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15/01/2010

LA REVISION DU CODE DE PROCEDURE CIVILE, COMMERCIALE ET SOCIALE DU MALI : L’essentiel sur les principales innovations

LA REVISION DU CODE DE PROCEDURE CIVILE, COMMERCIALE ET SOCIALE DU MALI : L’essentiel sur les principales innovations
Pour ses 10 ans, il était normal que le Code de procédure Civile, Commerciale et Sociale (CPCCS) du Mali se refasse une beauté.

Institué par le Décret N° 99-254/P-RM du 15/09/1999, le CPCCS rassemble toutes les règles de procédure civile, commerciale et sociale.

Ce texte est destiné à établir les formes qui sont nécessaires au déroulement du procès, à les recenser et à les décrire.

Il contient plus de 750 articles repartis en 18 titres qui encadrent les droits et obligations des demandeurs, des défendeurs et des juridictions.

Tout comme le droit substantiel, la procédure n’est pas un concept immuable. Elle constitue une matière sans cesse en mouvement et l’évolution de la société appelle généralement sa modification.

Certaines dispositions du CPCCS sont aujourd’hui dévoyées et ne répondent plus à l’objectif qui leur avait été assigné. Elles nécessitaient donc des améliorations afin de mieux répondre aux besoins nouveaux imposés par la globalisation des échanges et l’universalisation des règles processuelles.

C’est sans doute dans cette perspective que le Décret N° 09-220/P-RM du 11/05/2009 a modifié et remanié profondément le CPCCS, certes dans l’objectif premier de favoriser et sécuriser les investissements, mais également dans le but d’instituer un véritable dialogue entre les parties et le Juge, de rendre la justice aussi rapide qu’efficace, le tout dans une logique de contractualisation de la justice et de mise en conformité des textes nationaux avec les législations communautaires.

Avec ses 34 articles, le Décret de modification du CPCCS revisite plusieurs pans entiers du CPCCS, allant même jusqu’à le compléter avec des procédures qui jusqu’ici lui étaient complètement inconnues.

Les principales innovations sont relatives aux règles qui gouverneront désormais le déroulement des procédures judiciaires, à l’institution de la médiation civile et à l’introduction dans le CPCCS de la procédure d’injonction de payer et de la procédure de délivrer ou de restituer un bien meuble déterminé.

Le Décret du 11 mai 2009 apporte plus de précisions et de souplesse aux règles applicables aux procédures judiciaires.

En faisant de l’assignation et de la déclaration verbale au greffe, des modes ordinaires de saisine du Tribunal, le Décret facilite ainsi l’accès à la justice au plus grand nombre en simplifiant profondément la saisine des tribunaux, mais introduit également en droit processuel, des mécanismes existant déjà dans la plupart des législations étrangères.

En instituant en droit malien, la médiation civile, le Décret révisé permet ainsi aux justiciables d’obtenir des solutions rapides, quasiment toujours exécutées et qui correspondent souvent mieux aux besoins des parties que les solutions contentieuses.

Dans les pays qui ont réellement développé la médiation, celle-ci permet de traiter environ 35% du contentieux civil et commercial avec un taux de succès de l’ordre de 80%.

Cette nouvelle possibilité donnée au juge malien permettra surtout de désengorger les tribunaux d’environ 25% de leur charge de travail.

Un magistrat est toujours fier d’aider à une solution amiable plutôt que de tirer les conséquences d’une rupture des relations.

Les plus grands cabinets d’avocats occidentaux se prévalent d’ailleurs de plus en plus, de leur capacité à assister leurs clients dans ce genre de procédure.

Il faut tout de même préciser que cette nouvelle procédure nécessite une formation des magistrats et avocats pour éviter que ces derniers ne craignent de s’aventurer dans l’inconnu.

Par ailleurs, en précisant s’agissant du juge de la mise en état, qu’il pourra désormais ordonner le retrait d’une affaire du rôle, le Décret révisé lui accorde un pouvoir de juridiction.

Le juge de la mise en état est en réalité le chef d’orchestre du déroulement de l’instance. Il est un protagoniste de choix au sein de l’instance puisqu’il permet de s’assurer du respect d’une bonne administration de la justice. Il doit à cet effet disposer des prérogatives de régulation, d’instruction et de juridiction.

C’est donc tout naturellement qu’il a dorénavant la faculté de retirer une affaire du rôle, chaque fois qu’il estime que son maintien pourrait ruiner l’équilibre de l’instance et les principes directeurs du procès.

La modification des délais de recours constitue également une avancée considérable pour le droit des procédures au Mali.

L’objet des voies de recours est de remettre en cause une décision de justice.

Pour faciliter leur exercice, le Décret révisé a supprimé la distinction qui existait jadis entre l’appel et l’opposition.

Désormais, le délai de recours par une voie ordinaire est d’un mois en matière contentieuse et de 15 jours en matière gracieuse.

Concernant les voies de recours extraordinaires, le délai passe de 3 jours à 2 mois.

Il était temps que le droit malien prenne en compte l’extrême délicatesse et la complexité qui entoure la mise en œuvre des voies de recours.

En effet, en donnant plus de temps au demandeur pour préparer son recours, non seulement le décret révisé s’aligne sur les dispositions en vigueur dans les législations étrangères, mais aussi et surtout permet un désengorgement des juridictions en ce qu’il laisse suffisamment de temps au demandeur pour apprécier l’opportunité de son action.

On doit également saluer le renforcement du formalisme exigé s’agissant de la déclaration de l’exercice des voies de recours.

Dorénavant, la déclaration d’appel (article 556 nouveau) tout comme la déclaration de pourvoi (article 629-1 nouveau) doit contenir sous peine d’irrecevabilité l’identité complète de l’appelant ou du demandeur au pourvoi d’une part et celle de l’intimé ou du défendeur au pourvoi d’autre part. Elle doit préciser en outre, la juridiction devant laquelle le recours est porté tout en indiquant le jugement querellé.

Une autre innovation non moins négligeable du Décret révisé est l’introduction dans le droit malien, du « relevé de forclusion ».

Ce relevé caractérise le pouvoir donné au juge d’écarter les effets de l’irrecevabilité encourue, lorsque sans qu’il y ait eu faute de sa part, la partie qui en sollicite le bénéfice établit, qu’elle s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir dans les conditions qui eussent rendu son recours recevable.

Cette décision judiciaire prise sous forme d’ordonnance par le Président d’une juridiction a pour objet de rétablir un justiciable dans son droit d’exercer devant cette juridiction une action en justice après expiration du délai accordé par la loi pour l’exercice de ce droit.

En effet, en rajoutant au CPCCS un article 555-1 (nouveau), le droit des procédures fourni désormais au défendeur à un procès, la possibilité de solliciter du Président du Tribunal un « relevé de forclusion » chaque fois qu’il justifie de l’absence de toute faute de sa part, de sa méconnaissance en temps utile du jugement rendu ou encore de son impossibilité d’agir.

Le travail de révision du CPCCS aurait eu un goût d’inachevé si le Décret révisé n’était pas revenu sur les difficultés liées à la computation des délais.

Les précisions relatives à la computation des délais et aux règles régissant les notifications constituent également une avancée considérable au grand bénéfice des justiciables.

Contrairement aux dispositions anciennes qui se limitaient à indiquer que tous les délais de procédure sont francs, le titre 18 dans sa nouvelle rédaction précise que lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’évènement ou de la signification qui le fait courir.

Par ailleurs, les nouveaux articles 760 et suivants vont désormais gouverner les questions en rapport avec la forme des notifications, la signification, la notification des actes en la forme ordinaire et les règles particulières à la notification des jugements, toute chose qui jusqu’ici manquait de clarté.

On ne manquera surtout pas de souligner l’introduction dans le CPCCS, des procédures d’injonction de payer et d’injonction de délivrer ou de restituer un bien meuble déterminé.
Le CPCCS ne connaissait jusqu’ici que de la procédure d’injonction de faire prévue aux articles 732 et suivants.

Pour le recouvrement des créances tout comme la délivrance ou la restitution d’un bien meuble déterminé, le justiciable malien devait aller puiser dans l’Acte Uniforme de l’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) portant organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution (AUPSRVE).

En réalité, les Etats africains de la zone francs se sont engagés depuis quelques années dans un vaste mouvement d’intégration devant conduire à terme, à la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux.

L’insécurité juridique née de l’archaïsme et de la disparité des textes applicables est à l’origine de l’introduction de ces deux procédures dans le CPCCS.

C’est pour tenter de mettre un terme à cette situation et dans le dessein de rationaliser l’environnement juridique des entreprises afin de le rendre plus attractif qu’il était devenu impératif de mettre en conformité les dispositions du CPCCS avec les législations communautaires, comme l’on fait avant, plusieurs Etats à l’instar du Bénin, du Burkina Faso ou encore du Sénégal.

Contrairement à d’autres législations étrangères, le Décret révisé va au-delà du simple renvoi aux dispositions de l’AUPSRVE relatives à ces deux procédures.

En prenant à son compte ces dispositions et en les codifiant, le Décret révisé innove en ce qu’il dote ainsi le Mali d’une législation propre en la matière.

Cependant, il n’est pas inutile de rappeler que l’AUPSRVE abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats parties (article 336).

Dès lors, des doutes peuvent naître quant à l’apport pratique de cette dernière innovation.

De tout ce qui précède, il y a lieu de se réjouir des avancés considérables qui découlent de la modification du CPCCS. Elles contribuent à n’en point douter à la relance des activités économiques en ce qu’elles s’inscrivent dans une dynamique de protection et de sécurisation des investissements au Mali.

Il était sans doute temps d’adapter le procès civil aux exigences modernes d’une justice de qualité.

L’immixtion du consensuel à différentes étapes de la procédure tout comme la volonté de vulgarisation des formes de procès pour des meilleures relations entre le Juge et les parties en est assez révélateur.

Reste à souhaiter que les professionnels du droit, les gens d’affaires et les justiciables s’approprient l’ensemble de ces modifications et outils nouveaux qui, à plus d’un titre méritent d’être largement saluées.