient aucune disposition relative au nantissement des propriétés intellectuelles. Il se contente seulement d’un renvoi aux lois particulières pour cela. Or en la matière ni l’OAPI, ni les lois nationales ne se prononcent sur une telle sûreté si bien que celle-ci n’est pas réglementée dans la pratique.

En second lieu, un conflit de compétence peut surgir entre l’O.H.A.D.A et l’U.E.M.O.A. Dans ce domaine particulier des rapports entre les deux organisations, le nombre de recoupements de compétence est impressionnant.

En effet, depuis la transformation de l’U.M.O.A en U.E.M.O.A, cette dernière a le pouvoir d’adopter des Règlements (Lois uniformes s’imposant directement aux Etats membres) mais uniquement dans les domaines de compétence que le Traité lui attribue expressément ou déterminés par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement.

Or de l’analyse de ces dispositions, il ressort qu'il ne fait aucun doute que l'U.E.M.O.A s'est donné par rapport à l’objectif d'harmoniser toutes les législations nécessaires à la réalisation, non seulement de l'Union monétaire, mais aussi de l'Union économique. Mais lorsque l’on envisage le détail des questions énumérées par le Traité à propos des politiques monétaire (article 62), économique (articles 63 à 75), sectorielles (articles 101 et 102) ; Protocole additionnel n° II) ainsi que celles rattachées à la réalisation du marché commun (articles 76 à 100), c'est quasiment tout le droit économique, c'est-à- dire le droit des affaires dans son ensemble qui est concerné et qui pourrait ainsi être harmonisé par l’U.E.M.O.A.

Il s’ensuit que le danger de normes concurrentes est dès lors avéré entre l'U.E.M.O.A et l'O.H.A.D.A dans la mesure où cette dernière fonde le droit commun des affaires (droit commercial général ; droit des sociétés ; entreprises en difficulté ; sûretés ; droit comptable ; arbitrage ; voies de recouvrement des créances…), le droit spécial des affaires (transports, par exemple), voire le droit social (droit du travail et sécurité sociale…) sans aucune limite.

On a d’ailleurs vu un tel conflit de normes surgir à propos du droit comptable élaboré par l'O.H.A.D.A et du système comptable ouest africain (SYSCOA) ; cette situation a été fort heureusement résolue par la concertation. Les instances de l'U.E.M.O.A et de l'O.H.A.D.A se sont rapprochées pour élaborer un droit et un plan comptables quasiment identiques. Mais ce type de conflit peut surgir à nouveau dans d'autres domaines sans que l'on soit certain de son issue.

On peut donc assister à un débordement de l'activité normative des deux organisations qui risque de créer une situation juridique incertaine.

Il en est ainsi, pour épuiser les exemples dans ce domaine, de l’article 11 du projet de code communautaire des investissements qui fournit une autre hypothèse d’imbrication dans l’application du droit matériel O.H.A.D.A et du droit U.E.M.O.A.

En effet, ce projet d’article fixe les règles de production devant être observées par les entreprises qui sont d’origine étrangère à la Communauté U.E.M.O.A en les soumettant à l’obligation de se conformer aux règles et normes exigées pour la production des produits identiques dans leur pays d’origine. Il est évident que le contentieux se rapportant à cette disposition se développera le plus souvent parallèlement ou plus exactement dans le cadre d’un contentieux portant principalement sur la vente des produits visés et, notamment, sur les obligations du vendeur, lesquelles seront régies par l’Acte uniforme sur le Droit Commercial général.

Quelle serait dans ce cas l’attitude du juge supranational O.H.A.D.A lorsque qu’un plaideur soulèvera devant lui la non-conformité du produit litigieux aux dispositions du code des investissements U.E.M.O.A ?

De fait, toutes les autres obligations qu’impose l’article 11 du projet à l’investisseur-producteur ainsi que, d’une manière générale, toutes celles qui pourraient être exigées par l’U.E.M.O.A. dans le cadre d’une politique de normalisation des produits et services sont susceptibles de créer une situation qui épouse la structure d’un litige mixte générant l’application et l’interprétation du droit uniforme des affaires et les dispositions de l’U.E.M.O.A.

Face à une situation qui peut vite devenir inextricable si on n'y prend pas garde et ne lui porte pas suffisamment d'attention, quelles sont les solutions envisageables ?

1.2. Les solutions envisageables

L’une des manières les plus simples d’anticiper et de prévenir ou de résoudre la concurrence dans la production des normes des organisations régionales citées et l’O.H.A.D.A est de recourir à titre préventif, aux dispositions des Traités qui comportent tous des clauses permettant à ces organisations d'établir toute coopération utile avec les organisations régionales ou sous-régionales existantes, de faire appel à l'aide technique de tout Etat ou d'organisations internationales et, surtout, de conclure des accords de coopération avec elles.

On a relevé à cet effet l’exemple du droit comptable élaboré par l'O.H.A.D.A et l’U.E.M.O.A. Ce risque de chevauchement a été évité dans ce cas particulier par la concertation en amont des deux organisations pour prévoir un droit et un plan comptable quasiment identique avec d’une part, l’Acte uniforme portant sur le droit comptable et d’autre part, le Système Comptable Ouest Africain (SYSCOA).

Mais en dehors de cette formule de concertation formelle ou non, toujours possible, entre organisations internationales, aucun mécanisme général préventif ou de solution des conflits de compétences n'a été institué dans la zone africaine subsaharienne.

A supposer donc que la solution de la concertation soit impossible ou inutilisée, comment arrivera-t-on à résoudre les conflits de normes portées par des législations des différentes organisations différentes ?

Rappelons qu’il n'y a conflit de normes que si deux dispositions ayant le même objet sont contraires.

Il y a lieu de distinguer dans cette analyse deux hypothèses : lorsque le conflit normatif dont il s’agit oppose le droit commun à un droit spécial ou lorsqu’il oppose deux législations de droit commun.

D’abord le conflit peut se porter entre un régime de droit commun et un régime de droit spécial. En effet, il peut advenir que l'une des organisations en présence ait forgé un droit commun et l'autre, un droit spécial (par exemple, le droit des sociétés commerciales élaboré par l'O.H.A.D.A est considéré comme le droit commun des sociétés commerciales et celui des banques et des assurances créé respectivement par l'U.E.M.O.A et la CIMA constituent des droits spéciaux de sociétés commerciales à objet de banque ou d'assurance ; tandis que les règles comptables édictées par le code CIMA pour les entreprises d'assurance constituent un régime dérogatoire au droit commun comptable SYSCOA ou O.H.A.D.A).

Dans un tel cas de figure, lorsque les régimes spéciaux dérogent au droit commun mais uniquement dans les limites étroites de ces régimes spéciaux et pour l'objet précis des dispositions dérogatoires considérées, la CCJA pour l'O.H.A.D.A comme la Cour de Justice de l'Union pour l’U.E.M.O.A devraient donner une interprétation de la portée dérogatoire de la règle ou du régime spécial.

Ensuite le conflit de normes peut concerner deux régimes de droit commun (par exemple l’O.H.A.D.A et l’U.E.M.O.A avec le droit comptable). Dans de pareils cas, le risque est grand d'être en face d’un conflit de règles insoluble lorsqu'elles seront appliquées dans l'espace de l'U.E.M.O.A car, selon qu'elles y auront intérêt, les entreprises pourront réclamer l'application de l’Acte uniforme ou du SYSCOA.

Or, à la différence de la règle de conflit qui permet, dans les limites fixées par le système de droit international privé du for, de répartir l’application de la lex fori et de la loi étrangère, aucun des ordres juridiques ne détient la clé de la répartition des compétences entre normes en concurrence. En effet, aucun ordre juridique ne peut s’arroger le pouvoir de cette répartition. Certes, il appartient à l’ordre juridique O.H.A.D.A de fixer sa sphère d’applicabilité matérielle et spatiale qui s’impose aux ordres juridiques internes des Etats- parties. Mais, il ne revient pas fondamentalement aux autorités ou aux organes de l’ O.H.A.D.A notamment à la CCJA de traiter ou d’interpréter, par exemple, une norme juridique U.E.M.O.A ou C.E.D.E.A.O dans un litige donné et porté à sa connaissance.

De manière générale, la politique d’extension du domaine du droit des affaires actuellement envisagée pour couvrir sinon la totalité, du moins l’essentiel des règles juridiques applicables à l’entreprise et aux activités économiques est porteuse de ce risque d’accroissement des situations de concurrence entre les normes communes produites ou susceptibles d’être produites par l’O.H.A.D.A et les normes communes ou communautaires produites par les autres organisations régionales telles que l’U.E.M.O.A et la C.E.D.E.A.O pour ne rester que sur l’exemple de l’Afrique de l’Ouest.

Si bien que tout en restant dans son domaine de compétences, l’ O.H.A.D.A peut se heurter donc à des limites externes résultant de l’existence d’organisations internationales concurrentes tout autant regardantes sur leurs sphères de compétences. D’ où les risques de conflits nés ou à naître, conflits qui peuvent être selon les situations négatifs ou positifs.

II. Les Conflits de Compétence dans le contrôle de l’application des normes

De la même façon que pour la création de normes supranationales, il existe un risque évident de conflits de compétence au plan juridictionnel (1), ce risque se trouve par ailleurs aggravé par l’absence de lien organique entre les différentes juridictions suprêmes instituées à la tête des plus grandes organisations (2).

2.1. Un risque évident de conflit de compétence juridictionnelle

Conscients des dangers d’interprétations divergentes et/ou contradictoires dans la mise en œuvre de leurs législations, l’O.H.A.D.A, l’U.E.M.O.A, la C.E.M.A.C, la C.E.D.E.A.O ont chacune institué une juridiction spéciale, chargée de veiller à l’application uniforme des règles qu’elles édictent. Il existe ainsi dans le seul espace géographique O.H.A.D.A. (Afrique Centrale et Afrique de l’Ouest) au moins six juridictions intervenant dans des sphères de compétence différentes.

D’un point de vue pratique, qu’adviendra-t-il lorsqu’un litige venait à impliquer par exemple l’application simultanée et conjuguée des règles de l’U.E.M.O.A, de la C.E.M.A.C et des Actes uniformes ?

Quelle juridiction faudrait-il privilégier dans de pareils cas ?

Même s’il est vrai qu'en dehors de la CCJA, les autres juridictions suprêmes ne connaissent guère un volume consistant de contentieux pouvant laisser croire à une véritable concurrence entre ces Cours, le risque de divergence existe bel et bien au plan pratique.

Or il n'existe aucune hiérarchie ou de lien organique entre les différentes juridictions. Cette situation d’horizontalité bien assise sur le principe de plénitude de compétence de chacune des juridictions dans la matière qui la concerne, empêche que l’une puisse saisir l’autre pour avis ou pour consultation sur une question d’interprétation.

La Cour de justice de l'U.E.M.O.A, saisie par avis le 2 février 2000 à propos du projet de Code communautaire des investissements U.E.M.O.A, avait eu à se prononcer indirectement sur la question en expliquant, d'une part, que la CCJA ne peut saisir la Cour de justice de l'U.E.M.O.A en renvoi préjudiciel, parce qu'elle n'est pas une juridiction nationale et, d'autre part, que l'interprétation par la Cour de justice de l'U.E.M.O.A des Actes uniformes de l'O.H.A.D.A porterait atteinte à « l'exclusivité de compétence de la CCJA dans l'interprétation et l'application des Actes uniformes ».

L'absence de lien organique entre ces hautes juridictions, s'explique en théorie par le fait qu'elles sont toutes adossées à des Traités internationaux différents et qu'elles obéissent ainsi à des ordres juridiques distincts.

Cette absence de passerelles entre ces institutions est pourtant préjudiciable pour les plaideurs ordinaires. Cette pluralité de cours ne gagnerait- elle pas en efficacité si une collaboration formelle pouvait être établies entre- elles?

Certains observateurs ont avancé l’idée de faire de la CCJA la plus Haute juridiction communautaire. Elle aurait pour ainsi dire vocation à connaitre de toutes les affaires relatives aux autres législations uniformes hors O.H.A.D.A, applicables dans les Etats parties, notamment en matière d’assurance ou de propriété intellectuelle, toujours dans le but de parvenir à une interprétation uniforme dans ces domaines.

Mais si cette idée a le mérite de la simplicité, sa mise en œuvre n’est pas sans difficultés dans la mesure ou toutes ces matières n’entrent pas, en effet, dans le cadre d’un Acte uniforme. Or la compétence de la CCJA est limitée au domaine du traité de Port Louis. Si bien que la compétence que la juridiction supranationale en tire est une compétence spéciale et non une compétence générale. Sur la base de cette analyse, on ne peut souscrire à cette idée. Une telle mesure pourrait en outre rouvrir inutilement le débat sur la constitutionnalité du Traité.

Il faudra prendre garde, en effet, qu’à une trop grande insécurité ne succède une sorte d’impérialisme judiciaire excessif qui lui-même aboutirait à une situation complexe où ne se retrouvent plus les plaideurs ordinaires.

2.2. De la nécessité d’une coopération entre les juridictions communautaires

A l’exception des cas de renvoi d’une juridiction à une autre, il y a deux circonstances qui pourraient justifier rationnellement la coopération judiciaire entre juridictions suprêmes : le dessaisissement total d’une juridiction au profil d’une autre et la procédure de renvoi préjudiciel.

La voie du dessaisissement doit être exclue dans notre hypothèse en raison de son impraticabilité car elle heurterait de plein fouet les règles de compétences exclusives entre les juridictions.

Or la question de l’opportunité du recours à la procédure préjudicielle peut se poser au moins dans les cas très spécifiques où le litige soulève des questions d’application et d’interprétation de plusieurs normes communautaires.

Il s’agit des litiges dans lesquels il existe un partage des compétences entre, par exemple, la CCJA et les autres juridictions suprêmes communautaires. Dans une telle hypothèse, l’instauration d’un mécanisme de question préjudicielle est celui qui présenterait le moins d’inconvénients.

Dans une telle perspective, dès lors qu’un juge suprême se trouve confronté dans « une affaire mixte » dans laquelle il y a un mélange d’application et d’interprétation de normes communautaires, il doit poser, sans aucune condition, la question préjudicielle à la juridiction suprême normalement compétente en la matière.

Il n’y a pas lieu, pour lui de considérer si la question est ou non « prépondérante »

Il n’y a pas lieu non plus d’admettre la théorie d’un acte clair développée par les juridictions françaises dans le cadre du droit européen .

Car il s’agit avant tout de permettre à chaque juridiction supranationale de garder toute sa maîtrise sur tout le contentieux du droit qui relève de sa compétence et de se prémunir contre les autres juridictions qui voudraient prendre quelques libertés avec les règles de compétences exclusives instituées par les différents traités.

Cette technique de recours à la procédure de renvoi préjudiciel devrait ainsi permettre aux diverses juridictions œuvrant pour le « bloc institutionnel communautaire » d’exercer chacune en ce qui la concerne, un contrôle indirect sur l’interprétation et l’application du droit relevant de sa sphère de compétence dans les litiges mixtes, tout en permettant aux autres juridictions d’exercer pleinement leur souveraineté sur la partie des litiges qui les concernent.

Schématiquement, la procédure se déroulerait en trois temps:

1- Le juge initialement saisi décide de surseoir à statuer et de renvoyer la question d’interprétation à la juridiction dont l’avis est sollicité ;
2- Saisie de la question, cette dernière, qui garde sa compétence exclusive dit le droit sous forme d’un arrêt interprétatif ;
3- Le juge saisi reprend l’instance fait application de cet arrêt interprétatif au litige et rend une décision qui éteint le contentieux.

L’OHADA : un exemple de Convergences / Vaincre la résistance des juridictions suprêmes nationales: les pistes possibles de Réforme

Bakary DIALLO
Docteur en droit privé
Juriste Collaborateur Externe
JURIFIS CONSULT
ATER à l’Université de Paris I Sorbonne

S’il est vrai que la mésintelligence d’une règle commune entre les diverses juridictions nationales peut apparaître comme rédhibitoire pour un droit qui se veut d’application et d’interprétation uniformes, la spécificité de la CCJA va bien plus loin que ce souci traditionnel, son caractère supranational n’a tout simplement pas d’équivalent dans les systèmes juridiques modernes.

Assez clairement, disons qu’à côté de l’abandon de souveraineté sur le plan législatif , le Traité réalise l’abandon de la souveraineté judiciaire et la consécration d’une supranationalité judiciaire qui complète la supranationalité juridique .

A travers le principe de l’exclusivité de compétence posé par l’article 14 du traité, le législateur africain a voulu éviter l’émergence de chapelles de jurisprudence nationales mais également francophones , lusophones, hispanophones ou bientôt anglophones .

Les auteurs du traité ont également pris soin d’instituer un arsenal textuel destiné à empêcher un empiétement réciproque des domaines de compétences de la CCJA et des juridictions nationales de cassation.

Ainsi, lorsque la CCJA est saisie, à tort, d’une question de droit qui ne porte pas sur l’application du droit OHADA, elle doit se déclarer incompétente, soit d’office (article 32-2 R), soit à la demande des parties (article 17 du Traité). Cette déclaration d’incompétence doit être suivie d’un renvoi à la juridiction nationale .

Inversement, lorsque c’est la juridiction nationale qui se trouve saisie d’un recours pour violation des règles droit uniforme, elle doit décliner sa compétence et renvoyer l’affaire devant la CCJA sur la base de l’article 15 du Traité .

Malgré cette délimitation, on observe dans la pratique quelques cas de résistance de certaines juridictions suprêmes nationales qui s’obstinent à rendre des décisions en violation des règles de compétences fixées par le traité.

Dans de nombreux cas ce sont les parties qui décident délibérément ou involontairement de laisser juger leur affaire par la juridiction nationale de cassation, dans d’autres cas c’est la juridiction qui estime qu’au moins un des moyens soulevés par le pourvoi porte sur le droit national non harmonisé de sorte qu’elle n’a pas à procéder au renvoi.

Partant de ce constat, on peut au moins considérer qu’il subsiste une incertitude dans les règles de répartition de compétences entre la juridiction supranationale et les juridictions nationales de cassation dans « les affaires mixtes ».

Malheureusement, il est à craindre que les turbulences ne s’amplifient, notamment par l’effet de l’extension du droit des affaires uniformisé à des matières purement civiles , ce qui aurait pour conséquence de dépouiller entièrement les juridictions nationales de cassation de leur compétence.

Cette crainte légitime les juges suprêmes nationaux l’on exprimé, lors d’un colloque tenu en juin 2006 à Lomé, ils ont réclamé avec fermeté le retour du droit des affaires uniformisé dans leur sphère de compétence .

Mais, cette revendication, quelque soit da légitimité a très peu de chance d’aboutir car elle trouve dans le principe de l’exclusivité de compétence posé par l’article 14 du traité un obstacle invincible.

Il n’en demeure pas moins qu’elle soulève la question du respect réciproque des domaines de compétence dans les affaires mixtes mêlant le droit uniforme des affaires et le droit national non harmonisé.

Or cette question spécifique n’a pas été traitée par le législateur africain.

La revendication des juges suprêmes nationaux révèle, en tous cas à elle seule qu’au-delà de leur frustration manifeste, les rapports entre les juridictions nationales de cassation et la CCJA sont loin d’être clairs et apaisés.

Dans cet esprit, la réflexion est entamée pour imaginer la mise en place d’un mécanisme permettant d’opérer un filtre des pourvois portés devant la CCJA.

I. LES MODES DE SELECTION DES RECOURS

Si dans la pratique la sélection des affaires s’effectue dans beaucoup de pays en fonction principalement de leur intérêt juridique, on ne saurait négliger la question de la sélection des pourvois par la valeur du litige, ne serait-ce qu’en raison du débat qu’elle pourrait susciter.

1.1. La sélection par la valeur du litige

Ce critère de sélection s’il présente des avantages certains, il n’en comporte pas moins des failles évidentes.

1.1.1. Les avantages du critère de la sélection par la valeur du litige

Certains observateurs ont très tôt avancé l’idée de ce mode de sélection qui aurait permis aux juridictions nationales de cassation de rester dans le jeu du contentieux des Actes uniformes.

Dans ce cadre, les affaires dont l’enjeu financier ne dépasse pas une certaine somme seraient portées à ces juridictions, mais les autres, celles dont l’enjeu financier est conséquent seraient réservées à la Cour Commune.

Cette solution, peut se comprendre pour plusieurs raisons dans le contexte socioéconomique africain.

Certains se demandent en effet, pour quelle raison on obligerait l’ensemble des justiciables de l’espace géographique OHADA à porter leurs litiges devant la juridiction supranationale abidjanaise, alors que pour la plupart du temps la valeur du contentieux est modique ?

Il serait plus logique pensent les tenants de cette solution de laisser à la connaissance des juridictions nationales de cassation ce type contentieux, d’abord pour une raison de proximité du contentieux (géographique, temporelle et sociale), mais aussi pour une raison de bonne administration de la justice; parce que ce serait tout simplement, la meilleure façon de lutter contre le découragement et le renoncement de quelques uns des justiciables qui s’effraient à l’idée de porter leur litige dans un pays qui n’est pas le leur.

On peut d’ailleurs observer que ce système de sélection par la valeur du litige est celui qui est mis en œuvre et fonctionne parfaitement en Suisse, où les demandes déterminées doivent atteindre un certain montant pour pouvoir être déférées à la Cour suprême fédérale .
Mais disons-le-tout net: cette forme de justice ne correspond plus à l’esprit initial de l’ordre juridique OHADA et n’emporte guère notre adhésion.

1.1.2. Les failles du critère de sélection par la valeur du litige

Ce mode de sélection doit être accueilli avec réserve parce que non seulement une question de principe peut se poser à l’occasion du paiement d’une somme insignifiante , mais encore parce qu’une somme modique peut être vitale pour un plaideur peu fortuné. Or, comment ne pas percevoir le risque d’institutionnalisation d’une justice à deux vitesses :

- la première moins certaine faite pour les pauvres qui serait rendue par les juridictions nationales de cassation là où elles existent et fonctionnent correctement;
- la seconde qui serait de meilleure qualité rendue par la Cour Commune au profit des grandes fortunes et du gratin local des affaires, c'est-à-dire pour ceux qui ne peuvent que préférer la sécurité judiciaire qu’offre incontestablement le recours devant la CCJA.

Or relâcher l’unité du contrôle des pourvois, par ce critère serait créer les conditions d’un éclatement du contentieux et entériner définitivement l’idée d’un droit uniforme fait pour les nantis.

La question d’ailleurs ne se pose pas uniquement en termes d’ opportunité judiciaire, mais également en termes d’égalité: les citoyens d’une communauté juridique ne sont véritablement égaux en droits que si l’on reconnaît à chacun d’eux, quelle que soit sa condition, un véritable droit à l’application de la loi, c'est-à-dire le droit de faire censurer par une même Cour régulatrice, toute décision suspecte d’ illégalité .

Pour toutes ces raisons, nous pensons qu’il y a lieu d’écarter ce système de sélection, car il porte gravement atteinte aux droits des citoyens et à l’unité de la jurisprudence.

2.2. La sélection par le critère de l’intérêt juridique

Ce mode de sélection reviendrait à réserver à la juridiction supranationale, les affaires qui lui paraissent présenter un intérêt doctrinal et jurisprudentiel suffisant.

Ce système, que pratiquent par ailleurs les pays anglo-saxons et l’Allemagne fédérale , même s’il présente des avantages se heurte également à de graves difficultés de praticabilité.

2.2.1. Les avantages d’une sélection par le critère de l’intérêt juridique

Alors qu’une sélection fondée sur la valeur du pourvoi est très incertaine, au contraire lorsqu’elle repose sur la nature du problème posé par les moyens du pourvoi , elle peut être très simple puisqu’il s’agit seulement de déterminer si le pourvoi pose une difficulté juridique telle qu’il nécessite l’intervention de la juridiction supranationale.

Nul ne saurait contester que les arrêts, que la Cour Commune est appelée à rendre n’ont pas tous la même portée et la même valeur juridique.

Certains ont une valeur doctrinale incontestable, parce qu’ils fixent une règle de droit uniforme sur une question nouvelle ou controversée, ou tranchent une question d’application de la règle de droit dont la solution n’était pas évidente.
D’autres décisions, au contraire, n’apportent que la confirmation d’une jurisprudence bien établie et constamment appliquée, ou même sont sans valeur doctrinale, parce qu’elles se bornent à constater une évidence.

On conçoit dès lors, que ces deux types de pourvois n’exigent pas les mêmes soins et n’appellent pas le même examen: alors que les premiers, appellent une prise de position doctrinale et méritent d’être examinés par la CCJA, les autres pourvois peuvent être soumis aux juridictions nationales de cassation.

On constate, en effet, à l’analyse que bon nombre de pourvois présentés devant la CCJA tendent à voir censurer une erreur de droit certaine ou à contester une règle bien établie .

Ces pourvois ne présentent, en général, guère de difficultés et appellent une solution rapide, permettant de purger sans retard l’arrêt du vice qui l’entache ou de rejeter le pourvoi.

Ce système de filtrage devrait en outre, servir à éliminer les affaires répétitive ou/ et clones qui encombrent la CCJA.

En réalité notre principale objection n’est pas dans l’acceptation du principe de ce mode de sélection, elle est dans sa praticabilité dans le système très particulier de l’OHADA.

En effet, la mise en œuvre de ce critère commande que soit réglée au préalable l’épineuse question de l’auteur de la sélection.

Or selon que l’on confie ce rôle de filtrage à la CCJA ou aux juridictions nationales de cassation les difficultés ne sont pas de même nature.

2- Le problème de la détermination des auteurs de la sélection

a- La sélection par les juridictions nationales de cassation

Laisser le choix aux juridictions nationales de cassation le soin de faire le tri des pourvois devant être portés à la connaissance de la CCJA c’est introduire un facteur supplémentaire d’insécurité.

Ici, comme dans le critère développé précédemment le souci de l’unité du droit harmonisé et de son application uniforme doit prévaloir .

Quelle confiance peut on avoir en un mécanisme de renvoi et de contre- renvois qui, même avec une directive légale, resterait dans une large mesure à l’appréciation souveraine des juridictions nationales ?

On peut effectivement craindre, dans cette hypothèse que l’unité du droit régional ne survive pas longtemps à l’application d’un système aussi compliqué et finalement peu contraignant pour les juges internes.

On peut aussi craindre que les Cours suprêmes nationales ne profitent de ce mode de sélection de façon plus ou moins délibérée pour conserver les pourvois plus intéressants.

En revanche, une sélection des pourvois par la CCJA aurait le mérite d’ôter aux juridictions nationales la lourde et dangereuse responsabilité de la détermination des questions de droit qui pourraient donner lieu à l’accès à la CCJA.

b- La sélection par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage

Le risque encouru en confiant à la CCJA le soin de la sélection serait d’instaurer une lourdeur et un facteur de ralentissement de la procédure, en raison du double examen des affaires.

Lorsque la CCJA refuse d’examiner une affaire et procède au renvoi devant une juridiction nationale de cassation elle accentue en effet la lenteur du pourvoi, allant ainsi à contre-courant du mouvement général et contemporain d’accélération des procédures judiciaires.

Le risque que les juridictions nationales ne portent atteinte à l’égalité des citoyens n’est pas non plus à écarter même dans les litiges jugés sans réel intérêt juridique ou doctrinal. Par ailleurs, une telle option ne nous éloignerait pas beaucoup de la situation actuelle.

Le problème reste posé dans les mêmes termes, rien n’indique en fait que les juridictions nationales accepteraient de coopérer plus dans ce nouveau système que dans l’actuel, en déclinant leur compétence pour tous les pourvois qui leur seront déférés.

En définitive, aucun des critères ci-avant développés n’emporte notre adhésion car dans l’un ou l’autre cas on se trouve confronté soit à un risque sérieux de divergence dans l’application et l’interprétation des Actes uniformes, soit à un risque certain de ralentissement de la procédure du pourvoi en cassation.

En revanche, nous préconisons la mise en œuvre d’une procédure qui viendrait non pas pour se substituer aux procédures déjà existantes, mais qui serait regardé comme un mécanisme complémentaire qui ne serait utilisé que dans des cas spécifiques.

Il s’agit de la procédure de renvoi préjudiciel.

III- Pour l’instauration d’un mécanisme de la procédure préjudicielle

Si l’on excepte les cas de renvoi dans les rapports des juridictions nationales de cassation et la CCJA, il y a deux circonstances qui pourraient justifier rationnellement le regroupement d’un procès devant un même juge: le dessaisissement total d’une juridiction en faveur d’une autre et la procédure de renvoi préjudiciel.

La voie du dessaisissement semble être celle qui a été adoptée par le traité.

La procédure qu’organise l’article 15 du traité a pour seule et unique conséquence d’entrainer le dessaisissement immédiat et total du juge national du pourvoi qui lui est déféré.

L’article 51 du Règlement de procédure de la CCJA abonde dans le même sens puisqu’il dispose que:« Lorsque la cour est saisie conformément aux articles 14 et 15 du traité par une juridiction nationale statuant en cassation qui lui renvoie le soin de juger une affaire soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes, cette juridiction est immédiatement dessaisie ».

Or nous avons déjà souligné les limites et l’impraticabilité de cette procédure dans de nombreux cas.

Pourtant la question de l’opportunité du recours à la procédure préjudicielle peut se poser au moins dans un cas très spécifique.

C’est lorsque dans un litige donné l’application du droit harmonisé n’a qu’une part marginale, alors que le reste du contentieux relève de la compétence souveraine du juge suprême national juge de droit commun.

Nous pensons effectivement que dans cette hypothèse l’instauration d’un mécanisme de question préjudicielle est celui qui présente le moins d’inconvénients.

3.1 Conditions dans lesquelles la question préjudicielle peut être posée

Dans notre perspective, dès lors que le juge suprême national se trouve confronté dans « une affaire mixte » à l’application et à l’interprétation d’un Acte uniforme, il doit poser la question préjudicielle.

Il n’y pas lieu, pour lui de considérer si la question est ou non « prépondérante » pour la solution du litige, ni d’admettre la théorie d’un acte clair développée par les juridictions françaises dans le cadre du droit européen .

Car il s’agit avant de permettre à la CCJA de garder tout son imperium sur tout le contentieux du droit harmonisé et de se prémunir contre les juges nationaux qui voudraient prendre quelques libertés avec les règles de compétence exclusive instituées par le traité.

Ainsi, si la voie de recours en cassation permet à la CCJA un contrôle direct de l’interprétation et de l’application du droit harmonisé dans les litiges relevant exclusivement de matières harmonisées, le recours à la procédure de renvoi préjudiciel devrait lui permettre d’exercer un contrôle indirect sur l’interprétation et l’application du droit harmonisé dans les litiges mixtes où s’entremêlent droit harmonisé et national non harmonisé, tout en permettant aux juridictions nationales de cassation d’exercer pleinement leur souveraineté.
La procédure préjudicielle peut se présenter comme un incident dans une instance qui se déroule au principal devant les juridictions nationales de cassation.

Schématiquement, la procédure se déroulerait en trois temps:

1- Le juge national décide de surseoir à statuer et de renvoyer la question d’interprétation à la CCJA;
2- Saisie de la question la CCJA, qui garde sa compétence exclusive dit le droit sous forme d’un arrêt interprétatif;
3- Le juge national reprend l’instance fait application de cet arrêt interprétatif au litige et rend une décision qui éteint le contentieux.

Cette idée de coopération et de collaboration plus que d’antagonisme est une idée décisive.

L’esprit de collaboration peut s’expliquer par le fait que lorsque dans un litige le juge national décide de recourir à la question préjudicielle, il le fait dans le total respect des règles de compétence définies par le traité OHADA lui-même.

Le juge national pour gagner du temps sursoit à statuer et pose la question préjudicielle au juge supranational qui garde ainsi en tout état de cause le monopole d’éclairer le sens des normes harmonisées.

En bref, contrairement à la situation actuelle qui est potentiellement conflictuelle pour les juridictions nationales de cassation et la CCJA, la procédure du recours à la question préjudicielle devrait permettre à instaurer un climat de confiance de complémentarité et de collaboration entre ces juridictions .

L’OHADA : un exemple de Convergences / Convergence Professionnelle : des normes et des pratiques bien communes ?

L’OHADA : un exemple de Convergences
Convergence Professionnelle : des normes et des pratiques bien communes
?

Mamadou I. KONATE
Avocat Associé
JURIFIS CONSULT



Introduction générale

Face à l'universalisation des marchés et à la libéralisation des échanges, les pays africains n'ont pas vraiment le choix.

Soit ils avançaient en rang disperser et subissaient les foudres de l'économie de marché et de la mondialisation, soit ils acceptaient de s'adapter en se regroupant pour former de grands ensembles dans l'espoir de rester dans la course.

C'est cette volonté de coopération qui a conduit certains Etats africains depuis quelques années à se regrouper au sein de l’OHADA pour défendre les intérêts qui leurs sont communs, afin d’encourager l'initiative économique et la fiabilité des normes juridiques des Etats membres.

En effet, les opérateurs économiques étrangers ou même nationaux et les investisseurs ne donnaient plus leur confiance au système juridique et judiciaire en place.

L'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) s’est donc fixée comme principal objectif non seulement de faciliter l’activité des entreprises pour relancer l’économie, mais également d’apporter une réponse adaptée à l'insécurité juridique et judiciaire qui constituait un obstacle majeur à l’attrait de ces investisseurs .

L'insécurité juridique était pendant longtemps matérialisée par le caractère vétuste de la règlementation en vigueur : nombreuses étaient ces lois qui dataient d'époques très lointaines et ne répondaient plus aux questions issues de contextes économiques ayant manifestement évolués.

Dans la plupart des Etats parties, très peu de réformes ont été entreprises jusqu'alors, chaque État légiférant sans tenir vraiment compte de la législation de son ou ses voisins ou ceux qui appartiennent à la même communauté financière et/ou économique. A cela s'ajoute l'énorme difficulté pour les justiciables comme pour les professionnels du droit et d’autres de connaître les textes juridiques applicables.

La corruption de tout le système judiciaire, l'imprévisibilité des tribunaux, l'absence de publication des décisions de justice, des décisions judiciaires contestables, des décisions en délibérées depuis plusieurs années, l'accueil des moyens dilatoires, les renvois à répétition, la lenteur des procédures, les difficultés d'exécution des décisions de justice, des législations disparates, hétérogènes et contradictoires, l'inadaptation des législations à l'évolution des affaires, la saturation des tribunaux avec des moyens matériels limités, la faible rémunération et le manque de formation des magistrats et auxiliaires de justice, et la liste est loin d'être close, ont laissé s'installer sur le continent une réelle insécurité juridique et judiciaire empêchant toutes activités économiques sérieuses.

Il ne fait aucun doute aujourd’hui que le bilan de l’OHADA sur l’ensemble de ces préoccupations est plus que satisfaisant au regard des résultats obtenus, même s’il reste bien entendu que ces résultats sont inégalement repartis tant par rapport aux objectifs fixés que par rapport aux Etats Parties.

Sur le plan normatif comme sur le plan judiciaire, la convergence de la loi et de la jurisprudence est sans conteste une réalité.

Mais, peut-on faire ce même constat au plan des pratiques, notamment pour ce qui est de la norme et de la pratique professionnelle pour parler de convergence professionnelle ?

L’amélioration des systèmes judiciaires des Etats, plus encore que l’amélioration des textes juridiques, est très largement tributaire de la qualité des professionnels chargés de la mettre en œuvre et de la formation reçue par ceux-ci : les normes ne sont rien sans une procédure et les professionnels sont eux-mêmes inutiles s’ils les méconnaissent.

En effet, pour que « the law in the book » (la loi dans les textes) se traduise dans la réalité par the « law in action » (le droit positif), il importe de développer une véritable culture juridique commune aux praticiens du droit applicable aux affaires.

Le nombre de colloques, de conférences et toutes les autres publications à l’échelle régionale et internationale déjà intervenus sur le droit OHADA en si peu de temps traduit à la fois ce besoin et le bouillonnement culturel dans le sens d’une accélération.

La formation pratique constitue, en raison de son impact culturel profond, durable et mesurable, un accompagnement indispensable au développement de ce droit.

Cette culture commune passe inévitablement par une formation commune et un perfectionnement des praticiens dans le domaine du droit unifié des affaires.

Le manque de formation aurait eu pour effet immédiat de réduire et la valeur et la portée de ce droit ; notamment parce qu’il conduirait les juridictions nationales chargées de régler en première instance et en appel le contentieux relatif à l’application des Actes uniformes (article 13 du Traité de l’OHADA), à appliquer des normes internes dans les cas où les normes communautaires (qu’ils ne maîtrisent pas) devraient trouver à s’appliquer.

Aussi, quelle que soit la qualité de la formation professionnelle reçue au préalable par les magistrats, avocats, notaires et autres auxiliaires de justice, cette formation complémentaire, spécifique en droit communautaire est incontournable.

I. La création d’une Ecole régionale de formation
1.1. Le Rôle et les limites de l’ ERSUMA


Dès l’avènement du droit OHADA, les observateurs n’ont pas manqué de faire part de leurs inquiétudes.

Inquiétudes devant un monde nouveau, pour lequel l’enseignement universitaire et/ou les écoles de formation n’ont très souvent guère préparé les praticiens de ce droit.

Ce manque de formation des praticiens faisait craindre une mauvaise application et une mauvaise utilisation du droit.

C’est pour se prémunir contre cela et dans une perspective d’uniformisation des pratiques que le législateur a donc décidé que seul un établissement interafricain était à même de faire prendre conscience aux professionnels du droit de l’intérêt de ce droit uniforme.

C’est ainsi qu’a été institué l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) basée à Porto- Novo, en République du Bénin. L’ERSUMA, est destinée selon les fondateurs de l’OHADA à devenir une institution clef, bien que dépendante du Secrétariat Permanent.

Selon les termes mêmes de l’article 41 du traité, cette école concourt: « à la formation et au perfectionnement des magistrats et des auxiliaires de justice des Etats parties ».

L’admission à l’ERSUMA est ouverte à tous les magistrats ou auxiliaires de justice c'est-à-dire aux huissiers, aux notaires, aux greffiers, aux experts judiciaires et aux avocats ressortissants de l’espace OHADA. Elle reçoit en outre les universitaires et les acteurs non judiciaires tels les opérateurs économiques.

Sur le plan pédagogique, le programme correspond au droit matériel OHADA. Cependant l’Ecole n’assure pas à titre principal la formation professionnelle de base (formation initiale) des personnels judiciaires. Cette formation initiale reste de la compétence des Ecoles nationales de formation ou filières judiciaires des ENAM.

Mais, les acteurs judiciaires ainsi formés de la même manière sur le droit matériel uniforme, quel que soit le pays auquel ils appartiennent constitue sans nul doute une garantie d’une bonne application du droit uniforme par les juridictions de première instance et d’appel des Etats parties, car statistiquement, les recours en cassation sont rares.

Par ailleurs, cette formation commune présente un autre intérêt pour la recherche juridique, elle mobilise la jurisprudence africaine, la doctrine et l’enseignement universitaire autour des mêmes thèmes. Elle favorise ainsi les échanges entre universités et praticiens du droit des Etats-parties qui se nourrissent de leurs expériences réciproques.

Cette institution joue un rôle non négligeable en ce qu'elle permet aux professionnels du droit des Etats membres d'avoir une formation uniforme et d'acquérir ainsi une compétence homogène en droit des affaires. Le rôle de cette formation dans la lutte contre l'insécurité n'est plus à démontrer, tant elle répond aux attentes des protagonistes de l'activité économique sur le continent.

Cela dit le système a ses limites car cette formation n’est pas obligatoire et l’accès à cette école est laissé à la diligence des autorités étatiques qui proposent les candidats à la formation. Le nombre de magistrats proposés par pays nous paraît d’ ailleurs assez limité.

On s’est également très vite rendu compte que l’ERSUMA à elle seule ne pouvait pas jouer ce rôle de formation pour tous les professionnels de l’espace OHADA. D’ailleurs, faute de moyens financiers suffisants elle est actuellement moribonde.

A l’heure d’un premier bilan on peut dire que trop de magistrats, avocats, greffiers, notaires connaissent encore mal le droit OHADA, ce qui nuit incontestablement à sa visibilité, à son efficacité et à la sécurité juridique et judiciaire dans son ensemble à long terme.

1.2. La nécessité d’une nouvelle stratégie pour l’ERSUMA

Nous préconisons une nouvelle stratégie. Une formation délocalisée et individualisée doit être envisagée pour certains pays de la zone OHADA, identifiés comme ayant des problèmes communs d’application des normes communautaires.

Cela permettra de réduire les coûts de mise en œuvre des formations par la limitation des déplacements des séminaristes au site de l’ERSUMA, mais aussi, la mise en place de sessions de formation plus focalisées sur les difficultés propres à chaque Etat-partie.

Une nouvelle politique de sélection et de prise en charge des participants selon des critères plus ouverts devrait être établie. Ces critères devraient tenir compte des spécificités et des besoins de chaque Etat-partie pour être efficace.

Le recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication devra être encouragé avec la mise en place de formations à distance au moyen de visioconférence.

Les programmes doivent permettre de répondre aux besoins de formation spécialisée identifiés dans les Etats Parties. Ces programmes doivent également permettre aux Etats-Parties, les moins impliqués dans la mise en œuvre de rattraper leur retard et de continuer de participer activement à l’application du droit communautaire.

Dans tous les cas, il est à espérer qu’à l’avenir, l’action de l’ERSUMA ne sera pas limitée à la formation des formateurs, mais au contraire sera ouverte à la formation initiale en attendant d’en faire la grande école régionale de formation des magistratures africaines et de l’ensemble des juristes du continent. Les moyens financiers de l’OHADA devront néanmoins être à la hauteur de cette ambition.

II. L’absence d’un barreau spécialisé

Il n’existe pas d’avocats spécialisés et répertoriés comme tels sur un tableau auprès de la CCJA, dans le contentieux des Actes uniformes au stade de la cassation. Il y a lieu de le regretter et de le déplorer.

L’absence d’un barreau spécialisé critiquée par une partie de la doctrine, n’est pas pour faciliter le développement d’un contentieux de qualité. La qualité de la personne prétendant exercer le ministère d’avocat devrait être sûre et garantie par des listes établies par les barreaux nationaux. Or, les textes de l’OHADA apparaissent un peu légers sur cette exigence.

L’alinéa 1 de l’article 23 dispose tout simplement que : « est admis à exercer ce ministère toute personne pouvant se présenter en qualité d’avocat devant une juridiction de l’un des Etats Parties au Traité. Il appartient à toute personne se prévalant de cette qualité d’en apporter la preuve à la Cour ».

En fait, l’avocat « communautaire » est, un juriste rattaché à un système juridique de l’un des Etats- parties. Mais, à côté de son droit national non harmonisé, le praticien ne peut éviter un droit harmonisé déjà considérable, de par son volume et sa durée. Il ne pourra, dès lors apporter une réelle contribution à la construction du droit harmonisé, que pour autant que les différentes professions nationales de cet espace communautaire s’organisent et se spécialisent.

2.1. Une structuration indispensable des barreaux

On ne peut pas dire que l’article 23 du Règlement par l’imprécision de ses termes, va dans le sens d’une garantie absolue vis-à-vis du plaideur. La qualité de la personne prétendant exercer cette profession ne doit pouvoir être remise en cause. Or il n’appartient qu’aux différents barreaux nationaux d’établir de façon incontestable la liste de ces personnes. La liste de ces avocats devant être tenue à la disposition de la CCJA au niveau de chaque Etat -partie.

Certains observateurs proposent que ces barreaux se regroupent dans un Conseil représentatif. Ce Conseil représenterait la profession auprès de la Cour.

Et dans le cadre de la dynamique d’harmonisation, ce Conseil devrait prévoir à terme la création d’un centre de formation qui dispenserait une formation commune aux avocats de tous les Etats-parties .

Une telle proposition mérite d’être soutenue sans réserve. Car l’harmonisation de la profession au sein de l’OHADA est une nécessité impérieuse dont ces acteurs particuliers du procès ne peuvent faire l’économie.

Car dans le même temps qu’elles participent de manière éminente à des fonctions communautaires, les professions d’avocat, telles qu’elles existent dans l’espace OHADA sont structurées dans le cadre national et sur des bases nationales.

Ceci implique naturellement une hétérogénéité à bien des égards. De ce point de vue, l’espace juridique OHADA risque fortement d’être cloisonné, compartimenté par des barrières plus ou moins visibles, entre les Etats- parties, voire à l’intérieur de ceux-ci, et entre les différentes professions d’avocat.

2.2. Une spécialisation souhaitable

La CCJA pourrait-elle continuer à fonctionner correctement sans un barreau spécialisé ?

Il est incontestable, tout d’abord, que l’activité de l’avocat auprès de l’instance de cassation n’est pas de même nature que celle qui s’exerce devant une juridiction du fond . Cette activité requiert une compétence spéciale en la forme comme au fond. En la forme, l’avocat doit être capable de mettre en jeu une technique particulière, fondée sur une procédure entièrement écrite basée sur la distinction du fait et du droit.

Au fond, l’activité auprès de la Cour Commune doit consister en une « espèce fixée » qu’il doit rattacher à une généralité de cas, aussi compréhensible que possible, pour dégager un principe général ayant un large domaine d’application.

Le recours en cassation n’est pas en effet, « un super- appel » ordinaire, mais une voie de recours extraordinaire au sens technique comme au sens figuré du terme.

Jacques Boré explique que dans de nombreux pays, dotés d’une juridiction de cassation dont l’activité est gouvernée par la distinction du fait et du droit, l’idée s’est naturellement imposée qu’il était souhaitable, pour la bonne information et le libre choix des justiciables, de réserver la représentation de ceux-ci à des professionnels spécialisés, groupés en corps distincts ou inscrits à un tableau spécial .

Dans une communauté de droit qui se construit et se développe les avocats occupent, ou devraient occuper, un rôle charnière. Ils sont aux avant- postes. Ce sont eux qui sont appelés à proposer aux juges des lectures plus ou moins audacieuses des textes de l’OHADA.

C’est à l’avocat qu’il revient d’identifier et de faire émerger les éléments de droit uniforme de l’affaire dans laquelle il assiste ou représente une partie, en première instance devant une juridiction nationale, dans l’Etat où il a obtenu son habilitation, dans un Etat d’accueil ou en instance de cassation devant la juridiction supranationale.

Le juge supranational est tributaire, après tout, des affaires qui sont portées devant lui par les plaideurs ; car le juge est lié par l’objet du litige, par les termes du litige, tels qu’ils sont déterminés par les prétentions des parties. Les avocats sont et doivent être les interprètes des préoccupations de leurs clients. Il leur revient donc de suggérer les solutions que commande l’invocabilité des Actes uniformes.

A ce propos, l’ ancien Président de la Cour de Justice des Communautés Européennes, le danois Ole Due , faisait fort justement remarquer que : « tous les grands principes du droit communautaire ou international qui nous semblent aujourd’hui si évidents, comme l’effet direct, la primauté du droit communautaire, le respect des droits fondamentaux, les droits de la défense ont été consacrés à l’occasion d’affaires dans lesquelles un avocat a identifié et a su convaincre le juge de la nécessité de le résoudre en formulant un principe général applicable non seulement de l’affaire en cause, mais aussi à celle en devenir » .

On attend des avocats africains qu’ils jouent ce rôle prépondérant pour apporter leur contribution originale et essentielle à l’enrichissement et la construction du droit harmonisé des affaires.

Or cette contribution décisive ne peut passer que par le canal d’une formation professionnelle commune et performante à travers l’espace régional.

L’avocat dans l’espace OHADA vit donc un changement inexorable et une accélération exponentielle dans la pratique de sa profession qui ne connaît pas une simple évolution, mais une véritable révolution.

D’ailleurs, seule une parfaite connaissance et une maîtrise complète des nouvelles normes et institutions communautaire permettrait de garantir une application efficace du droit des affaires en OHADA.

Seule une formation adéquate et continue pourrait lui permettre à l’Avocat de jouer le rôle qui est le sien dans la mise en place des normes qui régissent le droit des affaires en OHADA et garantir aux entreprises un accompagnement approprié à leurs besoins.

La nécessité de prioriser la formation au sein de la profession d’Avocat ne fait pas de doute. L’adhésion au principe de la formation est déjà la règle de plusieurs ordres professionnels et d’un grand nombre de Barreaux d’Europe et même d’Amérique.

En France par exemple, cet impératif de formation fait désormais partie des obligations mis à la charge de l’Avocat, qui est tenue de justifier chaque année de plusieurs heures de formation continue.

Il est donc peut être venu le moment pour les différents Barreaux de l’espace OHADA, en partenariat avec les Universités, de prendre les dispositions nécessaires afin de mettre en place des cycles de formations permettant aux Avocats d’acquérir très rapidement, les aptitudes nécessaires pour faire face à la profonde mutation qu’à entraîné l’OHADA.

Si le débat «connaissances vs. compétences» fait rage dans les discours médiatisés, il est important de réaliser à quel point les deux sont intrinsèquement liés dans notre cas. Une grande part de notre savoir nous est acquise, par notre formation antérieure et notre expérience. Une part demeure cependant constamment à être actualisée, peaufinée, adaptée…

Il semble démontré qu’il n’y a pas d’apprentissage sans imagination et que l’intelligence, dite « fluide », opposée à l’intelligence « cristallisée », peut s’exercer à l’école. Il nous appartient donc à nous, Avocats, de mettre notre imagination au service de la conception et de la mise en œuvre de nos programmes de formation pour les adapter avec fluidité à notre très belle profession.

Chaque avocat devrait alors avoir accès à des formations variées, qui lui permettraient à la fois d’actualiser son savoir dans son domaine d’expertise, d’acquérir de nouvelles connaissances, d’assurer le développement de ses compétences, de confronter ses questions et ses vues avec celles d’autres participants et des formateurs, et ce, dans n’importe quel domaine du droit des affaires OHADA.

C’est dans cette perspectives que nous préconisons la mise en place de :

- une préformation en vue d’accéder à la profession;
- une formation initiale;
- une formation continue;
- un cadre légal et règlementaire d’exercice de la profession;
- un code déontologique applicable à la profession;
- Les exigences de qualité et le respect des standards internationaux applicables à la profession;











GESTION ET MARKETING DU CABINET D'AVOCATS

GESTION ET MARKETING DU CABINET D'AVOCATS

Bérenger MEUKE & Mamadou KONATE (Avocats)

Les Cabinets d'Avocats sont de nos jours soumis aux mêmes contraintes économiques que celles imposées aux entreprises de type commercial. Or, la crise économique et financière actuelle pèse lourdement sur la pratique de nombreux Avocats.

La baisse du pouvoir d’achat des particuliers, la chute de la rentabilité des clientèles institutionnelles, l’accroissement des concurrences internationales, la montée des effectifs de la profession, un marché du droit stagnant sur certains créneaux traditionnels se traduisent par une conjoncture sociologique et économique chez les Avocats.

La gestion et le marketing au sein des Cabinets d’Avocats deviennent alors une nécessité quel que soient d’ailleurs la taille du Cabinet d’Avocats, son domaine d’activité ou d’intervention, son lieu d’implantation ou d’exercice professionnel.

Ces éléments permettent pour un grand Cabinet, d'éviter des dérapages économiques, de prendre la mesure des gisements de profits dissimulés, de limiter les pertes invisibles.

Pour les Cabinets plus modestes, ils permettent sans nul doute d’éviter que des erreurs de gestion se transforment en déficits vertigineux. Ils favorisent pour ces Cabinets, la création de marges permettant d'améliorer la politique d'investissements et de rémunérations.

Le développement de la concurrence et la crise économique rendent encore plus nécessaire l'exigence d'une organisation et d’une gestion adaptée.

Déterminer le seuil de rentabilité, mettre en place une politique de tableaux de bord, définir les indices qui permettront de prendre la mesure des dérives sont les éléments clefs pour une gestion moderne et efficace.

Le but de cette formation est justement d’appréhender d’avantage ces questions.

Bien que le markéting intègre la gestion, la présentation qui suit se décline en deux temporalités.
Nous passerons en revue les éléments liés à la gestion de Cabinet (I) avant d’examiner ceux plus spécifiques en rapport au marketing (II).

I- LA GESTION DU CABINET D’AVOCATS

Défi de taille... et fort complexe, la gestion d'un cabinet d'avocats représente pour la plupart des membres de la profession qui assument cette tâche, une lourde responsabilité. Appelés à prendre des décisions capitales pouvant affecter la survie même de leur cabinet, les avocats ne reçoivent aucune formation préalable en gestion...
La qualité des hommes et du travail n’est pas suffisante si l’on veut optimiser la gestion d’un Cabinet d’Avocats.

L’organisation et la planification du travail au sein d’un Cabinet d’Avocats constituent des éléments essentiels de l’amélioration de la productivité.

L’avocat d’aujourd’hui est aussi un entrepreneur.
La gestion du Cabinet d’Avocats nécessite dès lors des outils adaptés et performants qui permettent une organisation efficace passant nécessairement par un état d’esprit, une démarche globale ainsi qu’une meilleure structuration :

 Des dossiers,
 De la charge de travail,
 Du personnel,
 De la prise en charge de la clientèle,
 Des finances,
 De la facturation et du recouvrement

I-1 L’ORGANISATION DES DOSSIERS

L’organisation des dossiers constitue la première étape dans la recherche d’une gestion efficace du Cabinet d’Avocats, de sorte qu’il est impératif pour atteindre cet objectif, d’optimiser :

- L’ouverture du dossier par une identification simple et cohérente,
- Le classement des pièces du dossier par la création de côtes et sous côtes,
- La circulation du dossiers par son affectation à un responsable chargé de son suivi ,
- L’archivage du dossier.

Cette organisation est de plus en plus possible par voie électronique et permet une sauvegarde systématique de l’ensemble des données d’un dossier

I-2 L’ORGANISATION DE LA CHARGE DE TRAVAIL ET DU TEMPS D’INTERVENTION

Une meilleure organisation allège la charge de travail de l’Avocat.

Celle-ci passe nécessairement par l’adoption de règles de base qui consistent:

- à la nécessaire identification des compétences et expertises de l’ensemble des Avocats et Collaborateurs du Cabinet;
- à la mise en place de pôles de compétence;
- à la répartition des tâches et des dossiers en fonction des compétences;
- à la synchronisation de l’ensemble des interventions du personnel dans un dossier afin de réussir le traitement du dossier dans le temps imparti et effectivement payé par le Client, le tout pour éviter un coût de production trop élevé.

I-3 L’ORGANISATION DU PERSONNEL

L’organisation du personnel du Cabinet, tout comme leur formation (Avocats, Collaborateurs, Personnels administratifs et autres) participe à une bien meilleure gestion du Cabinet.
Une véritable gestion des Ressources Humaines peut être mise en place même dans une petite structure. Cela est d’autant plus aisé que les fonctions auront été bien définies.

Un entretien annuel d’évaluation permet d’apprécier la qualité du travail, de fixer des objectifs en matière de responsabilités à prendre, de faiblesses à travailler, de compétences à acquérir, d’attitudes à modifier. Le personnel peut présenter ses remarques, ses idées qu’il est toujours intéressant de connaître et discuter de manière formelle et en tirer éventuellement des conséquences en termes d’organisation.

Enfin et c’est presque le plus important, l’Avocat- Responsable du Cabinet doit communiquer avec son personnel, expliquer, remarquer les efforts et pas seulement les erreurs. On obtient tout avec un sourire, y compris l’impossible et la perfection, même les jours où la pression atteint son maximum.

I-4 L’ORGANISATION DE LA PRISE EN CHARGE DE LA CLIENTELE

Une meilleure organisation du Cabinet nécessite également une gestion adéquate de la prise en charge de la clientèle. Dès lors:

- Chaque nouveau client doit être identifié par une Fiche-Client;
- Les premiers entretiens avec le client doivent toujours se faire sous la responsabilité de l’Avocat le plus expérimenté disponible;
- Les différents Avocats et Collaborateurs du Cabinet doivent prendre garde à ne pas fournir au client des informations qui pourraient s’avérer contradictoires;
- L’Avocat doit enfin se montrer raisonnablement disponible pour le suivi du dossier chaque fois que le client le sollicite.

I-5 L’ORGANISATION DES FINANCES ET DE LA COMPTABILITE

L’organisation des finances du Cabinet et de sa comptabilité est une composante essentielle de la gestion du Cabinet et de son processus de développement.

Elle permet d’assurer la stabilité budgétaire et guide les allocations des ressources pour répondre aux priorités dans les dépenses du Cabinet (loyer, eau, électricité, salaire du personnel, rétrocession d’honoraires, formation, documentation et autres prestations de service).
L’organisation des finances et de la comptabilité pourrait nécessitée l’intervention d’un comptable généralement plus apte à déceler les difficultés et donner une image fidèle des comptes du Cabinet, seule gage d’une cohérence entre les encaissements (honoraires et autres frais liés aux procédures) et les dépenses effectuées.

I-6 L’ORGANISATION DE LA FACTURATION ET DU RECOUVREMENT

L’émission des factures, leur mise en paiement et leur recouvrement sont des tâches encore peu maîtrisés par de nombreux Cabinets d’Avocats.

Le Cabinet d’Avocats doit pouvoir maîtriser sa facturation. La facturation d’un client ne se fait pas au hasard, elle est en général fonction de la nature de l’affaire, de sa complexité et de la qualité des intervenants appelés à intervenir.

Le Cabinet d’Avocats doit mettre en place des mécanismes fiables et souples devant lui permettre de recouvrer l’ensemble de ses créances.

C’est très souvent qu’une anarchie dans la facturation a pour effet immédiat une difficulté réelle dans le recouvrement, toute chose qui expose le Cabinet à une désorganisation en ce qu’il sort pour la plupart du temps de son budget initial.

II- LE MARKETING DU CABINET D’AVOCATS

D’après Laurent MARLIER, le markéting de l’Avocat est un système global de pensée, d’analyse et d’action qui fait de la satisfaction de l’intérêt public l’objectif fondamental de toute l’activité du Cabinet.

L’Avocat est un prestataire de services et son marketing doit être orienté dans le cadre de sa mission publique vers les clients. Il ne s’agit pas de maximiser la consommation de services juridiques offerts mais de maximiser la satisfaction de la clientèle de services juridiques.
Aujourd’hui, la plupart des Cabinets d’Avocats en Afrique fonctionnent au jour le jour sans la moindre vision stratégique, sans la moindre notion quantifiable de ce qu’ils seront dans trois ans, cinq ou sept ans, c'est-à-dire sans « business plan » et sans budget.

La gestion du Cabinet moderne est un cocktail qui allie déontologie et compétitivité, délicatesse et performance.

Le Cabinet d’Avocats a des impératifs de rentabilité mais également des exigences de compétence et de moralité inséparables du contexte séculaire de la profession d’Avocat.
La profession d’Avocat nécessite un contact assez personnel avec le client, ce qui implique des stratégies de marketing particulières.

Mieux, les produits juridico-judiciaires ne sont pas des produits de masse, de sorte que, c’est souvent au cas par cas que le ministère de l’Avocat est mené à travers une relation bien individualisée avec le client.

Par ailleurs, l’activité de l’Avocat est bicéphale, incluant le juridique et le judiciaire.
Aussi, au-delà des principes qui régissent le markéting classique des autres activités, celui appliqué au Cabinet d’Avocats est entaché de particularismes liés notamment:

 à l’élaboration d’une planification stratégique,
 aux mutations socio-économiques actuelles,
 au service rendu,
 au prix,
 à la distribution et,
 à une politique de communication.

Si les deux premiers aspects ressortent directement du markéting stratégique (outil de base visant la planification des objectifs), les autres relèvent du markéting opérationnel qui n’est rien d’autre qu’un catalogue d’instruments permettant la mise en place et la réalisation du markéting stratégique.

II-1 LA PLANIFICATION STRATEGIQUE

L’idée ici est de préciser que la base de tout projet ou entreprise est la planification. Or, nombreux sont encore les Cabinets qui fonctionnent sans plan d’action aucun.
La planification consiste à appréhender à la fois:

 la réalité interne du Cabinet (ses activités, son histoire, ses forces et faiblesses, son système de valeur, son image, ses ambitions…) et,
 le contexte dans lequel il se situe (environnement économique, politique, social, volet concurrence, évolution technologique, opportunités).
L’utilité de la planification est de permettre à l’Avocat de savoir ce qu’il fait, où il va et comment il s’y rend.

Il est donc impératif de déterminer:

- les missions du Cabinet,
- les contraintes du Cabinet,
- les objectifs du Cabinet,
- les services rentables du Cabinet,
- la clientèle du Cabinet,
- les stratégies du Cabinet et,
- les actions nécessaires à mettre en place pour les réaliser.

II-2 ANTICIPER LES MUTATIONS SOCIO-ECONOMIQUES

Suite aux récentes mutations socio-économiques, le métier d’Avocat a lui-même subit des modifications parfois profondes, le champ d’activité (juridique et judiciaire) s’élargissant pour être complété par de nouvelles activités collatérale sinon carrément extra-judiciaires ou extra-juridiques.

Le métier d’Avocats s’entend désormais, également du lobbying, du journalisme, de la représentation aux négociations, de l’enseignement, de la médiation, de la conciliation, de l’arbitrage, de la veille juridique, l’audit juridique ou encore de l’ingénierie juridique pour ne citer que ceux là.

L’ensemble de ces évolutions doivent être prise en compte par le Cabinet d’Avocat dans sa démarche de markéting car lui permettant d’avoir connaissance de pures opportunités qui s’offrent à lui en tirant parti des mutations socio-économiques et de l’environnement.

II-3 LA PRESTATION : « le service juridique »

La notion fondamentale du markéting du Cabinet d’Avocat est le service juridique rendu qui est également le noyau du Cabinet.

Les consommateurs de service juridique sont de plus en plus exigeants avec les prestataires de droit.

Le Cabinet d’Avocats se doit donc d’adapter son produit à la cible qu’il désire conquérir ou satisfaire (il ne sert à rien de proposer un service de conseil sur internet si la clientèle visé n’a pas accès à cet outil).

Il est assez important de bien connaître sa clientèle ou celle que l’on souhaite conquérir tant il y va de la crédibilité de l’Avocat comme de sa notoriété.

II-4 LE PRIX DU SERVICE JURIDIQUE: « Les honoraires »

En termes simplifiés, « l’Avocat vend son temps » de sorte qu’il serait le produit et le temps, son capital.

Pour une cohérence dans la politique globale de markéting du Cabinet:

 il faut pratiquer la transparence sur ses honoraires,
 il faut éviter que le client ou une de ses connaissances ne reçoivent deux notes d’honoraires différentes pour un service identique,
 il faut user de beaucoup de tact et de diplomatie s’agissant des notes de frais,

II-5 LA DISTRIBUTION

Il faut entendre par distribution une méthode de fonctionnement du Cabinet permettant d’optimiser la vente des services juridiques en passant par différents stade d’organisation du Cabinet et qui consiste à mettre l’accent sur :

 l’accueil des clients,
 l’entretien du Cabinet,
 le respect des horaires d’ouverture,
 la mise en place et l’usage d’outil de gestion,
 le suivi de la clientèle,
 la maîtrise des langues étrangères,
 le respect du secret professionnel,
 l’accueil téléphonique,
 l’accessibilité des locaux,
 la tenue de la salle d’attente,
 la disponibilité des Avocats et Collaborateurs,
 le matériel informatique et de télécommunication (possibilité de conference call, meeting video),
 le CV des membres du Cabinet.

II-6 LA COMMUNICATION

Le but de la communication est de faire savoir et valoir les prestations et produits du Cabinet.

Plusieurs moyens sont à la disposition du Cabinet d’Avocats pour réussir sa politique de communication:

 la publicité (strictement encadrée par la loi),
 les relations publiques ( voir par ex la question du nom du Cabinet, de la corporate identity, du logo, de la marque, des cartes de visite),
 le networking , réseau, groupe d’Avocats et le milieu associatif (avec le référencement),
 Internet (avec les sites et les blogs)
 les médias et la presse,
 les congrès, colloques, conférences et séminaires,
 le sponsoring et le mécénat,
 le bâtonnat,
 la carrière politique