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15/11/2008

OBSERVATIONS SUR LA NOTION D’ASSOCIE DANS L’AUSC DE L’OHADA

Quand on va à la recherche d’une définition de la notion d’associé, on se rend compte que le législateur de l’OHADA n’en donne aucune.

Il est dès lors possible de considérer qu’une telle définition est toute entière contenue dans la définition de la société donnée à l’article 4 de l’AUSC (Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE).

Aux termes de cet article, « la société commerciale est créée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent, par un contrat, d’affecter à une activité des biens en numéraire ou en nature, dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. Les associés s’engagent à contribuer aux pertes… »

On peut dégager de ce texte, les éléments essentiels du critère de la notion d’associé, à savoir ; la mise en commun d’apports et le droit d’intervention sociale.

I- Critères de l’associé

De l’article 4 précité, se dégageraient les éléments du critère de la notion d’associé : la pluralité d’associés, l’affectio societatis, la mise en commun d’apports et la vocation aux bénéfices.

1. Adopter le critère de la pluralité d’associés reviendrait à nier la qualité d’associé à l’unique membre d’une société unipersonnelle.

Supposer que la société est un contrat, donc un accord de volonté impliquerait la conjonction d’au moins deux volontés. La société serait alors une sorte de collaboration exigeant d’œuvrer avec une autre personne.(Vr A. VIANDIER « La notion d’associé »)

Ce premier élément serait difficile à retenir en tant qu’élément du critère de la notion d’associé du fait de l’existence dans de sociétés unipersonnelles comme la SARL ou la SA d’une seule personne.

La pluralité d’associé ne paraît donc pas être un élément pertinent de la notion d’associé, tant il est possible aujourd’hui dans l’espace OHADA d’être associé tout seul.

2. L’affectio societatis est traditionnellement énoncée comme un critère de la qualité d’associé.

D’ailleurs, les partisans de cette notion l’assimilent au consentement au contrat de société, assimilation se réclamant de la signification même du terme « affectio » qui désigne dans le Digeste, la faculté de vouloir, l’intention. (Vr P. DIDIER « La théorie contractualiste de la société » ; Revue de Sociétés, janv - mars 2000 P.95)

Pareil rapprochement ne prendrait pas toute la portée de la notion si on ne tient compte du fait que cette volonté de s’associer, si elle doit exister au moment de la formation du contrat de société, elle doit également perdurer au moment de son exécution.

La majorité des auteurs s’accordent aujourd’hui pour définir l’affectio societatis comme l’intention de s’associer (Vr La Commission de modernisation du langage juridique avec la circulaire française du 15 septembre 1977 ; JCP 1977 / P. SERLOOTEN ; Joly Sociétés Traité, V° EURL, spéc n° 23 / S. VACRATE « La société créée de fait : essai d’une théorisation » ; LGDJ 2003, spéc P. 258 / G. KESSLER « L’objectivation de l’affectio societatis » ; Rec Dalloz 2004 P. 1305).

Sans entrer dans les controverses concernant la notion, on pourrait s’aligner derrière la jurisprudence française pour définir l’affectio societatis comme la volonté pour un associé de collaborer activement, sur un pied d’égalité, à la gestion sociale ou pour y voir, pour le moins, une volonté d’union et d’acceptation d’aléas communs.

3. Si la mise en commun d’apports permet la constitution de la société, à l’inverse, la disparition ou la reprise des apports emporte la dissolution de la société ou manifeste la liquidation de celle-ci.

La mise en commun d’apports constituerait donc un élément indispensable pour l’acquisition de la qualité d’associé.

Mieux, selon RIPERT et ROBLOT, « l’associé apporte pour participer aux bénéfices » et POTHIER dans son traité sur le contrat de société, exprime aussi cette nécessité pour chacune des parties d’avoir vocation aux bénéfices. (Vr R. J. POTHIER « Traité du contrat de société » in Œuvres de Pothier, t 5, 1821)

Les associés s’engagent aussi à contribuer aux pertes, l’investissement étant marqué par l’espoir de gain mais aussi le risque de perte, ce qui constituerait le dernier élément essentiel de la qualité d’associé tiré de la définition du contrat de société donné par l'article 4.

De l’énumération qui précède, l’élément le plus pertinent et le plus illustratif semble être l’apport, auquel on pourrait ajouter comme le souligne le professeur VIANDIER, le droit d’intervention dans les affaires de la société.

II- L’apport et l’intervention dans les affaires sociales

En confrontant l’approche classique qui refléterait la position du législateur de l’OHADA dans la mesure où elle consiste à qualifier d’associé, celui qui apporte un bien tout en ayant vocation aux bénéfices en contribuant aux pertes et étant animé de l’affectio societatis, et l’approche moderne où l’associé est essentiellement le membre du groupement, l’accent étant mis sur les droits reconnus aux associés, il en ressort une approche intermédiaire fondée sur deux critères essentielles de la qualité d’associé, à savoir l’apport et le droit d’intervention dans les affaires sociales.

« L’apport et le droit d’intervention composent le critère de la notion d’associé. l’associé se définit autant par ses prérogatives que par son devoir fondamental (l’apport), ce qui incite à parler plus de statut que de la qualité d’associé ». (Vr A VIANDIER, « la notion d’associé » , op. cit P. 150 et 199)

1. L’apport est indispensable pour l’acquisition de la qualité d’associé. C’est cet apport qui rend compte des autres éléments du contrat de société.

L’associé a vocation aux bénéfices et est animé de l’affectio societatis parce qu’il est apporteur.
L’apport serait donc le seul critère classique utile au regard de la notion d’associé car il commande en effet tous les autres.

Il en découle alors une confusion entre qualité d’apporteur et qualité de partie au contrat de société.

En effet, l’article 4 précité dispose que les parties au contrat de société conviennent « d’affecter à une activité des biens… » alors que l’article 37 du même Acte Uniforme précise que « chaque associé est débiteur envers la société de tout ce qu’il s’est obligé à lui apporter… ».

Les associés sont donc présentés avec ces deux articles comme les parties au contrat, puisque ce sont eux qui conviennent d’affecter à une activité des biens. D’autre part, l’article 37 fonde l’assimilation entre associé et apporteur.

On peut dès lors en déduire que l’apporteur est partie au contrat de société. (Vr Doyen HAMEL « Quelques réflexions sur le contrat de société », mélanges DABIN, tomme II, P. 652)

D’ailleurs, pour le Professeur MATHEY, « il existe un point commun entre les associés véritables et les investisseurs : celui de réaliser un apport à la société. Cet apport est un investissement et cela suffit pour ne pas distinguer entre les investisseurs ». (Vr N. MATHEY ; Bull Joly sociétés, fév 2005, § 45, P 270, spéc . P 274)

Faut-il dans ces conditions prendre en compte comme critère l’affectio societatis ?

L’affectio societatis n’est pas une simple vue de l’esprit. Elle postule une communauté d’intérêts semblant rapprocher les hommes. Elle paraît même diminuer entre eux le degré d’altérité. Elle invite à lever les barrières de la méfiance réciproque et oblige une collaboration effective. (Vr M-A. MOUTHIEU NDJANDEU « L’intérêt social en droit des sociétés » ; thèse d’Etat, Université de Yaoundé II-SOA, mai 2006)

Selon le Professeur VIANDIER « c’est une notion marquée d’incertitudes, liées peut être à sa forte imprégnation psychologique ».

L’affectio societatis ne devrait donc pas être prise en compte car il est délicat d’en faire un critère essentiel. D’ailleurs, le Professeur WHAL soutenait déjà qu’ »à son avis, cette condition, qui dérive du droit romain, doit être rayée ». (Vr A. WHAL, Précis théorique et pratique de droit commercial, Sirey 1922, spéc n° 469)

Que dire de la vocation aux bénéfices ?

La vocation au bénéfice ne semble pas non plus être un critère déterminant. L’idée de gain s’est diluée au point d’absorber celle d’économie.

Cet élément n’est rien d’autre que la conséquence d’un autre critère qui est l’apport et peut donc être défini comme la cause de l’obligation de l’associé qui est d’apporter. ( Vr H. CAPITANT « De la cause des obligations » ; Thèse, Dalloz 2ed 1924, spéc n° 9)

2. Le droit d’intervention dans les affaires sociales serait alors le second élément de la notion d’associé.

Il engloberait le droit pour l’associé de demander des comptes aux dirigeants sociaux et de participer à la détermination des objectifs sociaux. (Vr D. SCHMIDT « Les droits de la minorité dans la société anonyme » ; thèse Paris, 1970)

« Le rapport issu d’un contrat de société, avec la collaboration qui en résulte, implique une ingérence, un contrôle étroit et une faculté de critique dans la manière dont s’accomplissent les affaires communes, c’est-à-dire un pouvoir d’intrusion. (Vr E. THALLER, note sous Req, 3 mars 1903, Rec Dalloz 1904, I, 257)

Ce droit d’intervention se manifeste concrètement par la réunion individuelle du droit de contrôle et du droit d’information.

L’article 125 de l’AUSC ne précise t-il pas que, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives.

En définitive on peut retenir que ces deux critères sont étroitement liés de sorte que l’apport modèle le droit d’intervention.

L’apport fournit la mesure du droit d’intervention en raison de l’application de la loi de la majorité, c’est ainsi que l’intervention d’un associé majoritaire aura plus de poids que celle d’un minoritaire.

En revanche, le droit d’intervention réfléchit sur l’apport, c’est ainsi qu’un droit d’intervention renforcé est de nature à conférer plus de valeur à un apport.