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24/06/2011

LE NOUVEAU DROIT DES SURETES PERSONNELLES OHADA

LE NOUVEAU DROIT DES SURETES PERSONNELLES OHADA (1)

Les sûretés personnelles figurent au premier rang parmi les outils les plus usités par la pratique des affaires pour le financement des activités économiques dans l’espace OHADA.

Il est donc apparu nécessaire voir indispensable d’en assouplir le régime juridique tout en leur conservant leur efficacité.

A cet égard, les modifications et innovations introduites par le législateur conjugue au mieux ces impératifs de souplesse et d’efficacité.

Le nouveau droit des sûretés personnelles OHADA est donc empreint d’une part, d’un recul du formalisme s’agissant du cautionnement (A) et d’autre part, d’une précision des règles régissant la lettre de garantie qui change également de dénomination pour devenir la « garantie autonome » (B).

A- L’ASSOUPLISSEMENT DU REGIME JURIDIQUE DU CAUTIONNEMENT

L’AUS dans sa nouvelle version élargie la définition du cautionnement (1°), assouplie ses règles de constitution (2°) ainsi que celles régissant ses effets (3°).

1°) La nouvelle définition du cautionnement

Dans le cadre de la définition du cautionnement (art. 13 nouveau), une précision a été apportée concernant l’obligation principale garantie qui peut désormais être présente ou future (al. 1) et que par ailleurs, le cautionnement peut être contracté sans ordre du débiteur et même à son insu (al. 2).

« Le cautionnement est un contrat par lequel la caution s'engage, envers le créancier qui accepte, à exécuter une obligation présente ou future contractée par le débiteur, si celui-ci n'y satisfait pas lui-même.

Cet engagement peut être contracté sans ordre du débiteur. »

Une telle définition implique qu’une dette future puisse être cautionnée à condition bien entendu, d’être déterminable lors de la mise en œuvre de la garantie.

Le cautionnement d’une dette future ne remet pas ici en cause le principe du caractère accessoire du cautionnement qui est d’ailleurs expressément réaffirmé par l’article 17, « le cautionnement ne peut exister que si l'obligation principale garantie est valablement constituée (…) ».

Il va s’en dire que si l’obligation future, une fois née n’est pas valable, le cautionnement ne le sera pas non plus.

A la réalité, le cautionnement de dettes futures ne pose pas juridiquement de difficultés majeures dans la mesure où les choses futures peuvent faire l’objet d’une obligation comme le prévoit l’article 1130 du Code civil français.


C’est le cas notamment avec le cautionnement de comptes courants. Ce dernier lorsqu’il est souscrit, garantit une obligation indéterminée (toutes les dettes contractées après l’ouverture du compte) puisqu’il a vocation à durer aussi longtemps que la convention de compte courant. Mais il faut relever que la dette de la caution n’est pas pour autant indéterminée car, elle s’engage, pour le cas où la clôture du compte ferait apparaître un solde débiteur, à payer la somme correspondant au montant de ce solde.

2°) L’assouplissement des règles de formation du cautionnement

Deux aspects de la législation antérieure ont connu des modifications, il s’agit des règles relatives aux formalités et de celles relatives à l’étendue du cautionnement.

2.1°) Formalités de constitution

L’article 14 de l’AUS a introduit une modification substantielle qui tend à faire de la mention manuscrite de la somme en lettres et en chiffres par la caution, une simple condition de preuve de la connaissance de son engagement. Toutefois, la signature de l’acte qui exprime la volonté de celui qui s’engage demeure une condition de validité du cautionnement, même si cela n’a pas été expressément précisé

En effet, l’article 14 dispose que le cautionnement «se prouve par un acte comportant la signature de la caution et du créancier ainsi que la mention, écrite de la main de la caution, en toutes lettres et en chiffres, de la somme maximale garantie couvrant le principal, les intérêts et autres accessoires. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme exprimée en lettres ».

L’utilisation, dans cette disposition, de la formulation «se prouve» en lieu et place de l’expression «doit être constaté» de l’article 4 de l’AUS de 1997, vient apporter plus de précisions sur le caractère consensuel du cautionnement.

Les exigences de forme prescrites par l’article 4 précité avaient donné lieu, il convient de le rappeler, à de nombreuses controverses, sur la question du caractère formaliste ou consensuel du cautionnement. Plusieurs auteurs, après analyse du texte dans son ensemble, ont conclu que le formalisme qu’il exige doit être sanctionné par la nullité. Certaines décisions jurisprudentielles rendues sur la base de l’AUS de 1997 se ralliaient également à cette position.

L’exigence du caractère exprès du cautionnement prévue à l’alinéa 1er de l’article 14 constitue une règle d’interprétation et non une règle de fond. Elle signifie seulement que la volonté de s’obliger comme caution doit être établie avec certitude et que le juge ne doit pas déduire une volonté tacite d’un comportement ou de circonstances de la cause.

Les formalités prescrites par l’article 14 du projet de réforme de l’AUS sont exigées ad probationem.

Toutefois, la signature de l’acte qui exprime la volonté de celui qui s’engage demeure une condition de validité du cautionnement, même si cela n’a pas été expressément précisé.

2.2°) Etendue du cautionnement

Le nouvel article 18 introduit certains assouplissements en ce qui concerne la détermination de l’étendue du cautionnement.

L’alinéa 1er de cet article a fait l’objet d’une récriture en l’introduisant par la formule « sauf clause contraire », pour mieux mettre en exergue le caractère supplétif qui n’était rendu que par l’usage du verbe pouvoir.

L’expression « à la demande de la caution » a été placée au début du deuxième alinéa qui imposait d’annexer l’acte constitutif de l’obligation principale à la convention de cautionnement.

Désormais, la caution devra en faire la demande.

Dans le nouvel article 19, l’expression « les intérêts » a été ajoutée entre « incluant le principal » « et tous accessoires » pour mieux préciser les éléments à prendre en compte dans la détermination de la somme maximale garantie, dans le cadre d’un cautionnement général.

3°) Les effets du cautionnement

Les effets du cautionnement renvoient essentiellement à son efficacité qui se manifeste à travers la mise en jeu de la garantie.

Au sujet de la mise en jeu de la caution, la plupart des modifications apportées par le législateur de l’AUS sont purement formelles, sans effet sur la substance des anciennes dispositions, exception faite de certaines d’entre elles.

Dans le nouvel article 23 remplaçant l’article 13 de l’AUS de 1997, l’obligation d’informer la caution de toute défaillance du débiteur principal a été supprimée.

Néanmoins, ce texte maintien l’exigence d’une mise en demeure du débiteur antérieurement à toute action contre la caution.

C’est le nouvel article 24 qui traite désormais de l’obligation d’informer la caution de toute défaillance du débiteur principal, dans le mois de la mise en demeure de payer adressée au débiteur principal et restée sans effet.

L’article 24 l’article en son alinéa 1er, dispose que: « Dans le mois de la mise en demeure de payer adressée au débiteur principal et restée sans effet, le créancier doit informer la caution de la défaillance du débiteur principal en lui indiquant le montant restant dû par ce dernier en principal, intérêts et autres accessoires à la date de cet incident de paiement ».

Et l’alinéa 2 d’ajouter que: «À défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de cet incident et la date laquelle elle en a été informée », toute clause contraire aux dispositions précitées étant réputée non écrite.

Cette obligation vise à permettre à la caution de payer le créancier le plus rapidement possible et d'éviter ainsi l'accumulation à son détriment des pénalités et intérêts de retard. L’information doit porter sur le montant restant dû par le débiteur en principal, intérêts et autres accessoires à la date de cet incident de paiement. Par conséquent, en cas de violation de cette obligation par le créancier, la caution ne peut être tenue des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de cet incident et la date à laquelle elle en a été informée.

En outre, le nouvel article 25 de l’AUS apporte un amendement important sur la périodicité de l’obligation d’information de la caution en dehors de tout incident de paiement qui doit, dorénavant, être exécutée de façon semestrielle, c’est-à-dire «(…) dans le mois qui suit le terme de chaque semestre civil à compter de la signature du contrat de cautionnement (…)», et non plus «(…) dans le mois qui suit le terme de chaque trimestre civil (…)», comme le prévoyait l’article 14, alinéa 2, de l’AUS de 1997.

Le manquement à cette obligation d’information périodique est sanctionné par la déchéance, vis-à-vis de la caution, des intérêts contractuels échus depuis la date de la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.

B- LA NOUVELLE GARANTIE AUTONOME

Ii faut déjà rappeler que, d’une manière générale, le régime juridique de la garantie à première demande n’a pas subi de changements majeurs.

On peut tout de même relever au titre d’une première modification, le remplacement de la dénomination «lettre de garantie» par celle de «garantie autonome».

D’autres modifications ont porté sur la formation de la garantie autonome (1°) ainsi que ses effets (2°).

1°) La formation de la garantie autonome

1.1°) Définition


La définition posé par le nouvel article 39 de l’AUS des garantie et contregarantie autonomes précise que la garantie autonome et la contre-garantie autonome sont des engagements par lesquels le garant ou le contre-garant s’engagent «en considération d’une obligation souscrite par le donneur d’ordre et sur instruction de ce donneur d’ordre (…) à première demande ou suivant des modalités convenues ».

L’interdiction des garanties et contre garantie autonomes souscrites par des personnes physiques a été maintenue avec une légère reformulation (Nouvel article 40 al. 1).

Il en ressort que le législateur OHADA semble s’accommoder du fait que la garantie autonome se présente sous la forme d’un engagement unilatéral et se détache quelque peu de la doctrine et de la jurisprudence françaises qui sont, quant à elles, unanimes en faveur de la qualification contractuelle de la garantie autonome, et ce, en raison de la réticence traditionnelle du droit français à admettre les actes unilatéraux.

1.2°) Formes

Les conditions de forme de la lettre de garantie n’ont pas subi de modifications substantielles.
Seules quelques reformulations ont été retenues (Nouvel art. 41).

La formulation de l’article 30 de l’AUS de 1997 a été reprise dans son ensemble par le nouvel article 41 de l’AUS qui dispose que: «Les garantie et contre-garantie autonomes ne se présument pas. Elles doivent être constatées par un écrit mentionnant, à peine de nullité:


- la dénomination de garantie ou de contre-garantie autonome ;
- le nom du donneur d'ordre ;
- le nom du bénéficiaire ;
- le nom du garant ou du contre-garant ;
- la convention de base, l'acte ou le fait, en considération desquels la garantie ou la contre-garantie autonome est émise ;
- le montant maximum de la garantie ou de la contre-garantie autonome ;
- la date ou le fait entraînant l'expiration de la garantie ;
- les conditions de la demande de paiement, s'il y a lieu ;
- l'impossibilité, pour le garant ou le contre-garant, de bénéficier des exceptions de la caution. »


2°) Les effets de la garantie autonome

Les principaux effets des garanties autonomes sont l’autonomie, l’inopposabilité des exceptions, l’incessibilité du droit à la garantie et l’irrévocabilité de la garantie.

L’AUS révisé n’a pas apporté de modification en ce qui concerne l’autonomie; il en est autrement des règles relatives à la transmissibilité du droit à la garantie, à son irrévocabilité, à sa mise en œuvre (appel à la garantie), ainsi qu’en matière de recours du garant ou du contregarant contre le donneur d’ordre.

2.1°) La transmissibilité de la garantie

L’AUS révisé a son article 42 a maintenu le principe de l’incessibilité de la garantie tout en apportant une précision sur le tempérament dudit principe.

En effet, l’article 42 nouveau dispose que: «Sauf clause ou convention contraire expresse, le droit à garantie du bénéficiaire n’est pas cessible. Toutefois, l’incessibilité du droit à garantie n’affecte pas le droit du bénéficiaire de céder tout montant auquel il aurait droit à la suite de la présentation d’une demande conforme au titre de la garantie ».

Ainsi, la référence au rapport de base pour la cessibilité prévue à titre supplétif, source d’ambigüité, a été remplacée par l’exigence de la présentation d’une demande conforme au titre de la garantie. Cette suppression paraît tout à fait opportune et devrait faciliter la cessibilité des droits nés de la garantie.

2.2°) l’irrévocabilité de la garantie

D’après l’article 43 de l’AUS révisé « Les garantie et contre-garantie autonomes prennent effet à la date où elles sont émises sauf stipulation d'une prise d'effet à une date ultérieure.

Les instructions du donneur d'ordre, la garantie et la contre-garantie autonomes sont irrévocables dans le cas d’une garantie ou d'une contre-garantie autonome à durée déterminée.

Les garanties ou contre-garanties autonomes à durée indéterminée peuvent être révoquées par le garant ou le contre-garant respectivement.
»

Concernant la révocabilité (ou l’irrévocabilité) de la garantie, il est précisé à l’article 43 nouveau, que les instructions du donneur d’ordre, la garantie et la contre garantie sont irrévocables dans le cas d’une garantie ou d’une contre garantie à durée déterminée (alinéa 2) et révocables dans le cas de garantie ou contre garantie à durée indéterminée (al. 3 introduit à cet effet). La modification est essentielle par rapport à la rédaction du texte en vigueur qui prévoit la possibilité d’une stipulation de révocabilité sans autre précision sur la catégorie de contrat.

Les dispositions actuelles, plutôt ambiguës, concernant les garanties et contre garantie ont été davantage précisées par le nouvel article 44. Ainsi, la réduction du montant du paiement se fait conformément aux termes de l’engagement et suivant les délais et modalités prévues par cet engagement.

2.3°) L’appel à la garantie

Concernant les dispositions de l’article 34 de l’AUS, devenu le nouvel article 45 relativement à la demande de paiement, elles ont été maintenues en introduisant, des amendements consistant en des reformulations pour clarifier et simplifier les conditions et modalités de présentation de la demande de paiement au titre tant de la garantie que de la contre garantie autonomes.

« La demande de paiement au titre de la garantie autonome doit résulter d’un écrit du bénéficiaire accompagné de tout autre document prévu dans la garantie. Cette demande doit indiquer le manquement reproché au donneur d’ordre dans l’exécution de l'obligation en considération de laquelle la garantie a été souscrite.

La demande de paiement au titre de la contre-garantie autonome doit résulter d’un écrit du garant mentionnant que le garant a reçu une demande de paiement émanant du bénéficiaire et conforme aux stipulations de la garantie.

Toute demande de paiement doit être conforme aux termes de la garantie ou de la contre-garantie autonome au titre de laquelle elle est effectuée et doit, sauf clause contraire, être présentée au lieu d'émission de la garantie autonome ou, en cas de contre-garantie, au lieu d'émission de la contre-garantie autonome. »

Par ailleurs, les dispositions du nouvel article 46 ont subi d’importantes modifications destinées à renforcer l’efficacité de la garantie. Ainsi, dans l’alinéa 1, le « délai raisonnable » a été remplacé par un délai fixe et précis de « cinq jours ouvrés » pour l’examen de la conformité de la demande en paiement aux termes de la garantie ou de la contre garantie. Il a également été institué une obligation de notification, dans ce délai, au bénéficiaire ou au garant, de toute décision de rejet du paiement précisant les irrégularités motivant le rejet. Dans l’alinéa 2, l’obligation de transmission de la demande et des documents l’accompagnant au donneur d’ordre ou au contrecarrant, en cas de contre garantie a été maintenue mais en supprimant le caractère préalable à tout paiement d’une telle transmission.

Enfin, l’alinéa 3 impose au garant d’aviser le donneur d’ordre ou, le cas échéant, le contre garant, de toute réduction du montant de la garantie et de toute cause d’extinction de la garantie autre qu’une date de fin de validité.

Le nouvel article 47 a été maintenu avec de légères précisions terminologiques. Mais un alinéa 2 a été ajouté pour traiter des moyens de défense du donneur d’ordre à l’égard du contre garant. Ainsi, « le donneur d'ordre ne peut faire défense de payer au contre garant que si le garant savait ou aurait dû savoir que la demande de paiement du bénéficiaire avait un caractère manifestement abusif ou frauduleux ».

2.4°) Le recours du garant ou du contregarant contre le donneur d’ordre

L’article 48 de l’AUS révisé a amendé de façon significative l’article 37 de l’AUS de 1997. De même, le nouvel article 48 a subi un amendement important. En effet, les recours de la caution contre le donneur d’ordre sont ouverts au garant ou contre garant ayant fait un paiement « conformément aux termes de la garantie ou de la contre garantie autonomes » et non plus « utile au bénéficiaire », formule quelque peu ambiguë.

Par ailleurs, l’article 49 nouveau, consacrant les causes d’extinction de la garantie et la contre garantie autonomes a quelque peu modifié l’article 38 du texte de 1997, par l’ajout de nouvelles précisions en distinguant entre la déclaration écrite du bénéficiaire libérant le garant de son obligation au titre de la garantie et la déclaration écrite du garant libérant le contre garant de son obligation au titre de la contre garantie.

L’article 49, traitant de la cessation de la garantie ou de la contre-garantie autonome, prévoit que; « La garantie ou la contre-garantie autonome cesse :
- soit au jour calendaire spécifié ou à l'expiration du délai prévu ;
- soit à la présentation au garant ou au contre-garant des documents libératoires spécifiés dans la garantie ou la contre-garantie autonome ;
- soit sur déclaration écrite du bénéficiaire libérant le garant de son obligation au titre de la garantie autonome ou déclaration écrite du garant libérant le contre-garant de son obligation au titre de la contre-garantie autonome. »


(1)Vr sur le sujet Michel BRIZOUA-BI « LE NOUVEAU VISAGE DES SURETES PERSONNELLES DANS L’ESPACE OHADA» : Droit & Patrimoine N° 197 Novembre 2010