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15/11/2008

QUI REPRESENTE LA SOCIETE EN LIQUIDATION DES BIENS DANS L’ESPACE OHADA?

La liquidation des biens est une procédure collective, régie par l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, qui consiste en la saisie collective des biens du débiteur en état de cessation des paiements, qui seront réalisés en vue du paiement de ses créanciers placés sur un pied d’égalité.

En vertu de l’article 33 de l’Acte Uniforme, la liquidation des biens peut être ouverte soit immédiatement lorsque l’entreprise n’a pas d’espoir de se redresser, le débiteur n’ayant pas proposé un concordat sérieux ou qu’elle a cessé toute activité, soit à l’issue d’une période d’observation.

Dès le prononcé du jugement d’ouverture de liquidation des biens, le Tribunal nomme les organes de la procédure, notamment le mandataire à la liquidation ès qualité de liquidateur des biens, fonction exercée par le syndic.

Ce syndic est chargé de prendre en main toutes les opérations de réalisation de l’actif et d’apurement du passif, afin de désintéresser un maximum de créanciers. Il s’occupe entre autre de la gestion de l’entreprise défaillante pendant toute la durée de la liquidation.

En effet, les alinéas 2 et 3 de l’article 53 de l’Acte Uniforme énonce que le jugement qui prononce la liquidation des biens entraîne corrélativement le dessaisissement des pouvoirs du débiteur au profit du syndic qui sera chargé de représenter les droits et actions concernant le patrimoine du débiteur dessaisi pendant toute la durée de la procédure collective.

Lorsque le débiteur est une personne physique, l’application de cet article ne pose pas de difficulté dans la mesure où le débiteur est simplement remplacé par le syndic, chargé de le représenter dans ses droits et actions concernant son patrimoine. En revanche, ce dernier conserve ses droits propres, tels que les droits de recours contre les décisions, qu’il pourra exercer lui-même.

Or, lorsque le débiteur est une personne morale, le problème est tout autre. En effet, il convient de faire une application combinée des articles 53 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif et 200 – 6° de l’Acte Uniforme relative aux sociétés commerciales, prévoyant la dissolution de plein droit de la société en cas de liquidation des biens.

La société débitrice dissoute est donc dessaisie et à travers elle, les dirigeants sociaux, le conseil d’administration ou, le cas échéant l’administrateur générale.

Cependant, en vertu de l’alinéa 3 de l’article 201 de l’Acte Uniforme relative aux sociétés commerciales, la personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la clôture de celle-ci et aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés.

La société dispose encore de droits propres, notamment le droit de faire appel du jugement ouvrant ou prononçant la liquidation des biens, ou faire appel des décisions du juge commissaire.

Toute la problématique est alors celle de savoir qui est habilité à représenter la société dans ces diverses actions.

Comment pallier ce vide législatif occasionné par la cessation des pouvoirs des dirigeants sociaux dès le prononcé du jugement de liquidation des biens contre la personne morale ?

Pour tenter d’apporter une solution à cette problématique à mi-chemin entre le droit des sociétés et le droit des procédures collectives, il faudrait concilier les deux matières.

Il semble indispensable de remplacer les organes sociaux dessaisis et de nommer aux côtés du syndic qui est l’organe chargé de la procédure de liquidation des biens (I), un représentant de la société qui sera chargé de représenter les intérêts propres de la société débitrice (II).


I- LES EFFETS DE LA PROCEDURE DE LIQUIDATION DES BIENS SUR LA SOCIETE DEBITRICE: Le dessaisissement des organes sociaux

La liquidation des biens de la personne morale a pour conséquence immédiate la cessation des fonctions des organes sociaux qu’il serait impératif de remplacer pour combler l’absence de représentant de la société.

Du fait de la perte de leur mandat, les organes sociaux deviennent incompétents pour représenter la société en liquidation des biens qui se retrouve sans représentant pour exercer ses droits propres et défendre ses intérêts.

Comme nous l’avons déjà souligné précédemment, la cessation des pouvoirs des organes sociaux découle de la dissolution de plein droit de la société en liquidation des biens.

La société débitrice est dissoute par l’effet d’un jugement prononçant la liquidation des biens et la personnalité morale doit subsister pour les besoins de la liquidation.

Par conséquent, la société étant dissoute de plein droit, ses organes sociaux perdent leur pouvoir de gestion et la capacité de la représenter en justice pour la défense de ses droits propres.

C’est le syndic qui assure la gestion du patrimoine social et exerce les droits et actions qui y sont attachés. Il est donc incompétent pour exercer les droits propres de la débitrice et ne représente pas celle-ci dans les actions en justice qu’il peut engager au sens des règles de procédure sur la représentation.

Etant chargé de représenter les créanciers, on pourrait se retrouver très vite face à un conflit d’intérêts entre les droits des créanciers et ceux propres à la débitrice, s’il était chargé d’agir en lieu et place de la débitrice pour ses droits n’entrant pas dans son patrimoine.

Les organes sociaux sont eux aussi incompétents pour représenter la débitrice puisqu’ils ont perdu tous pouvoirs dès le prononcé du jugement prononçant la liquidation des biens.

La jurisprudence française estime d’ailleurs que le dirigeant social ne peut exercer aucune voie de recours si la société est en liquidation judiciaire, puisqu’elle est dissoute et le mandat des dirigeants sociaux de la personne morale débitrice a pris fin.

Dans de telles conditions, qui représente la société débitrice dans ses droits et actions, notamment quant à l’appel du jugement ouvrant ou prononçant la liquidation des biens, sachant que le délai pour exercer l’action est de 15 jours ?

En effet, dans le cadre du droit des sociétés et hors toute procédure collective, lorsque la dissolution de la société a lieu pour toute autre cause, les pouvoirs des dirigeants sont transférés à un liquidateur désigné par les associés ou par décision de justice.

Il revient à ce liquidateur de représenter la société puisqu’il est investi des pouvoirs les plus étendus pour réaliser l’actif, même s’il ne peut continuer les affaires en cours ou en engager de nouvelles que s’il y a été autorisé par décision de justice.

Cette solution est-elle transposable dans le cadre d’une procédure collective ?

En cas de liquidation des biens dans le cadre d’une procédure collective, la présence du syndic fait-elle obstacle à la désignation de ce liquidateur ?

La seule certitude qu’on puisse avoir à ce stade du raisonnement est qu’il est impératif de remplacer les organes sociaux dessaisi pour pallier l’absence de représentant de la société débitrice.

Il est indispensable de prendre en compte les intérêts de la société débitrice et d’assurer la relève de l’organe de gestion et de représentation.

En droit français, la Cour de cassation avait décidé que « si le débiteur est recevable à former un recours, il ne peut, s’agissant d’une personne morale dissoute (…), et dont le dirigeant est privé de ses pouvoirs à compter de la liquidation judiciaire, exercer ce droit que par l’intermédiaire de son liquidateur amiable ou d’un mandataire ad hoc ».

Le Professeur SOINNE constatait déjà qu’en cas de liquidation judiciaire, « dans la pratique quasi-générale, il n’est désigné aucun liquidateur au sens du droit des sociétés de sortes que pour l’exercice de ses droits propres la personne morales n’est plus effectivement représentée ».

C’est à partir de là que se créent des remous au confluent du droit des sociétés et du droit des procédures collectives.

Devraient ainsi cohabiter le liquidateur « sociétaire », nouvel organe social, et le syndic, organe de la procédure collective.

La nomination d’un liquidateur « sociétaire » ne serait pas incompatible avec celle du syndic. Au contraire, elle serait même nécessaire pour la représentation en justice de la société débitrice.

Le liquidateur « sociétaire » serait donc l’organe chargé de représenter la société, à défaut de représentation par ses dirigeants sociaux. Il pourra intenter les recours contre la décision de liquidation ou celle fixant la date de cessation des paiements et serait dès lors compatible avec le syndic.

Ce liquidateur « sociétaire » encore appelé, liquidateurs statutaire, ad hoc, de droit commun, spécifique ou amiable serait ainsi chargé de défendre les droits propres de la société. Son choix serait libre et il pourrait aussi bien s’agir d’un amateur, tel un ancien dirigeant, que d’un professionnel, comme un ancien syndic.

Quant à sa nomination, on pourrait imaginer qu’il revienne au syndic de convoquer et présider l’assemblée générale des associés qui en décidera.

Cependant, dans la pratique, un problème risque de se poser. En effet, comme nous l’avons précisé précédemment, l’article 221 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives impose un délai de 15 jours pour faire appel des décisions rendues en matière de liquidation des biens.

Or, il sera difficile, voir impossible de pouvoir réunir les associés et nommer le liquidateur « sociétaire » dans de si brefs délais. Cette difficulté laisse alors penser que la désignation du liquidateur « sociétaire » relève plutôt de l’utopie.

Faute d’intervention des organes de la procédure, il faudrait sans doute se reporter aux dispositions régissant le droit des sociétés commerciales, notamment à l’article 208 de l’Acte Uniforme, permettant une désignation par les associés ou par décision de justice à la demande de tout intéressé.

On peut toutefois s’interroger sur le fait de savoir si personne n’agit, qui représentera la société ?

L’article 226 de l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales répond à cette interrogation. En effet, il prévoit que la décision de justice qui ordonne la liquidation de la société doit désigner un ou plusieurs liquidateurs.

Les parties qui saisissent le juge doivent donc solliciter entre autre la désignation d’un liquidateur « sociétaire » et ne pas oublier que le juge ne statue que sur les demandes qui lui sont faites. Si personne ne le saisit pour qu’il en nomme un, pour quelles raisons devrait-il le faire ?

D’ailleurs il ne pourrait en être autrement, surtout que les magistrats estimeront que s’ils nomment eux-mêmes un liquidateur « sociétaire », cela laisserait supposer qu’il prononce la dissolution de la société alors que celle-ci découle de plein droit du jugement de liquidation des biens.

Les acteurs à la procédure de liquidation des biens de la société débitrice disposent donc d’une possibilité leur permettant d’obtenir la désignation d’un liquidateur « sociétaire ».


II- MISSION DU LIQUIDATEUR SOCIETAIRE : Représenter les intérêts propres de la société débitrice

L’article 53 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives dispose que le dessaisissement du débiteur se fait au profit du syndic et c’est à lui seul de gérer les droits et actions du débiteur sur son patrimoine.

Comment s’opèrerait donc la délimitation des pouvoirs entre le syndic, organe de la procédure et le liquidateur « sociétaire », organe social ?

Si les deux organes doivent cohabiter, leurs pouvoirs respectifs doivent être bien délimités afin de faciliter la coordination de leurs différentes actions.

En effet, l’article 53 précité ne prévoyant pas un dessaisissement total de la débitrice, la mission du liquidateur « sociétaire » sera limitée aux pouvoirs non transférés au syndic.

Pour mieux apprécier les pouvoirs du liquidateur « sociétaire », il est alors judicieux de circonscrire les missions du syndic.

Le syndic se substitue aux organes de direction qui ont perdu leurs pouvoirs de gestion et de représentation.

Il procède aux opérations de liquidation, établit l’ordre des créances et assure la répartition du produit de la liquidation des biens. En tant qu’organe de la procédure, il détient les sommes appartenant à la société débitrice, qui lui sont remises dans l’exercice de son mandat. Il lui revient également de vérifier le passif, et de dresser un inventaire. C’est à lui de poursuivre toutes les instances introduites avant le jugement de liquidation par la débitrice.

Après avoir dressé un inventaire des actifs et du passif de la débitrice, il procède aux opérations de liquidation en transformant en liquidité les biens et les créances composant l’actif, afin de désintéresser les créanciers, sous le respect de l’ordre qui leur est attribué par la procédure collective.

Quant au liquidateur « sociétaire », sa mission serait alors de représenter la société débitrice dans ses droits propres, jusqu’à la clôture de la liquidation des biens.

Il se substitue ainsi aux organes sociaux déchus de leur pouvoir et peut exercer seul, dans l’intérêt propre de la débitrice, sans l’assistance d’un organe de la procédure, les voies de recours contre les décisions de justice.

Il devrait assister à la procédure de vérification des créances devant le juge commissaire et c’est à lui qu’il revient de faire appel des décisions prises par ce dernier, il peut par exemple contester une créance qui a été jugé admissible, ou dont le montant lui paraît trop élevé…

Il lui reviendrait aussi, d’accomplir les opérations de liquidation interne qui ne serait pas exclusivement de nature patrimoniale.

Sa mission prendrait fin avec la clôture de la procédure, qui peut être prononcée pour insuffisance d’actif ou pour extinction du passif.

Cependant, une nouvelle difficulté peut apparaître en pratique si les droits et obligations à caractère social n’ont pas encore été entièrement liquidés.

Tout comme en droit français, l’on devrait admettre que la personnalité morale subsiste aussi longtemps que les droits et obligations sociaux ne sont pas entièrement liquidés.

On se retrouve alors à nouveau face au problème de l’absence de représentant de la société débitrice.

Il serait de ce fait nécessaire de remplacer le liquidateur « sociétaire » dessaisi et de nommer à sa place un mandataire ad hoc, qui sera désigné par le juge.

Ce dernier devra être chargé de prendre en compte les intérêts de la société débitrice jusqu’à la liquidation complète des droits et obligations sociaux.