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24/06/2011

LE NOUVEAU DROIT DU GAGE EN OHADA

LE NOUVEAU DROIT DU GAGE EN OHADA (1)

Le souci général d’harmonisation des règles relatives aux sûretés réelles mobilières a conduit le législateur à définir un nouveau droit commun du gage (A), que viennent compléter des dispositions particulières à certains gages (B).

A- LE DROIT COMMUN DU GAGE

1°) Définition du gage

Pour encourager le développement du gage sans obliger le constituant à se déposséder du bien gagé a incité les auteurs du projet à redéfinir le gage et le nantissement.

Ainsi, le gage et le nantissement ne sont plus distingués à raison de la dépossession ou de l’absence de dépossession de la chose gagée ou nantie, mais à raison de sa nature corporelle ou incorporelle. Le recours à un tel critère, invariable dans le temps, permet de distinguer plus sûrement le gage du nantissement.

Des dispositions de l’article 92 de l’AUS révisé, « Le gage est le contrat par lequel le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence sur un bien meuble corporel ou un ensemble de biens meubles corporels, présents ou futurs. »

Le gage n’est donc plus défini par l’une de ses conditions de validité (la remise de la chose gagée comme c’était le cas avec l’article 44 issu du texte de 1997), mais par son objet même qui est le droit de préférence accordé au créancier sur un bien corporel.

Libérée de la dépossession, cette nouvelle définition autorise expressément la constitution de gages sur biens futurs.

De ce fait, le constituant verra sa capacité de crédit singulièrement étendue par la possibilité d’offrir en gage des biens qu’il n’a pas encore acquis. Dès lors que ces biens futurs seront suffisamment déterminés dans le contrat de gage, le créancier n’aura pas à conclure de nouveaux contrats pour que ses droits s’étendent aux biens nouvellement acquis par le constituant.

Enfin, l’article 92 suscité fait une référence explicite au « constituant » pour rappeler que le gage peut être constitué aussi bien par le débiteur de la créance garantie que par un tiers (comme le prévoyait l’article 47, alinéa 2, de l’AUS de 1997). À ce titre, la référence à la notion impropre de «caution réelle» a été abandonnée afin d’éviter toute confusion entre le gage et le cautionnement.

2°) La constitution du gage

2.1°) La nouvelle définition des créances garanties

S’agissant des créances garanties par le gage, l’article 93 l’AUS révisé modifie quelque peu l’article 45 de l’AUS de 1997, en indiquant que «le gage peut être constitué en garantie d'une ou de plusieurs créances présentes ou futures, à condition que celles-ci soient déterminées ou déterminables ».

L’adjectif «présentes» vient ainsi remplacer le terme «antérieures» pour éviter qu’un gage puisse être constitué en garantie d’une dette antérieure qui ne serait plus exigible (du fait d’une prescription, par exemple).

Tandis qu’aux termes de l’article 45 de l’AUS de 1997, seule la nullité de l’obligation garantie faisait obstacle à la validité du gage, l’article 93 de l’AUS révisé étend cette paralysie à tous les cas dans lesquels l’obligation garantie a cessé d’être exigible. Dès lors, il n’est plus besoin de préciser que «l’annulation de la créance garantie entraîne l’annulation du gage » (AUS, art. 45) puisque cette conséquence se déduit par ailleurs logiquement du caractère accessoire de toutes les sûretés, exprimé de manière générale à l’article 2 de l’AUS révisé.

2.2°) La limitation de l’objet du gage aux biens corporels

Le premier alinéa de l’article 46 de l’AUS de 1997, qui prévoyait la possibilité de constituer un gage «sur tout bien meuble, corporel ou incorporel », a été supprimé pour tenir compte de la nouvelle définition du gage, dont l’assiette est désormais limitée aux biens corporels.

De l’article 94 alinéa 2 de l’AUS révisé, « le gage peut également porter sur des sommes ou des valeurs déposées à titre de consignation par les fonctionnaires, les officiers ministériels ou toute autre personne pour garantir les abus dont ils pourraient être responsables et les prêts consentis pour la constitution de cette consignation. »

Cette nouvelle écriture permet la mise en gage de sommes ou de valeurs pour garantir les abus que pourraient commettre les fonctionnaires ou officiers ministériels, mais le terme «cautionnement», utilisé dans la version de 1997 de l’AUS, a été remplacé par le terme «consignation», qui est apparu plus conforme à l’objet du dépôt envisagé.

2.3°) La rédaction d’un écrit : seule condition de validité du gage

Les articles 96 et 97 de l’AUS révisé opèrent un renversement des conditions de validité et d’opposabilité du gage.

Autrefois simple condition d’opposabilité, la rédaction d’un «écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce et leur nature » devient l’unique condition de validité du gage, tandis que la remise du bien gagé au créancier est ramenée au rang de condition alternative d’opposabilité.

L’article 96 précise désormais que « à peine de nullité, le contrat de gage doit être constaté dans un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature.

Lorsque le gage porte sur un bien ou un ensemble de biens futurs, le droit du créancier s'exerce sur le bien gagé aussitôt que le constituant en acquiert la propriété, sauf convention contraire. »

2.4°) Opposabilité du gage : remise de la chose gagée ou inscription

L’article 97 pose que « le contrat de gage est opposable aux tiers, soit par l'inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, soit par la remise du bien gagé entre les mains du créancier gagiste ou d'un tiers convenu entre les parties.

Lorsque le gage a été régulièrement publié, les ayants cause à titre particulier du constituant ne peuvent être regardés comme des possesseurs de bonne foi et le créancier gagiste peut exercer son droit de suite à leur encontre. »

La formalité de l’enregistrement supprimée et l’écrit devenu la seule condition de validité du gage, l’article 97 a donc assouplit les conditions d’opposabilité du gage aux tiers en proposant deux modalités alternatives.

Si le bien reste entre les mains du constituant, le gage sera rendu opposable par une inscription au RCCM,
 En revanche, un gage avec dépossession deviendra opposable aux tiers dès la remise de la chose au créancier, ce qui n’exclut pas que cette formalité soit également doublée d’une inscription.

Lorsque le bien gagé reste aux mains du constituant et que le gage a été régulièrement inscrit, l’article 97, alinéa 2, protège le créancier gagiste contre tout risque de distraction du bien, en interdisant aux ayants cause à titre particulier du constituant de se prévaloir d’une possession de bonne foi.

Conformément à l’article 98 de l’AUS révisé, le gage demeure opposable jusqu’au «paiement intégral de la dette garantie en principal, intérêts et autres accessoires ». Ainsi, le constituant ne pourra «exiger la radiation de l’inscription ou la restitution du bien gagé » qu’après désintéressement complet du créancier, sauf convention contraire des parties, en cas de mainlevée ou de subrogation de la chose gagée notamment.

3°) Les effets du gage

3.1°) Le droit de rétention limité au gage avec dépossession

L’article 99 de l’AUS révisé ne confère un droit de rétention sur le bien gagé qu’au seul créancier titulaire d’un gage avec dépossession, à l’exclusion du créancier titulaire d’un gage sans dépossession.

« Lorsque le gage est constitué avec dépossession, le créancier gagiste peut, sous réserve de l'application de l'article 107, alinéa 2 du présent Acte uniforme, opposer son droit de rétention sur le bien gagé, directement ou par l'intermédiaire du tiers convenu, jusqu'au paiement intégral en principal, intérêts et autres accessoires, de la dette garantie. »

Donc cette disparité entre le gage avec ou sans dépossession est nuancée par l’article 107, alinéa 2, qui rend ce droit de rétention inopposable au créancier gagiste sans dépossession, lorsque son droit est antérieur.

3.2°) Le dessaisissement involontaire du créancier

Il faut préciser ici que l’article 55 de l’AUS devenu l’article 100 de l’AUS révisé, qui permet au créancier gagiste de «revendiquer la chose gagée comme un possesseur de bonne foi » lorsqu’il en « a été dessaisi contre sa volonté », ne trouve plus à s’appliquer que dans les hypothèses de gages avec dépossession.

S'il a été dessaisi contre sa volonté, le créancier peut revendiquer la chose gagée comme un possesseur de bonne foi.


3.3°) Le gage de choses fongibles

D’après les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 101 de l’AUS révisé, « lorsque le gage avec dépossession a pour objet des choses fongibles, le créancier doit, sauf clause contraire, les tenir ou les faire tenir séparées des choses de même nature détenues par lui ou le tiers convenu. A défaut, le constituant peut réclamer la restitution du bien gagé, sans préjudice de dommages-intérêts. »

Dès lors, en cas de gage avec dépossession, le législateur a mis par principe, à la charge du créancier gagiste, l’obligation de séparer les biens fongibles remis en gage des choses de même nature qui sont détenues par lui ou par le tiers convenu.

Les parties peuvent néanmoins écarter cette obligation et autoriser le créancier à confondre les biens gagés avec ses autres biens de même nature. Pour tenir compte de la nature fongible des biens gagés, le créancier gagiste en acquiert alors la propriété (propriété qu’il pourra exercer, en cas d’entiercement, sur « des biens de même qualité et de même espèce détenus par le tiers convenu »), à charge de restituer au constituant la même quantité de choses équivalentes s’il exécute convenablement l’obligation garantie par le gage.

De même, lorsque le gage de choses fongibles s’opère sans dépossession, le créancier gagiste peut autoriser le constituant à disposer des choses gagées, à charge de les remplacer par la même quantité de choses équivalentes.

Ce faisant, le créancier renonce à exercer son droit de suite à l’encontre des tiers acquéreurs des biens aliénés par le constituant. L’article 102 de l’AUS révisé offre une plus grande fluidité du crédit aux producteurs et exportateurs de matières premières qui pourront continuer à disposer de leurs stocks apportés en gage, si le créancier les y autorise.

« Lorsque le gage sans dépossession a pour objet des choses fongibles, le contrat de gage peut permettre au constituant de les aliéner à charge de les remplacer par la même quantité de choses équivalentes. Cette autorisation donnée au constituant vaut renonciation par le créancier à l'exercice de son droit de suite à l'encontre du tiers acquéreur de ces biens. »

3.4°) Les fruits de la chose gagée

Des dispositions de l’article 103 de l’AUS révisé, « sauf stipulation contraire, le créancier gagiste ne peut user de la chose gagée ni en percevoir les fruits. S'il est autorisé à percevoir les fruits, il doit les imputer sur ce qui lui est dû en intérêts ou, à défaut, sur le capital de la dette. »

Le législateur a donc maintenu le principe de l’interdiction faite au créancier de percevoir les fruits de la chose gagée, mais précise que, lorsqu’il y est autorisé par exception, il doit les imputer en priorité sur ce qui lui est dû en intérêts et, à défaut seulement, en capital.

3.5°) La réalisation du gage : la consécration du pacte commissoire

L’article 105 de l’AUS révisé est ainsi libellé : « faute de paiement à l'échéance, le créancier gagiste muni d'un titre exécutoire peut faire procéder à la vente forcée de la chose gagée, huit jours après une sommation faite au débiteur et, s'il y a lieu, au tiers constituant du gage dans les conditions prévues par les dispositions organisant les voies d'exécution auxquelles le contrat de gage ne peut déroger. Dans ce cas, il exerce son droit de préférence sur le prix de la chose vendue, dans les conditions de l'article 226 du présent Acte uniforme.

Le créancier peut aussi faire ordonner par la juridiction compétente que le bien gagé lui sera attribué en paiement jusqu'à due concurrence du solde de sa créance et d'après estimation suivant les cours ou à dire d'expert.

Si le bien gagé est une somme d'argent ou un bien dont la valeur fait l'objet d'une cotation officielle, les parties peuvent convenir que la propriété du bien gagé sera attribuée au créancier gagiste en cas de défaut de paiement. Il en va de même pour les autres meubles corporels lorsque le débiteur de la dette garantie est un débiteur professionnel. En ce cas, le bien gagé doit être estimé au jour du transfert par un expert désigné à l'amiable ou judiciairement, toute clause contraire étant réputée non écrite. »

Ce texte expose les trois différents modes de réalisation de gage.

Les alinéas 1er et 2 reprennent en fait pour l’essentiel les dispositions de l’article 56 de l’AUS de 1997 qui autorisait déjà la réalisation du gage au moyen d’une vente forcée ou d’une attribution judiciaire.

Mais l’alinéa 3 introduit la possibilité d’une attribution conventionnelle dénommée « pacte commissoire » qui permet au créancier gagiste de se faire attribuer la propriété du bien gagé dès l’inexécution d’une obligation garantie et sans intervention du juge, dès lors que ce mode de réalisation a été convenu entre les parties.

Il faut tout de même distinguer que lorsque le débiteur est un particulier, le pacte commissoire n’est admis que si le bien gagé est «est une somme d'argent ou un bien dont la valeur fait l'objet d'une cotation officielle» alors que dans le second cas et s’agissant de professionnel, le pacte commissoire est admis quelque soit la nature du bien gagé, ceux-ci devant « être estimé au jour du transfert par un expert désigné à l'amiable ou judiciairement, toute clause contraire étant réputée non écrite. »

Les droits du constituant ou des éventuels créanciers gagistes sont enfin garantis par l’article 105 qui dispose qu’ « en cas d'attribution judiciaire ou conventionnelle, lorsque la valeur du bien excède le montant qui lui est dû, le créancier gagiste doit consigner une somme égale à la différence s'il existe d'autres créanciers bénéficiant d'un gage sur le même bien ou, à défaut, verser cette somme au constituant. Toute clause contraire est réputée non écrite. »

3.6°) Perte et détérioration de la chose gagée

L’article 106 de l’AS révisé garantit également les droits du créancier gagiste en l’autorisant à exercer «son droit de préférence sur l’indemnité d’assurance, s’il y a lieu, (...) en cas de perte ou de détérioration totale ou partielle de la chose gagée qui ne serait pas de son fait ».

Il convient de préciser que cette dernière condition ne vise pas uniquement les cas de perte et de détérioration involontaires de la part du créancier gagiste, mais également le cas d’une simple négligence.

Aussi le créancier gagiste négligent qui méconnaîtrait l’obligation de conservation mise à sa charge par l’article 108 de l’AUS révisé ne pourra-t-il pas prétendre au bénéfice de l’indemnité d’assurance garantissant le bien perdu ou détérioré.

Lorsque le bien gagé est resté entre ses mains, c’est au constituant qu’il appartient de veiller sur la chose et le créancier gagiste devra s’assurer qu’il respecte l’obligation qui lui est faite par l’article 108, alinéa 2, d’assurer la chose gagée.

3.7°) Préférence en cas de gage successif

La consécration du gage sans dépossession encourage la constitution de gages successifs sur un même bien, ce qui a conduit le législateur à travers l’article 107 de l’AUS révisé distinguer trois hypothèses.

« Lorsqu'un même bien fait l'objet de plusieurs gages successifs sans dépossession, le rang des créanciers est déterminé par l'ordre de leur inscription.

Lorsqu'un bien donné en gage sans dépossession fait ultérieurement l'objet d'un gage avec dépossession, le droit de préférence du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier gagiste postérieur lorsqu'il a été régulièrement publié et nonobstant le droit de rétention de ce dernier.

Lorsqu'un bien donné en gage avec dépossession fait ultérieurement l'objet d'un gage sans dépossession, le droit de rétention du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier postérieur qui ne pourra prétendre exercer ses droits sur le bien, tant que le créancier antérieur n'aura pas été entièrement payé. »

 En premier lieu, lorsque la chose fait l’objet de plusieurs gages successifs sans dépossession, l’ordre des créanciers est déterminé par l’ordre d’inscription de leur droit au RCCM.

 En deuxième lieu, lorsque la chose fait d’abord l’objet d’un gage sans dépossession, puis d’un gage avec dépossession, le créancier gagiste antérieur, qui ne bénéficie pas de la dépossession, est préféré au créancier gagiste postérieur à qui le bien a été remis et le droit de rétention de ce dernier est inopposable au premier créancier.

 Enfin, lorsque la chose fait l’objet d’un gage avec dépossession, elle ne peut plus guère être gagée que sans dépossession. Le droit de rétention du créancier gagiste antérieur, à qui la chose a été remise, peut alors être opposé au créancier gagiste postérieur, ce qui a pour effet de paralyser les droits de ce dernier.

3.8°) L’obligation de conservation du bien gagé

L’article 108 de l’AUS révisé reprend les dispositions de l’article 58, 2°, alinéa 1er, de l’AUS de 1997 et pose que : « Lorsque le gage est constitué avec dépossession, le créancier gagiste ou le tiers convenu doit veiller sur la chose et en assurer la conservation comme le doit un dépositaire rémunéré. »

Pour tenir compte de la nouvelle possibilité de constituer un gage sans se défaire du bien, cette disposition est complétée par un second alinéa, qui ajoute que « de même, lorsque le constituant est resté en possession du bien gagé, il doit le conserver en bon père de famille et, notamment, l'assurer contre les risques de perte et de détérioration totale ou partielle. »

Lorsque le bien a été remis au créancier gagiste (ou à un tiers convenu), l’article 109 de l’AUS révisé sanctionne tout manquement à cette obligation de conservation par la restitution du bien gagé au constituant.

En revanche, lorsque le bien est resté entre les mains du constituant et que celui-ci a manqué à son obligation de conservation, le créancier gagiste dispose d’une alternative :

 il peut soit se prévaloir de la déchéance du terme,
 soit solliciter un complément de gage de la part du constituant.

Il lui est loisible au demeurant de solliciter d’abord un complément de gage et, en cas de refus ou d’impossibilité pour le constituant, de se prévaloir de la déchéance du terme.

3.9°) La généralisation de l’obligation de maintien de la valeur du bien gagé

L’article 110 de l’AUS révisé pose que « Si le gage, quelles qu'en soient les modalités, a pour objet un ensemble de biens fongibles, le créancier peut exiger du constituant, à peine de déchéance du terme, qu'il en maintienne la valeur.

Le créancier peut, à tout moment et aux frais du débiteur, obtenir du constituant ou du tiers convenu un état de l'ensemble des biens gagés ainsi que la comptabilité de toutes les opérations le concernant. Si la constitution de la sûreté a donné lieu à l'émission d'un bordereau de gage de stocks, l'établissement domiciliataire du bordereau a également ce pouvoir.

Est considéré comme établissement domiciliataire au sens du présent Acte uniforme, tout établissement habilité à recevoir des dépôts du public. »

Le législateur étend au droit commun du gage une disposition qui n’était jusqu’alors applicable qu’au nantissement des stocks. Lorsque le gage (avec ou sans dépossession) a pour objet des choses fongibles (dont le constituant peut être autorisé à disposer, conformément à l’article 102 de l’AUS révisé, «le créancier peut exiger du constituant, à peine de déchéance du terme, qu’il en maintienne la valeur », car, dans cette hypothèse, le gage porte plus sur la valeur de la chose que sur la chose elle-même (qui peut être remplacée par des biens de même nature et de même qualité).

À cette fin, le créancier (et, le cas échéant, l’établissement domiciliataire du bordereau) peut exiger un état des biens gagés ainsi que la comptabilité des opérations qui les concernent.

3.10°) Le péril affectant le bien gagé

L’article 111 de l’AUS révisé précise les dispositions de l’article 58, 2°, alinéa 2, de l’AUS de 1997.

En cas de gage avec dépossession et si le bien gagé menace de périr, le créancier gagiste ou le tiers convenu peut le faire vendre, sous sa responsabilité, après autorisation de la juridiction compétente saisie sur simple requête, pourvu que cette autorisation ait été notifiée au constituant. Les effets du gage continuent alors à s’exercer sur le prix de cette vente.

« Lorsqu'un bien objet d'un gage avec dépossession menace de périr, le créancier gagiste ou le tiers convenu peut faire vendre, sous sa responsabilité, le bien gagé sur autorisation notifiée au constituant de la juridiction compétente saisie sur simple requête. Les effets du gage sont alors reportés sur le prix. »

Le recours à une procédure sur simple requête tient compte de l’urgence liée à la menace de péril qui pèse sur le bien et permet au créancier gagiste ou au tiers convenu de débloquer rapidement une situation qui pourrait conduire, à défaut d’intervention de sa part, à la mise en œuvre de sa responsabilité au titre de l’article 108.

4°) L’extinction du gage

Il ressort de l’article 116 de l’AUS révisé que : « le gage prend fin lorsque l'obligation qu'il garantit est entièrement éteinte, tant en capital, qu'en intérêts et autres accessoires. »

L’article 117 ajoute que : « le gage avec dépossession disparaît indépendamment de l'obligation garantie si la chose est volontairement restituée au constituant, si elle est perdue par le fait du créancier gagiste, ou lorsque la juridiction compétente en ordonne la restitution pour faute du créancier gagiste, sauf désignation d'un séquestre qui aura la mission d'un tiers convenu. »

Outre l’extinction de l’obligation garantie, reprise à l’article 116, l’article 117 ajoute un nouveau cas d’extinction du gage lorsque la chose gagée «est perdue par le fait du créancier gagiste ».

Dans cette hypothèse, qui envisage, aussi bien la perte involontaire que celle qui est causée par la négligence du créancier, celui-ci perd totalement le bénéfice du gage et son droit de préférence ne saurait s’exercer sur l’éventuelle indemnité d’assurance garantissant le bien perdu.

B- LES DISPOSITIONS PARTICULIERES A CERTAINS GAGES

La nouvelle définition du gage et du nantissement a conduit à redessiner les contours des modalités particulières du gage.

Compte tenu de leur objet incorporel, le gage de créance et le gage de propriétés intellectuelles deviennent des nantissements, tandis que le nantissement du matériel professionnel et des véhicules automobiles (1°) et le nantissement des stocks (2°) deviennent des gages, en raison de leur objet corporel.

1°) Le gage du matériel professionnel et des véhicules automobiles

L’article 118, alinéa 1er, de l’AUS révisé rappelle que le gage du matériel professionnel et des véhicules automobiles obéit au droit commun du gage, sans préjudice des dispositions spécifiques qui lui sont applicables.

« Sans préjudice des dispositions de la présente sous-section, le matériel professionnel et les véhicules automobiles, assujettis ou non à une déclaration de mise en circulation et à immatriculation administrative, peuvent faire l'objet d'un gage en application des dispositions des articles 92 à 117 du présent Acte uniforme.

Le matériel professionnel faisant partie d'un fonds de commerce peut être nanti en même temps que les autres éléments du fonds, conformément aux dispositions des articles 162 à 165 du présent Acte uniforme. »

La seule spécificité du gage du matériel professionnel tient au fait que «le matériel professionnel faisant partie d’un fonds de commerce » peut faire l’objet d’un nantissement de fonds de commerce, dans les conditions des articles 162 à 165 du projet, qui régissent désormais cette sûreté.

L’article 119 du projet maintient quant à lui l’obligation de mentionner le gage des véhicules automobiles «sur le titre administratif portant autorisation de circuler et immatriculation », mais précise toutefois que le défaut de cette mention ne remet pas en cause la validité du gage ni son opposabilité, pourvu qu’il soit régulièrement inscrit au RCCM. Comme pour les autres gages, l’inscription au RCCM suffit donc à rendre le gage des véhicules automobiles opposable aux tiers.

2°) Le gage de stocks

De même que le gage du matériel professionnel et des véhicules automobiles, le gage de stocks obéit au droit commun du gage, en plus des règles spécifiques relatives au bordereau de gage de stocks, aux assurances supplémentaires devant couvrir les stocks gagés et à la consignation du prix en cas de vente des stocks gagés.

L’article 121 de l’AUS révisé précise que « la constitution d'un gage de stocks sans dépossession peut donner lieu à l'émission par le greffier, ou par le responsable de l'organe compétent dans l'Etat Partie, d'un bordereau de gage de stocks.

Dans ce cas, l'acte constitutif du gage doit comporter, à peine de nullité, outre les mentions prévues par l'article 96 du présent Acte uniforme, le nom de l'assureur qui couvre les stocks gagés contre les risques de vol, d'incendie et de détérioration totale ou partielle ainsi que la désignation de l’établissement domiciliataire du bordereau de gage de stocks. »


L’acte constitutif doit dans ce cas comporter, en plus des mentions exigées pour n’importe quel gage, le nom de l’assureur et de l’établissement domiciliataire du bordereau de gage de stocks.
Par ailleurs, l’article 122 étend à cinq ans la durée de validité du bordereau de gage de stocks contre trois ans sous le régime de l’article 103 de l’AUS de 1997, à moins que les parties n’aient expressément convenu d’une durée de validité différente.

L’article 123 précise quant à lui que tout porteur du bordereau de gage de stocks est investi des droits du créancier gagiste, ce qui suppose le bénéfice des règles de droit commun du gage et des règles spécifiques du gage de stocks.

L’article 124 autorise le «débiteur émetteur du bordereau de gage de stocks (de) vendre les stocks gagés », à condition de consigner le prix de cette vente «auprès de l’établissement domiciliataire ».


(1) Vr sur le sujet Ariane Marceau-Cotte et Louis-Jérôme LAISNERY « VERS UN NOUVEAU DROIT DU GAGE OHADA» : Droit & Patrimoine N° 197 Novembre 2010