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02/02/2011

BREVES OBSERVATIONS SUR L'EXECUTION DES SENTENCES ARBITRALES RENDUES CONTRE UN ETAT PARTIE AU TRAITE DE L'OHADA

L’exécution des sentences arbitrales constitue le corolaire d’un arbitrage efficace.

En effet, la sentence arbitrale doit être exécutée pour que la partie qui en bénéficie obtienne concrètement ce qu’elle est en droit d’attendre.

Généralement, les sentences arbitrales sont volontairement exécutées ce qui est conforme à la nature même de l’arbitrage dans la mesure où la partie perdante exécute spontanément la décision de ceux qu’elle a choisi pour la juger.

Or, si les gens du droit avaient accueillies favorablement l’institution de l’arbitrage dans le droit OHADA, force est de constater que de plus en plus l’exécution volontaire des sentences rendues contre un Etat partie au Traité OHADA pose quelques difficultés qui méritent certainement qu’on y revienne de nouveau, soit pour poser les jalons d’une relecture des textes qui la soutendent, soit pour imaginer des mécanismes pouvant permettre de garantir celle-ci.

I- CONSTATS : « Immunité juridictionnelle et sentence arbitrale en OHADA »

Des dispositions particulières de l’alinéa 2 de l’article 2 de l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit de l’arbitrage, les Etats et leurs démembrements peuvent être parties à un arbitrage, sans pouvoir invoquer leur propre droit de contester l’arbitrabilité d’un litige, leur capacité à compromettre ou la validité de la convention d’arbitrage.

Il est alors tout à fait possible pour les personnes morales de droit public de l’espace OHADA, de conclure des conventions d’arbitrage.

S’il est désormais acquis en OHADA que les Etats, leurs démembrements et émanations peuvent soumettre les litiges qui les opposent au tiers à un tribunal arbitral, toute la difficulté reste celle de l’exécution des sentences arbitrales lorsque celles-ci sont rendues en leur défaveur.

En effet, il faut trouver le moyen de concilier la possibilité qu’on les Etats et leurs démembrements de se soumettre à l’arbitrage et les immunités juridictionnelles dont bénéficient ceux-ci et leurs biens.

Fondée sur le principe universel de l’égalité souveraine des Etats, en vertu duquel un Etat est soustrait à la juridiction d’un autre et ne peut, ni être jugé, ni être saisi dans un autre Etat sans son consentement, les immunités étatiques de juridiction et d’exécution si elles étaient absolues jusqu’à la fin du 19e siècle, sont de plus en plus tempérées pour rendre possible la sécurisation des accords et transactions commerciales entre Etats et opérateurs privés.

C’est d’ailleurs à cette suite qu’a été adopté le 2 décembre 2004, la Nouvelle Convention des Nations Unies sur l’immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens.

Mais il faut toutefois rappelé que cette Nouvelle Convention n’est que le terme d’une évolution très longue dans la mesure où, le droit positif français et même américain avait déjà eu l’occasion de se prononcer avec netteté sur la problématique de l’immunité de juridiction de l’Etat étranger.

Aux Etats-Unis par exemple, c’est depuis le 21 septembre 1976 que le Foreign Sovereign Immunity Act (FSIA) fixe les conditions de restrictions par les juridictions américaines, des immunités des Etats étrangers.

En France, les juridictions ont eu à maintes reprises l’occasion de se prononcer en faveur d’une restriction des immunités des Etats étrangers.

Dans l’affaire République Islamique d’Iran et OITE contre la Société Framatone et autres, la Cour de cassation française par un arrêt rendu en date du 20 mars 1989 avait affirmé que « si l’immunité d’exécution dont jouit l’Etat étranger (…) est de principe, elle peut toujours être exceptionnellement écartée, notamment lorsque le bien saisi a été affecté à l’activité économique ou commerciale relevant du droit privé (…) »[1].

Toujours est-il qu’il est constant que les Etats parties au traité de l’OHADA ont comme tout Etat, la possibilité de renoncer à leurs immunités de juridiction et d’exécution en acceptant d’être attrait devant les tribunaux d’un pays étranger ou devant un tribunal arbitral et de se voir ainsi appliquer les voies d’exécution forcée.

En acceptant une clause compromissoire dans le cadre d’un accord commercial interne ou même international avec une personne morale de droit privé, l’Etat renonce implicitement à son immunité de juridiction.

En effet, il est admis que la renonciation à l’immunité de juridiction par l’acceptation d’une convention d’arbitrage, vaut renonciation à l’immunité d’exécution, sauf clause contraire[2].

Ramené au champ d’application du Traité de l’OHADA, cette restriction aujourd’hui reconnu à l’immunité de juridiction absolue des Etats souffre quelque peu.

A cet égard, les juridictions de l’espace OHADA se montrent généralement très hostiles à une application restrictive de l’immunité d’exécution des personnes morales de droit public.

L’affirmation de ce principe résulte des dispositions assez pertinentes de l’article 30 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.

D’après ce texte qui réaffirme le principe général de l’interdiction des voies d’exécution et des mesures conservatoires contre l’Etat et ses démembrements, « l'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d'une immunité d'exécution,

Toutefois, les dettes certaines, liquides et exigibles des personnes morales de droit public ou des entreprises publiques, quelles qu'en soient la forme et la mission, donnent lieu à compensation avec les dettes également certaines, liquides et exigibles dont quiconque sera tenues envers elles, sous réserve de réciprocité.

Les dettes des personnes et entreprises visées à l'alinéa précédent ne peuvent être considérées comme certaines au sens des dispositions du présent article que si elles résultent d'une reconnaissance par elles de ces dettes ou d'un titre ayant un caractère exécutoire sur le territoire de l'Etat où se situent lesdites personnes ou entreprises ».

On peut ainsi se rendre compte que dans bien des cas, les tribunaux de l’espace OHADA se sont appuyés sur ce texte pour écarter toute restriction à l’immunité d’exécution absolu des Etats.

Dans une affaire où la Société de Fournitures Industrielles du Cameroun (SFIC) avait pratiqué une saisie attribution sur les comptes de l’Office Nationale des Ports du Cameroun (ONPC) pour le paiement d’une somme de plus un milliard et demi, le Juge a ordonné la main levée sur la base de l’article 30 de l’Acte Uniforme précité[3].

Dans un autre cas où le créancier d’une société étatique nigérienne (IRAN) avait pratiquée une saisie attribution sur les comptes bancaires de cette dernière, la Cour d’Appel de Niamey avait confirmé l’Ordonnance par laquelle le Juge d’Instance par application de l’article 30 susvisé, avait ordonné la main levée de la saisie pratiquée sur IRAN[4].

II- SOLUTIONS EXISTANTES

A- Les restrictions aux immunités juridictionnelles en OHADA

Il est plus qu’indispensable que le juge étatique de l’espace OHADA fasse une application de l’article 30 suscité dans une logique compatible avec l’objectif de sécurisation juridique et judiciaire des activités économiques en OHADA.

En effet, l’alinéa 2 de l’article 2 de l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit de l’arbitrage en donnant la possibilité aux personnes morales de droit public de l’espace OHADA, de conclure des conventions d’arbitrage, les autorise dans le même temps, à renoncer à leur immunité de juridiction.

Si la conclusion d’une convention d’arbitrage par une personne morale de droit public vaut renonciation à son immunité de juridiction et qu’il est constant qu’en règle internationale, la renonciation à l’immunité de juridiction emporte, sauf convention contraire, renonciation à l’immunité d’exécution, alors, les Juges de l’espace OHADA doit pouvoir restreindre l’immunité d’exécution des personnes en cause lorsque celles-ci pour échapper à leurs engagements sollicitent le bénéfice de l’article 30 susvisé.

D’ailleurs, ce fût le cas dans une espèce où une société de droit camerounais dénommée African Petroleum Consultants (APC) avait obtenu contre la Société Nationale de Raffinerie (SONARA) camerounaise, une sentence arbitrale rendue à Londres en date du 17 avril 2002, condamnant cette dernière à lui payer près de 3 millions de dollars américains et avait pratiquée une saisie attribution des créances de celle-ci sur la société SHELL Cameroun S.a en sa qualité de tiers-saisie sans que le débiteur ne puisse bénéficier des dispositions de l’article 30 susvisé qu’il invoquait pour s’opposer à l’exéquatur de la sentence arbitrale[5].

Dans un autre cas, la société COMMISIMPEX avait obtenu contre l’Etat congolais et la Caisse Congolaise d’Amortissement, une sentence arbitrale CCI en date du 3 décembre 2000, condamnant ces derniers à lui verser diverses sommes d’argent au titre de plusieurs marchés et avait obtenu du Président du Tribunal de Commerce de Brazzaville la fixation du montant total de sa créance. Il ressort explicitement de l’Ordonnance rendue que « (…) le tribunal relève par ailleurs, que la République du Congo et la Caisse d’Amortissement ont renoncé à leurs immunités de juridiction et d’exécution (…) »[6].

Il en découle qu’une restriction à l’immunité juridictionnelle pourrait être obtenu si les juridictions de l’espace OHADA font une interpénétration de l’article 30 susvisé en conformité avec les objectifs assignés par le législateur aux différents Actes Uniformes s’agissant de la promotion des investissements mais aussi et surtout de la sécurisation juridique dans les transactions commerciales avec les Etats partie de l’OHADA.

B- La compensation

Au cas où l’immunité de juridiction est appliquée sans restriction aucune par les Juges de l’espace OHADA, le législateur a prévu néanmoins, la possibilité d’une exécution des sentences arbitrales rendues, par le truchement de la compensation.

Il ne fait aucun doute que les personnes morales de droit public tout comme les entreprises publiques dans le territoire couvert par l'OHADA échappent encore à l'exécution forcée et aux mesures conservatoires.

Le législateur communautaire, probablement édifié sur la fragilisation du droit de créance et par suite de la dévalorisation du titre exécutoire, du risque d'injustice à laquelle devait fatalement aboutir cette situation, le créancier n'ayant pas obtenu le paiement spontané de la part de son débiteur que l'immunité d'exécution protège, a entendu devoir tempérer les conséquences de l'immunité d'exécution.

Désormais, les créanciers ne sont plus totalement désarmés face aux immunités d'exécution des personnes morales de droit public. Ils peuvent par exemple invoquer contre elles la compensation pour des créances certaines, liquides, exigibles et réciproques.

Il est prévu à l’alinéa 2 de l’article 30 de l’Acte Uniforme susvisé que : les dettes certaines, liquides et exigibles des personnes morales de droit public ou des entreprises publiques, quelles qu'en soient la forme et la mission, donnent lieu à compensation avec les dettes également certaines, liquides et exigibles dont quiconque sera tenues envers elles, sous réserve de réciprocité ».

Cette autre solution bien que louable soulève néanmoins quelques difficultés quant à son régime juridique.

En effet, l’alinéa de ce même texte prévoit que « les dettes des personnes et entreprises visées à l'alinéa précédent ne peuvent être considérées comme certaines au sens des dispositions du présent article que si elles résultent d'une reconnaissance par elles de ces dettes ou d'un titre ayant un caractère exécutoire sur le territoire de l'Etat où se situent lesdites personnes ou entreprises ».

Il en ressort qu’hormis le fait que la dette doit être certaine, liquide et exigible, la compensation n’est envisageable qu’à la condition indispensable de reconnaissance expresse de celle-ci par les personnes morales de droit publique dès lors qu’elle ne résulte pas d’un titre ayant un caractère exécutoire sur le territoire de l’Etat où se situe les dites personnes.

Toutefois, une autre difficulté pourrait subsister en rapport avec la forme et le moment de cette reconnaissance que doit donner la personne morale de droit publique.

III- SOLUTIONS ENVISAGEABLES

En réalité, la solution tirée de la compensation prévue par le législateur communautaire est très peu aisée dans sa mise en œuvre de sorte qu’il serait judicieux de trouver des solutions alternatives qui puisse permettre d’exécuter sans grande difficultés, les sentences arbitrales surtout lorsque celles-ci sont rendues contre les Etas et leurs démembrements.

A- L’application de la Nouvelle Convention des Nations Unies sur le droit OHADA

L’alinéa 2 de l’article 2 de l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit de l’arbitrage en donnant la possibilité aux personnes morales de droit public de l’espace OHADA, de conclure des conventions d’arbitrage, les autorise dans le même temps, à renoncer à leur immunité de juridiction.

Après avoir réaffirmé le principe de l'immunité d'exécution, cette Convention prévoit en ses articles 17, 18 et 19 la possibilité pour les Etats de renoncer à celle-ci tant en ce qui concerne les mesures conservatoires qu'exécutoires par une convention d’arbitrage ou un contrat écrit s’agissant des mesures et contraintes contre les biens d’un Etat en relation avec une procédure devant un Tribunal d’un autre Etat.

Ces dispositions de la Nouvelle Convention des Nations Unies consacrent en principe une règle antérieurement admise en droit international.

En effet, un Etat peut renoncer au bénéfice de son immunité de juridiction en acceptant une clause d’arbitrage par un Etat étranger. L’on considère que cette acceptation vaut renonciation de l’Etat à son immunité de juridiction.

L’Etat a également la faculté de renoncer à son immunité d’exécution tant, en ce qui concerne les mesures conservatoire ou provisoires que s’agissant des mesures d’exécution.

En principe, l’immunité de juridiction n’a aucun sens devant les arbitres, même si on lui accorde une certaine importance devant le Juge étatique également compétent pour accorder l’exéquatur.

Reste alors à ce que l’ensemble des Etats partie de l’OHADA adhère à ce nouvel instrument juridique en tant qu’acteur du commerce international, toute chose qui permettrait alors l’exécution d’une sentence arbitrale rendu contre un Etat lorsque celui-ci a expressément renoncé à son immunité d’exécution en acceptant une clause d’arbitrage.

B- Les astreintes

L’on pourrait également suggérer de compléter l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution par une disposition prévoyant des voies d'exécution spécifiques contre les personnes morales de droit public comme tel est le cas en France avec la loi N° 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public, avec la possibilité de procédure de contrainte spécifiques quant aux condamnations pécuniaires et générale s’agissant de l'astreinte administrative.

C- La relecture de l’article 30 de l’AU portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution

Dans sa rédaction actuelle, il ne fait aucun doute que l’article 30 de l’Acte Uniforme susvisé empêche toute restriction de l’immunité d’exécution dont jouissent les Etats partie de l’OHADA, de sorte qu’en ayant même accepté une convention d’arbitrage, un Etat partie de l’OHADA peut invoquer le bénéfice de ce texte chaque fois que l’exécution se fera dans l’espace OHADA.

Or, il serait irréaliste de croire que le Juge étatique OHADA abandonnera dans l’absolu l’application de l’immunité d’exécution des Etats et de leurs démembrement telle que ressortissant de ce texte.

On pourrait alors dans un premier temps envisager que les différents Gouvernements de l’espace OHADA prescrivent aux Tribunaux une application de l’article 30 susvisé dans un sens compatible et conforme avec les objectifs du législateur de l’OHADA quant à la sécurisation des transactions et accords commerciaux internationaux qui en réalité devraient contribuer au développement des investissements et des activités économiques.

Il s’agirait surtout d’une application de l'immunité d'exécution dans un sens plus compatible avec le droit OHADA en recherchant par tous les moyens à restreindre la portée de l'immunité d'exécution lorsque la saisie est pratiquée sur des bien affectées à une activité industrielle ou commerciale, celle-ci relevant des règles du droit privé.

Dans un second temps, ce dispositif devrait se poursuivre pour se traduire finalement par une relecture ne serait ce que partielle de l’article 30 susvisé par le Conseils des Ministres de l’OHADA.

C’est le lieu de rappeler que la Nouvelle Convention des nations Unies tout comme le Traité instituant l’OHADA ont pour objectif commun la promotion des investissements et des activités économiques.

Dès lors, il pourrait s’agir tout simplement d’abonder dans le sens de la Nouvelle Convention des Nations Unies pour d’une part réaffirmer le principe de l’immunité de juridiction et d’exécution des Etats et de leurs démembrements, mais d’autres part, préciser les exceptions y liées en précisant par exemple que l’Etat qui accepte une convention d’arbitrage accepte par la même occasion de perdre les immunités dont il est question.

D- La garantie documentaire contractée par l’Etat

Il est tout aussi envisageable dans le cadre de transactions commerciales internationales avec acceptation d’une convention d’arbitrage entre les parties, de prévoir une garantie bancaire payable sur présentation de la sentence arbitrale résultant d’une procédure arbitrale.

Dans cette hypothèse, la garantie bancaire sous la forme d’une garantie documentaire visera à assurer de manière effective, le paiement des sommes auxquelles aurait été condamné le colitigant donneur d’ordre à l’issue de la procédure arbitrale envers le bénéficiaire.

Pour restreindre donc l’immunité d’exécution ressortissant de l’article 30 susvisé, l’Etat qui contracte avec une entreprise de droit privé pourrait très bien non seulement en acceptant une clause compromissoire contracter une garantie bancaire qui serait consentie par une banque au profit du cocontractant et même le faire contre garantir par une autre banque.

Ce fût par exemple le cas dans le cadre d’un contrat de fourniture de matériels et d’équipements conclu entre une société française - fournisseur (ITEM SA) et une société mauritanienne – acquéreur qui contenait une clause compromissoire et prévoyait qu’ITEM SA (fournisseur) devait contracter une garantie bancaire au profit de la société mauritanienne (acquéreur) en cas d’éventuelle condamnation pour défectuosité du matériels livré par ITEM SA (fournisseur). Cette garantie était stipulée payable sur présentation de la sentence arbitrale rendue contre la société française alors donneur d’ordre[7].

E- La garantie de bonne exécution

Il est également envisageable la possibilité de mettre en place une garantie de bonne exécution stipulée payable sur présentation d’une sentence arbitrale devenue définitive au cas où le donneur d’ordre ne respecte pas les obligations lui incombant dans le cadre du contrat de base.

Ce fût le cas par exemple dans le cadre d’un contrat pour lequel l’administration irakienne avait confié à un consortium de sociétés nord-américaines la réalisation du système d’égout de la ville de Bassora[8].

Il est donc possible de mettre en œuvre une garantie sur présentation de la sentence arbitrale, même s’il faut souligner que des difficultés pourraient survenir au cas où les caractères que devraient présenter la sentence ne sont pas définis avec clarté. Des précisions sur le dispositif de la sentence et sur son efficacité immédiate sont nécessaires en dépit d’un recours en annulation tel que prévu par les articles 25 et suivants de l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit de l’arbitrage.

Il serait judicieux que les parties précisent en outre si la sentence rendue en faveur du bénéficiaire de la garantie doit être assortie de l’exequatur provisoire ou non, même si la Cour d’appel de Paris avait jugé dans un de ses arrêts que dans de telles conditions, en cas de silence de la convention de garantie sur ce point particulier, le garant ne pouvait subordonner son paiement à une décision d’exequatur en France[9].

Toute la question resterait alors celle de savoir si l'efficacité de la sentence arbitrale dans le cas spécifique de la mise en œuvre de la garantie bancaire pourrait résister à une éventuelle invalidation de la sentence résultant d'un recours en annulation intentée par l’Etat ?

En réalité, le droit de créance du bénéficiaire sur son colitigant ne repose que sur la sentence rendue en sa faveur, de sorte que l'invalidation de celle-ci aurait donc pour effet immédiat d'éteindre la créance du bénéficiaire. Dès lors, l'efficacité de la garantie étant également conditionnée par l'existence de la sentence servant de fondement à la créance du bénéficiaire, cette garantie serait rendue caduque par l'invalidation de la sentence, ce qui placerait le bénéficiaire dans une position d'enrichissement sans cause et l'obligerait sans doute à restituer le paiement effectué au titre de la garantie au garant.

L’efficacité recherchée ne pourrait donc enfin être consolidée que par la mention d'une renonciation conjointe des différentes parties à toutes voies de recours contre la sentence arbitrale, ainsi qu'un engagement réciproque et ferme de l'exécuter convenablement.

A notre sens, il semble alors qu’il faille envisager une autre solution basée cette fois sur la mise place d’une assurance pour garantir l’exécution des sentences arbitrales rendues contre les Etats partie de l’OHADA.

F- La mise en place d’une assurance garantissant l’exécution des sentences arbitrales rendues contre l’Etat

Dans cet autre schéma, il s’agit de mettre en place dans le cadre de chaque contrat avec clause compromissoire accepté par l’Etat, une assurance par laquelle ce dernier s’engage à payer les primes et qui permettra au cas où une sentence arbitrale sera rendue contre lui, de faire face au règlement du montant de la condamnation.

En effet, le versement du montant de la condamnation par l’assureur doit se faire sur présentation de la sentence arbitrale devenue définitive.

A l’exemple des mécanismes déjà mis en place par le COFACE ou encore le DUCROIRE en Belgique, il sera surtout question pour les Etats de l’espace OHADA qui souhaitent accepté une convention d’arbitrage, de souscrire auprès de compagnie d’assurance spécialisée, des assurances qui couvriront les montants de condamnation des sentences arbitrales rendues contre eux et qui seront payable sur simple présentation de la sentence arbitrale devenue définitive.





[1] Cass Civ 1re Ch civ, 20 mars 1989
[2] Cass Civ, 9 juill 1992, (Norbert Beyrard c/ Rép de Côte d’Ivoir) ; Rev arb 1994. 133 / Cass Civ, 1re Ch, 6 juin 2000 (Sté Creighton LTD c/ Ministère des Finances de l’Etat du Quatar) ; Rev Arb 2001. 130 / C A paris 1re Ch, 12 déc 2001 (Sté Creighton LTD c/ Ministère des Finances de l’Etat du Quatar) ; Rev Arb 2003, n° 2. 417
[3] Douala, Ord n° 339 du 3 nove 1998 ; Rev Cam Arb n° 18, éd Juill-aout-sept 2002. 14
[4] Niamey, Arrêt n° 105 du 13 juin 2001 (inédit)
[5] TGI Buea, décision n° HCF/141/OM/2001-2002 du 13 août 2002 (décision inédite)
[6] TCom Brazaville, Ord du 09 nov 2001 (décision inédite)
[7] C.A. Paris 1ère ch. 10 nov. 1988 D.1990, Somm. .p. 201, Vasseur
[8] C.A. Paris 15e ch. 17 sept. 1991, D.1992, Som. 241, Vasseur
[9] C.A. Paris 1ère ch. 10 nov. 1988 D.1990, précité