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15/11/2008

REUSSIR LA REPRISE DU FONDS DE COMMERCE DANS L’ESPACE OHADA

La reprise du fonds de commerce s’inscrit dans le cadre plus général de la reprise d’entreprise.

On distingue aux côtés de la reprise du fonds de commerce, la prise de contrôle (le repreneur achète la majorité ou la totalité du capital social, soit 2/3 du capital de la SA ou ¾ du capital de la SARL qui représente la majorité aux assemblées générales extraordinaires), la reprise d’actif ou encore la location gérance (contrat permettant au propriétaire d’un fonds de commerce de céder à une personne, le locataire gérant, le droit d’exploiter ce fonds moyennant le payement d’une redevance).

La reprise du fonds de commerce représentera d’ici à quelques années dans l’espace OHADA la grande majorité des rachats d’entreprise.

Il sera surtout question principalement des commerces de métier (boulangerie, pâtisserie, charcuterie, salon de coiffure…) et « des autres commerces » (commerce de détail, hotel-café-restaurant).

I. Définition et composition du fonds de commerce

Le fonds de commerce est l’ensemble des biens mobiliers, corporels et incorporels, qu’un commerçant, affecte à une activité commerciale.

Au titre des éléments corporels, on peut citer : le mobilier commercial, le matériel et l’outillage servant à l’exploitation du fonds.

Parmi les éléments incorporels, on retrouve : les incorporels ordinaires (clientèle, droit au bail, nom ou enseigne commerciale) et les incorporels extraordinaires (les droits de propriété littéraire et artistique, les droits de propriété industrielle…)

Sont exclus de la cession du fonds de commerce : les immeubles (qui doivent être cédés par acte séparé), les créances et les dettes (transmises seulement si une mention expresse le prévoit dans l’acte de cession), les contrats liés à l’exploitation du fonds (exemple des contrats avec les fournisseurs) à l’exception du bail commercial, des contrats de travail, du contrat d’édition et des contrats d’assurance qui peuvent être cédés, les livres de commerce.

Quant aux licences et autres autorisations, il faut noter que certaines activités commerciales sont réglementées et ne peuvent être exercées qu’à la condition préalable d’obtenir une autorisation administrative ou une licence. Il existe 2 catégories de licences professionnelles :

Celles accordées en considération de la qualification professionnelle de l’exploitant du fonds de commerce et qui sont en conséquence cessibles (il suffit au repreneur de justifier de la même qualification que le vendeur – exemple : agence immobilière, agence de voyage, etc.)

Celles qualifiées de « réelles » parce qu’attachées au fonds de commerce et transmissibles de plein droit avec lui (licence de débit de boissons, etc.)

II. Spécificités de la reprise du fonds de commerce

La reprise d’un fonds de commerce présente des particularités qu’il ne faut en aucun cas ignorer.

A- Avant la signature du contrat de cession : Diagnostic environnemental et financier

1- Vérifiez les pouvoirs du vendeur :
Le vendeur doit démontrer qu’il a la capacité et le pouvoir de décider et de réaliser la vente du fonds de commerce. S’il est marié, il doit en outre justifier de son régime matrimonial et des droits de son conjoint.

Lorsque le fonds de commerce appartient à une société, la vente doit faire l’objet d’une autorisation préalable donnée par les associés réunis en assemblée générale extraordinaire et votant à la majorité requise pour les modifications statutaires.
Lorsque l’exploitant a chargé un tiers pour signer l’acte de cession en son nom, le tiers doit avoir un mandat exprès visant la nature de l’opération envisagée.

Lorsque le vendeur est marié, tout est fonction du régime matrimonial.
- En cas de communauté réduite aux acquêts, si le fonds de commerce a été acquis après le mariage, il est un bien commun et ne peut être cédé qu’avec l’accord du conjoint. Si au contraire il a été acquis avant le mariage, il est un bien propre et son propriétaire est libre d’en disposer.
- En cas de communauté universelle, le fonds de commerce est un bien commun et sa cession n’est possible qu’avec l’accord du conjoint.
- En cas de séparation de biens, le vendeur doit prouver qu’il s’agit d’un bien propre et alors librement cessible. Sinon, le fonds de commerce est présumé être un bien indivis et ne peut être cédé qu’avec l’accord du conjoint.

En cas d’indivision et de nue-propriété. Si le vendeur est mineur (autorisation parentale ou du juge des tutelles).

2- Vérifiez la bonne santé du lieu d’implantation du fonds de commerce :
Tous les emplacements commerciaux sont-ils utilisés ? Les devantures sont-elles attrayantes et les magasins bien agencés ? Essayer de rencontrer un responsable de l’association des commerçants, qui vous parlera du dynamisme de la zone géographique concernée. Renseignez-vous sur les dernières transactions qui ont été effectuées dans cette zone. Vérifiez le sens de la circulation de la rue (les automobilistes sont plus attentifs aux vitrines se trouvant sur leur droite) et renseignez-vous sur les éventuels travaux.

3- Analysez la concurrence : Recensez le nombre de concurrents et renseignez-vous sur les projets d’ouvertures d’activités similaires à la votre.

4- Analysez les perspectives d’évolution de la profession que vous envisagez de pratiquer : état du marché, tendances actuelles et perspectives

5- Analysez le Chiffre d’affaires (CA) :
- Si le CA est stable depuis quelques années, c’est sûrement que l’affaire a atteint son potentiel maximum. Une affaire bien située, avec une équipe dynamique peut présenter des résultats attrayants, mais ne perdez pas de vue que dans ce cas, vous pourrez bien ne pas être capable de développer l’activité et au contraire ne pas atteindre le CA maximum.
- Si les affaires sont à la hausse, demandez-vous toujours quelles sont les raisons de cette augmentation (événement exceptionnel, amélioration artificielle des résultats…)
- Pour l’évaluation du CA, servez-vous de la moyenne des recettes sur les 3 derniers exercices.

6- Analysez le bilan :
Le bilan est un outil précieux et indispensable. Mais sa complexité demande que vous faites appel à un conseil avisé (expert financier, expert comptable). Posez néanmoins les questions suivantes : les comptes présentés concernent-ils l’établissement à acquérir ? Quelle est la structure juridique de l’entreprise ? (car l’affichage du résultat varie entre une société et une entreprise individuelle) Quelle est la situation patrimoniale du vendeur ? A combien s’élève le fonds de roulement ? (pour faire face aux activités sur le court terme).

7- Vérifiez le matériel : Posez-vous la question de savoir si tout le matériel appartient au vendeur. Ce matériel est-il suffisant pour démarrer l’activité ou faut-il prévoir un investissement à court terme ?

8- La clientèle : Vérifier la diversité et l’effectivité de la clientèle et éviter les affaires dont la clientèle est restreinte à un groupe déterminé (association sportive par exemple).

9- La personnalité du vendeur : Vérifier le rôle que joue la personnalité du vendeur dans la bonne marche de l’affaire, les relations avec ses clients (important dans les petits commerces). Posez-vous alors la question de savoir si vous serez à la hauteur pour maintenir la clientèle. Vérifiez le comportement des salariés

10- Vérifiez la conformité de l’activité, de l’établissement et du matériel aux normes de sécurité et d’hygiène
11- Dégagez du temps pour faire un inventaire précis de chaque bien et ne vous fiez pas aux documents comptables
12- Pensez à faire figurer dans l’acte de cession votre droit d’utiliser l’enseigne

13- Analysez le bail commercial :
Bail spécialisé ou bail tous commerce ? L’affaire est-elle bien inscrite au Registre concerné ? La surface et le descriptif sont-ils conformes à la réalité ? Vérifiez la réalité des surfaces commerciales secondaires (terrasse, jardin, magasin…) si elles sont prévues dans le contrat.
14- Entourez-vous d’un conseil si vous reprenez des contrats dont le transfert conditionne l’activité : (franchise, bail…) Il est important d’obtenir l’accord de remplacement nécessaire. Exigez que la réalisation définitive de la vente soit conditionnée par cet accord

15- Le compromis de vente
C’est un contrat et il vaut vente à partir du moment où toutes les conditions suspensives seront levées. Il est donc impératif de bien négocier son compromis et de préciser toutes les conditions suspensives retenues.
- Obtention d’un prêt bancaire
- Réquisition d’état, urbanisme, activités réglementées
- Transfert du contrat de bail, etc.
NB1 : Prévoir dans le contrat (entre le compromis et la prise véritable du fonds de commerce), « une clause relative aux fournisseurs » qui organisera les modalités qui vont régir la présentation des fournisseurs
NB2 : Méfiez-vous des vendeurs qui font une présentation exagérée des qualités de leur activité
NB3 : Respectez la confidentialité sur les documents et informations que vous donne le vendeur afin de faciliter votre diagnostic

B- Le contrat de cession de fonds de commerce

1- Le point sur les créanciers du vendeur

En cas de vente du fonds de commerce, les créanciers du vendeur bénéficient d’une protection leur permettant d’obtenir le paiement de leur créance.
- L’opposition qui prolonge l’indisponibilité du prix de vente qui reste bloqué entre les mains du repreneur ou du séquestre
- La surenchère qui permet au créancier non satisfait du prix de vente, d’exiger que le fonds de commerce soit vendu aux enchères publiques à un prix supérieur
- Quant aux créanciers privilégiés, « la procédure de purge » permet au repreneur de régler directement le prix en partie ou en totalité, entre les mains des créanciers inscrits. Cette procédure est à l’initiative du repreneur afin de s’assurer que tous les créanciers ont bien été désintéressés.

2- Le contenu du contrat de cession : les différentes mentions

Les mentions obligatoires : En cas d’omissions ou d’inexactitude, la cession est nulle si l’acquéreur le demande, et s’il prouve que cette omission ou cette inexactitude a substantiellement affecté la consistance du fonds cédé, et s’il en résulte un préjudice.
- Les indications suivantes :
Identité des parties, origine et propriété du fonds de commerce, date et nature d’acquisition, état des privilèges, des nantissements et inscriptions grevant le fonds, énonciations des CA réalisés au cours des 3 derniers exercices et des bénéfices nets commerciaux, éléments relatifs au bail (date, durée, nom et adresse du bailleur et du cédant).
- Le prix
Réglez les questions de ventilation (prix des marchandises, prix du matériel et outillage, prix des éléments incorporels), de révision, d’indexation (indice du coût de la construction par exemple), de stipulation d’intérêts (taux d’intérêt respectant la réglementation de l’usure). Le prix doit être sérieux, réel et sincère (évitez la dissimulation d’une partie du prix, sinon responsabilité solidaire du vendeur et du repreneur pour le paiement de droits de mutation afférents à la partie dissimulé du prix)
- La situation et les éléments du fonds
- Le nom et l’adresse de l’établissement bancaire désigné en qualité de séquestre si la vente a lieu par acte sous seing privé

Les mentions facultatives
- Clause relative aux stocks (toujours préciser le stock maximal à reprendre)
- Clause de garantie de passif ou d’actif (important)
- Clause attributive de juridiction
- Clause d’arbitrage
- Clause de non-concurrence et de non-rétablissement
- Clause pénale
- Modalités de paiement

3- Les formalités consécutives à la cession

Ces formalités ont pour objet de rendre la cession opposable à l’administration fiscale et aux créanciers du vendeur. Leur non-respect peut avoir pour conséquences d’obliger le repreneur à acquitter une deuxième fois le prix du fonds. Elles doivent obligatoirement se dérouler dans l’ordre suivant :
- Dépôt en deux copies certifiées conformes par le vendeur et l’acquéreur au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier
- Publication à la diligence de l’acquéreur sous forme d’avis, dans un journal habilité à recevoir des annonces légales et paraissant dans le lieu où le vendeur est inscrit au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, dans un délai de 15 jours francs à compter de sa date, de l’acte constatant la cession
D’autres formalités sont à prévoir :
- La constitution d’un séquestre puisque les parties peuvent décider de nommer un tiers séquestre (notaire ou établissement bancaire) qui aura pour mission de garder le prix de cession et de recevoir toutes les oppositions et saisies des créanciers.
- L’indisponibilité du prix résultant du temps nécessaire à l’accomplissement des déclarations et publicités légales par le vendeur (si le repreneur paye avant ce délai, il risque en cas d’opposition des créanciers du vendeur, être obligé de payer une deuxième fois)
- Les formalités spécifiques complémentaires à l’Institut national de la Propriété Industrielle (INPI),

NB : Les créanciers de l’acquéreur ont un délai de 30 jours à compter du jour de parution de la publicité pour faire opposition. Si au terme de ce délai, aucune opposition n’a été notifiée au séquestre, celui-ci devra tenir le prix de vente à la disposition du vendeur.
En revanche, si une ou plusieurs oppositions sont notifiées pendant ce délai, le prix de vente ne sera disponible pour le vendeur que sur justification de la mainlevée de toutes les oppositions.

4- Les conséquences fiscales
- Le paiement des droits d’enregistrement
- Le paiement de la TVA sur le stock de marchandises

5- Les frais à prévoir par le repreneur
- Le prix d’achat
- Les droits d’enregistrement au Trésor public
- La publicité et le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier
- La notice d’urbanisme
- L’état des inscriptions
- Les frais d’emprunt et les garanties (nantissement, privilège du vendeur)
- Les honoraires de rédaction de l’acte
- La signification au bailleur de la cession effectuée par acte d’huissier
- Le prorata de la taxe professionnelle
- Les honoraires de régies pour la subrogation du bail
- Le dépôt de garantie
- Le loyer payé d’avance et les charges
Avantages de la reprise
- La montée en puissance du CA est plus rapide. On part avec un acquis
- Les prévisions d’activités sont plus faciles à faire et plus fiables
- Le repreneur bénéfice souvent d’un « tutorat » de la part du vendeur
Inconvénients de la reprise
- Le prix à payer est plus important et possibilité de vices cachés
- La reprise des salariés n’est pas souvent facile à gérer
- Surévaluation de l’affaire et difficultés possibles à reprendre de manière effective la clientèle