Rechercher dans ce blog

15/11/2008

BREVES OBSERVATIONS SUR LE SORT DU BAIL COMMERCIAL DANS LES PROCEDURES COLLECTIVES DE L’OHADA


Le bail commercial est défini par l’Acte uniforme relatif au droit commercial général à son article 71, comme toute convention, même non écrite, existant entre le propriétaire d’un immeuble, et toute personne physique ou morale, permettant à cette dernière, d’exploiter dans les lieux avec l’accord du propriétaire, toute activité commerciale, industrielle, artisanale ou professionnelle.

Aux termes de l’article 25 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, le débiteur qui est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible doit faire une déclaration de cessation des paiements aux fins d’obtenir l’ouverture d’une procédure collective.

Lorsque les parties à un bail commercial sont en conflit, on fait généralement application des règles prévues par l’Acte Uniforme relatif au droit commercial général.

Mais quelles sont les règles applicables lorsque l’une des parties au bail commercial obtient l’ouverture d’une procédure collective ?

L’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif fixe les règles de traitement des difficultés des entreprises, avec comme impératif la sauvegarde de l’entreprise ou l’apurement de son passif.

Il en découle que lorsque les parties à un bail sont en conflit, les règles habituelles se trouvent bouleversées en cas de procédure collective, laquelle apparaît comme une mise entre parenthèses des relations d’affaires, au terme de la quelle une décision définitive devra être prise : le redressement judiciaire ou la liquidation des biens.

Ce bouleversement profond intervient d’ailleurs tant en ce qui concerne la situation du preneur (I) que celle du bailleur (II).

I- LE REDRESSEMENT JUDICIAIRE OU LA LIQUIDATION DES BIENS DU PRENEUR

Pour mieux évaluer l’impact de la procédure collective du preneur sur le bail commercial, il est nécessaire d’analyser les aspects se rattachant directement à l’arrêt des poursuites individuelles, à la déclaration de créances et à la poursuite des contrats en cours.

L’arrêt des poursuites individuelles - En vertu de l’article 75 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, le jugement d’ouverture de la procédure collective suspend ou interdit toute action tendant au paiement où à la résiliation d’un contrat pour défaut de paiement d’une créance née antérieurement au jugement d’ouverture.
L’arrêt des poursuites individuelles ne concerne toutes fois que les actions fondées sur les défauts de paiements et les voies d’exécution sur les meubles et les immeubles.

Cette décision n’interdirait donc pas :
- l’expulsion du preneur,
- la résiliation du bail pour d’autres manquements que le défaut de paiement graves et antérieurs à l’ouverture de la procédure collective,
- l’action en validation d’un congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime notifié antérieurement au jugement d’ouverture.

La déclaration de créances – Il ressort des dispositions des articles 78 et suivants de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives que, à partir de la décision d’ouverture de la procédure, les créanciers doivent remettre au syndic une déclaration indiquant le montant et la nature de leurs créances.

S’agissant des loyers et charges échus antérieurement au jugement d’ouverture, le bailleur doit, comme tout créancier, déclarer sa créance dès lors que celle-ci est née antérieurement à l’ouverture de la procédure collective.

A défaut de déclaration au passif du preneur, la créance du bailleur est éteinte.

Cependant, une précision importante doit être faite quant au sort du dépôt de garantie.

Il semble qu’il faille admettre la compensation de plein droit avec les loyers restés impayés antérieurement au jugement d’ouverture, s’agissant des dettes connexes.

Aussi, l’interdiction de paiement des créances antérieures au jugement d’ouverture ne ferait pas obstacle au paiement par compensation de créances connexes.

La poursuite des contrats en cours – Conformément aux dispositions de l’article 97 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du preneur n’est pas une cause de résiliation automatique du contrat de bail, qui se trouve poursuivi de plein droit. D’ailleurs, est réputé non écrite toute stipulation contraire.

Cependant, aux termes de l’article 108 de l’Acte Uniforme sus cité, le syndic conserve seul, quelque soit la procédure ouverte, la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours, à charge pour lui de fournir à l’autre partie la prestation promise.

Le syndic en cas de liquidation des biens ou le preneur assisté du syndic en cas de redressement judiciaire, peut donc continuer le bail aux conditions prévues au contrat et avec tous les droits et obligations qui s’y attachent.

En revanche, s’il décide de ne pas poursuivre le bail, celui-ci est résilié sur simple congé formulé par acte extrajudiciaire.

Le bailleur quant à lui dispose de la possibilité de solliciter la résiliation du contrat de bail.
En effet, l’Acte Uniforme permet au bailleur de contraindre le syndic par une mise en demeure nécessairement écrite, à prendre position sur le sort du bail en le poursuivant ou en y renonçant.

Le syndic dispose alors d’un délai de 30 jours d’après les dispositions de l’alinéa 3 de l’article 108 précédemment cité, et peut :
- soit décider de poursuivre le bail,
- soit ne pas répondre à la mise en demeure, auquel cas le bail est résilié de plein droit et le bailleur dispose d’un privilège pour les douze derniers mois de loyer échus avant la décision d’ouverture de la procédure, pour les douze mois échus ou à échoir postérieurement à la décision d’ouverture de la procédure, ainsi que pour les dommages-intérêts qui pourront lui être alloués, conformément aux dispositions de l’article 98 de l’Acte Uniforme précité,
- soit renoncer à la continuation du contrat.
Aussi, le bailleur qui entend demander ou faire constater la résiliation du bail doit :
- pour les causes antérieures au jugement d’ouverture, introduire sa demande dans le mois suivant la deuxième insertion du jugement d’ouverture au journal d’annonces légales ou au journal officiel,
- pour les causes postérieures au jugement d’ouverture, introduire sa demande dans les quinze jours à compter de sa connaissance de la cause de résiliation.

S’agissant du paiement des loyers postérieurs à la poursuite du bail, il faut préciser que le syndic qui décide de poursuivre l’exécution du bail a l’obligation de payer les loyers.

A défaut, non seulement le syndic pourrait encourir l’application de la clause résolutoire mais aussi, le bailleur peut soulever l’exception d’inexécution comme le lui permet l’alinéa 1er de l’article 108 de l’Acte Uniforme précité.

Si le bailleur s’exécute néanmoins sans avoir perçu les loyers, il devient alors un créancier de la masse.

En revanche, le syndic qui opte pour la poursuite du contrat de bail devrait s’assurer qu’il disposer des fonds nécessaires à cet effet. A défaut, il pourrait se voir reprocher une faute suffisamment caractérisée pour mettre en jeu sa responsabilité.

II- LE REDRESSEMENT JUDICIAIRE OU LA LIQUIDATION DES BIENS DU BAILLEUR

Le législateur de l’OHADA a ignoré cette perspective, puisque l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives n’a été conçu et écrit que pour le redressement judiciaire ou la liquidation des biens du locataire.

Toutefois, la procédure collective à l’encontre du bailleur provoque des conséquences importantes sur le sort du contrat et l’indemnité d’éviction.

Le sort du contrat de bail – En vertu de l’article 108 précédemment cité, le syndic a la possibilité de décider de la continuation ou de la résiliation du contrat de bail en cours.

Le bailleur en redressement judiciaire ou en liquidation des biens peut-il, par l’intermédiaire du syndic, rompre unilatéralement le contrat de bail commercial dès lors que les dispositions de l’article 108 n’excluent pas cette possibilité ?

Il faudrait alors remarquer que la décision du bailleur de rompre unilatéralement le contrat de bail a pour conséquence de priver le locataire des dispositions protectrices de l’Acte Uniforme relatif au droit commercial général, notamment quant au droit au renouvellement du bail ou au paiement d’une indemnité d’éviction, qui sont d’ailleurs d’ordre public conformément à l’article 102 dudit Acte Uniforme.

Les Tribunaux devraient donc refuser de reconnaître au bailleur la possibilité de résilier le bail.

L’initiative de rupture ne devrait venir que du locataire interrogeant le bailleur en redressement judiciaire ou en liquidation des biens pour savoir s’il souhaite ou non poursuivre le bail.

Le sort de l’indemnité d’éviction – Aux termes de l’article 94 de l’Acte Uniforme relatif au droit commercial général, le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail en réglant au locataire une indemnité d’éviction.

En cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du bailleur, postérieurement à la délivrance d’un congé offrant une indemnité d’éviction à son preneur, ce dernier, bien que sa créance d’indemnité d’éviction ne soit ni liquide, ni certaine, puisque le bailleur peut toujours y renoncer et exercer son droit de repentir, doit déclarer celle-ci au syndic.

A défaut, le locataire pourrait se trouver déchu de son droit à indemnité d’éviction.