Rechercher dans ce blog

24/06/2011

LES NOUVELLES DISPOSITIONS REGISSANT L’HYPOTHEQUE EN OHADA

LES NOUVELLES DISPOSITIONS REGISSANT L’HYPOTHEQUE EN OHADA

Le législateur de l’OHADA a amélioré le régime des hypothèques tel qu’issu de l’Acte uniforme sur les sûretés du 17 avril 1997 (AUS), afin de renforcer son attractivité et de créer les conditions pour développer davantage le crédit hypothécaire.

De nouvelles dispositions régissent les hypothèques (A) et quelques innovations ont été introduites s’agissant de leur réalisation (B).

A- LES DISPOSITIONS GENERALES RELATIVES A L’HYPOTHEQUE(*)

Les modifications opérées par le législateur sont relatives à la définition de l’hypothèque (1), à l’admission des hypothèques des biens futurs (2), à l’hypothèque des immeubles indivis (3) et à l’inscription des hypothèques (4).

1°) La nouvelle définition de l’hypothèque

L’article 190 de l’AUS révisé dispose que « l'hypothèque est l'affectation d'un immeuble déterminé ou déterminable appartenant au constituant en garantie d'une ou plusieurs créances, présentes ou futures à condition qu'elles soient déterminées ou déterminables.
Elle est légale, conventionnelle ou judiciaire. »

Cette définition est plus précise que celle donnée par l’article 117 de l’AUS de 1997, qui se bornait à définir l’hypothèque comme étant «une sûreté réelle immobilière conventionnelle ou forcée », conférant à son titulaire un droit de suite et un droit de préférence.

À titre supplétif, il est prévu à l’article 192 de l’AUS révisé, que seuls les immeubles présents et immatriculés peuvent faire l’objet d’une hypothèque.

2°) L’hypothèque des biens futurs

Il a été introduit à l’article 203, alinéa 2, de l’AUS révisé, la possibilité exceptionnelle d’hypothéquer un immeuble futur.

L’article 203 précité prévoit trois hypothèses dans lesquelles une hypothèque sur un immeuble à venir pourra être consentie.

 Celui qui ne possède pas d'immeubles présents et libres ou qui n'en possède pas en quantité suffisante pour la sûreté de la créance peut consentir que chacun de ceux qu'il acquerra par la suite sera affecté au paiement de celle-ci au fur et à mesure de leur acquisition ;

 Celui dont l'immeuble présent assujetti à l'hypothèque a péri ou subi des dégradations telles qu'il est devenu insuffisant pour la sûreté de la créance le peut pareillement, sans préjudice du droit pour le créancier de poursuivre dès à présent son remboursement ;


 Celui qui possède un droit réel lui permettant de construire à son profit sur le fonds d'autrui, sur le domaine public ou sur le domaine national peut hypothéquer les bâtiments et ouvrages dont la construction est commencée ou simplement projetée ; en cas de destruction de ceux-ci, l'hypothèque est reportée de plein droit sur les nouvelles constructions édifiées au même emplacement.

3°) L’hypothèque des biens indivis

L’article 194 de l’AUS révisé de réforme a modifié l’article 121 de l’AUS de 1997, afin de permettre à un coïndivisaire de consentir une hypothèque sur un bien indivis.

Si l’alinéa premier est resté inchangé, le nouvel article 194 vient amender l’alinéa 2 de l’article 121 et ajouter un nouvel alinéa

« L’hypothèque d’un immeuble indivis conserve son effet quel que soit le résultat du partage, si elle a été consentie par tous les indivisaires. Dans le cas contraire, elle ne conserve son effet que dans la mesure où l’indivisaire qui l’a consentie est, lors du partage, alloti de l’immeuble indivis ou, lorsque l'immeuble est licité à un tiers, si cet indivisaire est alloti du prix de la licitation.

L’hypothèque d’une quote-part dans un ou plusieurs immeubles indivis ne conserve son effet que dans la mesure où l’indivisaire qui l’a consentie est, lors du partage, alloti du ou de ces immeubles indivis ; elle le conserve alors dans toute la mesure de cet allotissement, sans être limitée à la quote-part qui appartenait à l’indivisaire qui l’a consentie ; lorsque l’immeuble est licité à un tiers, elle le conserve également si cet indivisaire est alloti du prix de la licitation. »


La faculté reconnue à un seul indivisaire de consentir une hypothèque sur sa quote-part de l’immeuble indivis constitue une avancée notable dans la sécurisation de la situation du créancier d’un héritier coïndivisaire.

4°) L’inscription des hypothèques

L’article 123 de l’AUS de 1997 a été amendé par l’article 196 de l’AUS révisé, qui a ajouté deux précisions portant,

 d’une part, sur le fait que l’inscription a une durée déterminée dans la limite de trente ans au jour de la formalité, sauf disposition contraire d’une loi nationale,

 d’autre part, sur l’absence d’incidence de cette durée de l’inscription sur celle de l’hypothèque qui peut, quant à elle, être indéterminée. Il s’agit là d’une précision juridique importante apportée par le législateur qui vient bien faire la distinction entre la durée de l’hypothèque et celle de l’inscription.

Ainsi, l’inscription d’une hypothèque a toujours une durée déterminée, dans la limite de trente ans, à compter du « jour de la formalité, sauf disposition contraire d’une loi nationale », et ce, bien que l’hypothèque soit constituée pour une durée indéterminée.

« L'inscription a une durée déterminée et conserve le droit du créancier jusqu'à une date devant être fixée par la convention ou la décision de justice dans la limite de trente ans au jour de la formalité, sauf disposition contraire d'une loi nationale. Son effet cesse si elle n'est pas renouvelée, avant l'expiration de ce délai, pour une durée déterminée.
Il en va de même lorsque l'hypothèque a été constituée pour une durée indéterminée. »

B- L’AMELIORATION DE LA REALISATION DE LA GARANTIE HYPOTHECAIRE

L’AUS révisé consacre certaines innovations tendant essentiellement à faciliter la mise en œuvre de la garantie hypothécaire.

Les principales innovations introduites par les articles 197 à 203 se rapportent essentiellement à la possibilité donnée au créancier hypothécaire d’obtenir, sous réserve de certaines conditions, l’attribution de l’immeuble donné en garantie, en vertu soit de la convention d’hypothèque (1), soit d’une décision judiciaire (2).

1°) L’attribution conventionnelle de l’immeuble hypothéqué

L’AUS révisé offre une innovation majeure en admettant le pacte commissoire, en matière d’hypothèque.

L’article 199 dudit texte admet qu’il puisse être prévu dans la convention d’hypothèque une clause selon laquelle le créancier deviendra propriétaire de l’immeuble hypothéqué (al. 1er), à condition que le constituant soit une personne morale ou une personne physique dûment immatriculée au registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM) et que l’immeuble hypothéqué ne soit pas à usage d’habitation.

La possibilité de conclure un pacte commissoire a donc été étendue à certaines personnes physiques pour répondre au besoin de favoriser l’accès au crédit des commerçants personnes physiques possédant des immeubles à usage professionnel. Le danger supposé du pacte commissoire, notamment pour les familles des constituants, est fortement atténué par l’exclusion des immeubles à usage d’habitation.

De plus, à l’issue d’un délai de trente jours suivant une mise en demeure de payer par acte extrajudiciaire demeurée sans effet, le créancier pourra faire constater le transfert de propriété dans un acte établi selon les formes requises par chaque État partie en matière de transfert d’immeuble (al. 2).

Il convient de noter que l’attribution conventionnelle de l’immeuble hypothéqué résultant d’un pacte commissoire pourrait, comme la clause de voie parée, porter atteinte aux intérêts du débiteur, soit parce que le bien conservé par le créancier a parfois une valeur supérieure à celle de la créance, soit parce que la vente conventionnelle ne permet pas de réaliser le bien à un meilleur prix.

Mais cette problématique est réglée par l’article 200 de l'AUS revisé qui prévoit que l’immeuble doit être estimé par un expert désigné amiablement ou judiciairement. Si la valeur estimée de l’immeuble dépasse celle de la créance, le créancier devra reverser au constituant une somme égale à la différence. S’il existe d’autres créanciers hypothécaires, il consignera ladite somme.

2°) L’attribution judiciaire de l’immeuble hypothéqué

D’après les dispositions de l’article 198 de l’AUS révisé, le créancier hypothécaire impayé peut demander en justice que l’immeuble lui demeure en paiement, à moins qu’il ne poursuive la vente du bien hypothéqué selon les modalités prévues par les règles de la saisie immobilière, auxquelles la convention d’hypothèque ne peut déroger.

Cependant, l’article précité apporte, en son alinéa 2, un tempérament à cette faculté reconnue au créancier, en ce sens que ce dernier ne pourra demander en justice l’attribution de l’immeuble hypothéqué, si celui-ci constitue la résidence principale du constituant. Admettre le contraire aurait certainement créé une levée de boucliers dans l’espace OHADA, et ce, pour protéger les familles des constituants.

Il convient de noter également que dans le cas de l’attribution judiciaire de l’immeuble hypothéqué, tout comme dans celui de l’attribution conventionnelle, l’AUS révisé prévoit que l’immeuble doit être estimé par un expert désigné amiablement ou judiciairement dans les conditions prévues par l’article 200 évoqué plus haut.



(*) Vr sur le sujet Michel BRIZOUA-BI « L’ATTRACTIVITE DU NOUVEAU DROIT OHADA DES HYPOTHEQUES» : Droit & Patrimoine N° 197 Novembre 2010