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24/06/2011

LE NOUVEAU DROIT DU NANTISSEMENT EN OHADA

LE NOUVEAU DROIT DU NANTISSEMENT EN OHADA(1)

La réforme des sûretés(2) sur les meubles incorporels assure une garantie étendue aux créanciers en réaménageant les régimes de nantissements existants, mais également en introduisant de nouveaux nantissements sur le compte bancaire, les titres financiers, et les droits de propriété intellectuelle.

Défini par l’article 125 de l’AUS révisé, « le nantissement est l'affectation d'un bien meuble incorporel ou d'un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs, en garantie d'une ou plusieurs créances, présentes ou futures, à condition que celles-ci soient déterminées ou déterminables.

Il est conventionnel ou judiciaire. »

Dès los, conventionnel ou judiciaire, le nantissement porte, selon l’article 126, sur une liste limitative de biens, à savoir les créances, le compte bancaire, les droits d’associés, les valeurs mobilières et le compte de titres financiers, ainsi que sur le fonds de commerce et les droits de propriété intellectuelle.

À côté des sûretés sur les biens incorporels (les créances, les droits d’associés et valeurs mobilières et le fonds de commerce) déjà réglementées par l’AUS et dont les régimes juridiques ont été réaménagés à l’occasion de la réforme (A), il est introduit trois nouveaux nantissements (B) portant sur le compte bancaire, le compte d’instruments financiers et le nantissement des droits de propriété intellectuelle.

A- LE NOUVEAU REGIME JURIDIQUE DES SURETES EXISANTES AVANT LA RELECTURE

Selon le droit positif des sûretés de l’OHADA, les sûretés portant sur des meubles incorporels concernent uniquement les créances (1°), le fonds de commerce (2°) et les droits d’associés et de valeurs mobilières (3°), sûretés qualifiées de «gage» pour les premières et de «nantissement» pour les autres.

1°) Le nantissement de créance

Le gage de créance devient, dans avec l’AUS révisé, un nantissement réglementé par les articles
127 à 135.

L’article 128 de l’AUS révisé autorise les nantissements portant sur des créances ou des «ensembles de créances », même futures. Il en est de même en ce qui concerne les créances garanties qui peuvent également être futures.

Par ailleurs, lorsque les créances nanties sont futures, il est expressément rappelé par l’article 128 que «le créancier nanti acquiert un droit sur la créance dès la naissance de celle-ci ».

Enfin, le nantissement de créances futures n’oblige pas le constituant à céder la totalité de ses créances futures puisque l’article 129 rappelle que «le nantissement de créances peut porter sur une fraction de créance, sauf si elle est indivisible ».

- Le nantissement de créance est valable entre les parties dès la signature d’un écrit et sans aucune autre formalité. Ainsi, les obligations d’enregistrement, de remise de l’acte constitutif de la créance et de la signification du nantissement au débiteur de la créance nantie ont été abandonnées.

- Pour être opposable au débiteur de la créance nantie, le nantissement doit lui être notifié ou ce dernier doit intervenir à l’acte. En ce qui concerne les autres tiers, le nantissement de créance leur est opposable à compter de son inscription au registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM), conformément aux modalités organisées par le droit commun des inscriptions des sûretés mobilières au RCCM.

- L’originalité du nantissement de créance notifié au débiteur de la créance nantie réside dans le droit exclusif au paiement appartenant au créancier nanti qui peut, sans autre formalité, imputer le montant payé au titre de la créance nantie sur ce qui lui est dû au titre de la créance garantie échue.

- Lorsque le nantissement de créance n’a pas été notifié au débiteur de la créance nantie, la réalisation proprement dite du nantissement prend en compte les spécificités d’une sûreté sur créance.

- Dans l’hypothèse où la créance nantie vient à échéance avant la créance garantie, l’article 134 de l’AUS révisé prévoit que «le créancier nanti conserve les sommes à titre de garantie (...) à charge pour lui de les restituer au constituant si l’obligation garantie est exécutée. En cas de défaillance du débiteur de la créance garantie et huit jours après une mise en demeure restée sans effet, le créancier nanti affecte les fonds au remboursement de sa créance dans la limite des sommes impayées ».

2°) Le nantissement de fonds de commerce

L’article 162 de l’AUS révisé pose que « le nantissement du fonds de commerce est la convention par laquelle le constituant affecte en garantie d'une obligation, les éléments incorporels constitutifs du fonds de commerce à savoir la clientèle et l'enseigne ou le nom commercial.

Le nantissement peut aussi porter sur les autres éléments incorporels du fonds de commerce tels que le droit au bail commercial, les licences d'exploitation, les brevets d'invention, marques de fabrique et de commerce, dessins et modèles et autres droits de la propriété intellectuelle. Il peut également être étendu au matériel professionnel.

Cette extension du nantissement doit faire l'objet d'une clause spéciale désignant les éléments engagés et d'une mention particulière au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier. Cette clause n'a d'effet que si la publicité prévue par l'article 160 du présent Acte uniforme a été satisfaite.

Le nantissement ne peut porter sur les droits réels immobiliers conférés ou constatés par des baux ou des conventions soumises à inscription au registre de la publicité immobilière.

Si le nantissement porte sur un fonds de commerce et ses succursales, celles-ci doivent être désignées par l'indication précise de leur siège. »

Avec cette nouvelle définition, les éléments essentiels à l’existence d’un fonds de commerce susceptible d’être apporté en nantissement sont dorénavant identiques à ceux prévus par la définition des éléments constitutifs d’un fonds de commerce selon les dispositions de l’Acte uniforme sur le droit commercial général.

L’essentiel des nouvelles dispositions tient, conformément aux objectifs de la réforme, à l’assouplissement des modalités de constitution et de réalisation de ce nantissement.

- La validité du nantissement de fonds de commerce, bien que toujours soumise à la constitution d’un acte écrit, ne nécessite plus d’enregistrement. Par ailleurs, les mentions obligatoires qui doivent être portées à l’acte constitutif ont été allégées, seules ayant été conservées celles qui assurent le respect du principe général de spécialité des sûretés. Ces mentions obligatoires sont strictement limitées à la désignation des parties, à l’indication du siège du fonds, et éventuellement de ses succursales, à la mention des éléments du fonds nanti ainsi qu’aux éléments permettant l’individualisation de la créance garantie.

- Qu’il soit conventionnel ou judiciaire, le nantissement est rendu opposable à l’égard des tiers par son inscription au RCCM.

- Pour ce qui concerne les droits conférés par le nantissement, à savoir le droit de suite, le droit de réalisation et le droit de préférence, l’article 178 fait des renvois aux règles communes, à l’exception des dispositions relatives au pacte commissoire, exclues pour le nantissement du fonds de commerce.

3°) Le nantissement des droits d’associés et des valeurs mobilières

Comme cela est le cas pour le nantissement du fonds de commerce, les aménagements qui sont apportés par l’AUS révisé tiennent à l’assouplissement des modalités de constitution et de réalisation ainsi qu’au renvoi au droit commun applicable en matière d’inscription et des droits du créancier nanti.

- La convention de nantissement des droits d’associés et des valeurs mobilières doit être conclue par écrit, sans obligation d’enregistrement. Quant aux mentions obligatoires, elles ont également été assouplies et sont uniquement relatives, selon l’article 141, à la désignation des parties (y compris la société émettrice des droits apportés en garantie), la désignation précise des titres apportés en garantie et des éléments permettant l’individualisation de la créance garantie.

- Comme toutes les sûretés mobilières sans dépossession, le nantissement, qu’il soit judiciaire ou conventionnel, est opposable aux tiers par son inscription au RCCM, conformément aux règles du droit commun des inscriptions auquel l’article 143 renvoie expressément.

- Enfin, l’article 144 de l’AUS révisé renvoie aux règles communes applicables au droit de suite, au droit de réalisation et au droit de préférence. En conséquence, les parties pourront convenir d’un pacte commissoire.

B- LES NOUVEAUX NANTISSEMENTS

Il est désormais possible de nantir le compte bancaire (1°), le compte de titres financiers (2°) et a organisé des règles spécifiques pour les droits de propriété intellectuelle (3°).

1°) Le nantissement de compte bancaire

L’article 136 de l’AUS révisé dispose que «le nantissement de compte bancaire est un nantissement de créance. Les règles qui régissent celui-ci lui sont applicables, sous réserve des dispositions de la présente section. »

Le teneur de compte est le débiteur de la créance de solde nantie. En conséquence, le nantissement ne lui est opposable que s’il a été notifié ou s’il a été partie à l’acte constitutif du nantissement, conformément aux dispositions de l’article 132.

C’est ainsi que l’article 137 prévoit que la créance nantie est constituée par «le solde créditeur, provisoire ou définitif, au jour de la réalisation de la sûreté, sous réserve de la régularisation des opérations en cours ».

Le même principe s’applique en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du débiteur de la créance garantie, auquel cas «les droits du créancier nanti portent sur le solde créditeur du compte au jour de cette ouverture ».

- Autre particularité du nantissement de compte bancaire, les parties peuvent convenir que le constituant utilise les sommes disponibles sur le compte nanti. Il s’agit évidemment d’une faculté et les parties ont donc le choix de bloquer le compte (auquel cas seules les entrées seront possibles et augmenteront l’assiette du nantissement, par exemple dans le cadre d’une domiciliation de paiement), ou de laisser le constituant faire fonctionner le compte au débit, avec le risque que, au jour de la réalisation, le solde créditeur ne permette pas de désintéresser totalement le créancier nanti.

- Aucune disposition spécifique n’est prévue pour la réalisation du nantissement de compte bancaire et l’on doit donc s’en tenir au renvoi général fait par l’article 136 aux règles applicables au nantissement de créance.

- Enfin, la créance nantie étant constituée par le solde du compte au jour de la réalisation, il est nécessaire de préciser que le nantissement demeure valable tant que le compte n’est pas clôturé et que la créance garantie n’est pas intégralement payée.

2°) Le nantissement de compte de titres financiers

L’article 146 de l’AUS révisé définit le nantissement d’un compte de titres financiers comme « la convention par laquelle le constituant affecte en garantie d'une obligation l'ensemble des valeurs mobilières et autres titres financiers figurant dans ce compte. »

- La convention de nantissement de compte de titres financiers est constituée par un écrit qui prend la forme d’une déclaration datée et signée par le titulaire du compte et comportant obligatoirement la désignation des parties, la désignation des titres formant l’assiette initiale du nantissement et des éléments permettant l’individualisation de la créance garantie.

- Contrairement aux autres nantissements prévus par le législateur, le nantissement de compte de titres financiers est opposable aux parties, à la société émettrice et aux tiers à compter de sa date de signature. L’article 147, dispose que « Le nantissement de comptes de titres financiers est constitué, tant entre les parties qu'à l'égard de la personne morale émettrice et des tiers, par une déclaration datée et signée par le titulaire du compte. » Il n’est donc pas soumis à publicité ni à inscription au RCCM.

- Il a pour assiette les titres financiers initialement inscrits au crédit du compte nanti, mais également ceux qui leur sont substitués ou qui les complètent ainsi que leurs fruits et produits.

- Afin d’éviter toute confusion, il doit être ouvert au nom du constituant un nouveau compte dénommé «compte spécial » qui constituera le compte nanti et où seront inscrits les titres financiers. Les sommes correspondant aux fruits et produits de ces titres entrant obligatoirement dans l’assiette du nantissement, un compte spécial doit également être ouvert pour y porter ces sommes. Cet autre compte spécial est «réputé faire partie intégrante du compte nanti à la date de la déclaration de nantissement », selon l’article 150.

- La réalisation du nantissement de compte de titres financiers est organisée par les articles 152 à 155. Celle-ci ne peut intervenir qu’après une mise en demeure au formalisme très précis permettant de garantir la bonne information du constituant du nantissement.

3°) Le nantissement des droits de propriété intellectuelle

Le droit positif des sûretés de l’OHADA ne connaît les droits de propriété intellectuelle que comme un complément facultatif du nantissement du fonds de commerce.

L’article 156 définit le nantissement des droits de propriété intellectuelle comme «la convention par laquelle le constituant affecte en garantie d’une obligation tout ou partie de ses droits de propriété intellectuelle existants ou futurs, tels que des brevets d’invention, des marques de fabrique et de commerce, des dessins et modèles ».

- Comme tous les nantissements, le nantissement des droits de propriété intellectuelle peut être conventionnel ou judiciaire, et sa validité est soumise à la rédaction d’un écrit comportant les mentions nécessaires au respect du principe de spécialité des sûretés, à savoir la désignation des parties, la désignation des droits apportés en garantie et les éléments permettant l’individualisation de la créance garantie.


- Naturellement sans dépossession, son opposabilité aux tiers est soumise à publicité au RCCM. La nature particulière de ces droits nécessite également que soit prévue son inscription auprès de tout autre registre organisé par des règles spécifiques applicables à ce type de biens.

- Enfin, comme tous les nantissements, le nantissement des droits de propriété intellectuelle offre au créancier nanti un droit de suite, un droit de réalisation et un droit de préférence pour lesquels l’article 161 fait un renvoi aux règles communes applicables.


(1) Vr sur le sujet Olivier Fille-Lambie et Ariane Marceau-Cotte « LES SURETES SUR LES MEUBLES INCORPORELS : Le nouveau nantissement» : Droit & Patrimoine N° 197 Novembre 2010
(2) La volonté du Législateur de l’AUS et l’esprit de la réforme intervenus depuis le 15 février 2011 sont de donner à l’AUS une forme moderne, claire et personnalisée susceptible de se combiner aisément avec l’ensemble des règles relatives aux garanties sur le plan international