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15/11/2008

ENFIN, L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE SUR LA VOIE DE LA SECURISATION JURIDIQUE ET JUDICIAIRE DES ACTIVITES ECONOMIQUES: Il a fallu du temps

Face à l'universalisation des marchés et à la libéralisation des échanges, les pays africains n'ont pas vraiment eu le choix dans la négociation de cette mutation socio-économique.

Soit ils avançaient en rang disperser et subissaient les foudres de l'économie de marché et de la mondialisation, soit ils acceptaient de s'adapter en se regroupant pour former de grands ensembles dans l'espoir de rester dans la course.

Pour la plupart de ces pays, il fallait sans plus tarder, promouvoir la coopération et l'intégration économique régionale pour avoir une place dans un monde où on assiste de plus en plus à des regroupements de pays dans l'optique de créer des unions commerciale, monétaire et / ou économique.

C'est cette volonté de coopération qui a conduit les Etats africains depuis quelques années à se regrouper pour défendre les intérêts qui leurs sont communs.

Plusieurs regroupements géographiques ont ainsi être créés, parmi lesquels on peut mentionner: la CEPGL (Communauté Economique des Pays du Grand Lac), l'UDEAC (Union Douanière des Etats de l'Afrique Centrale) devenue la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire des Etats d'Afrique Centrale), l'UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine), la BAD (Banque Africaine de Développement), la BEAC (Banque Centrale des Etats de l'Afrique Centrale), la COBAC (COmmission Bancaire de l'Afrique Centrale), la BCEAO (Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest) et la BVRM (Bourse Régionale des Valeurs Mobilières), pour ne citer que ceux-là.

Mais cette volonté de coopération ne s'est pas arrêtée là. Un début d'intégration juridique a aussi vu le jour avec une harmonisation des législations sociales à travers la convention générale de sécurité sociale de l'OCAM (Organisation Commune Africaine et Malgache) et de la CIPRES (Conférence Interafricaine de PREvoyance Sociale), avec la création en matière d'assurance de la CIMA (Conférence Interafricaine sur les Marchés de l'Assurance) et la mise en place en matière de propriété intellectuelle de l'OAPI (Organisation de la Propriété Intellectuelle en Afrique).

Malgré tout ces efforts de regroupement, la situation économique des pays africains ne s'est pour autant pas améliorée et est restée assez préoccupante d'autant plus qu'on assiste depuis quelques décennies à un ralentissement des investissements sur le continent. Les opérateurs économiques étrangers ou même nationaux et les investisseurs ne donnant plus leur confiance au système juridique et judiciaire en place.


La corruption de tout le système judiciaire, l'imprévisibilité des tribunaux, l'absence de publication des décisions de justice, des décisions judiciaires contestables, des décisions en délibérées depuis plusieurs années, l'accueil des moyens dilatoires, les renvois à répétition, la lenteur des procédures, les difficultés d'exécution des décisions de justice, des législations disparates, hétérogènes et contradictoires, l'inadaptation des législations à l'évolution des affaires, la saturation des tribunaux avec des moyens matériels limités, la faible rémunération et le manque de formation des magistrats et auxiliaires de justice, et la liste est loin d'être close, ont laissé s'installer sur le continent une réelle insécurité juridique et judiciaire empêchant toutes activités économiques sérieuses.

Or, pour réussir une bonne intégration économique et encourager l'investissement, il fallait une législation répondant aux attentes des opérateurs économiques et des instruments juridiques à la hauteur de leurs ambitions.

Voilà les conditions dans lesquelles, les Etats africains, du moins francophones pour un grand nombre d'entre eux, ont créé le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Ile Maurice) l'OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires), entrée en vigueur depuis janvier 1998.

Cette organisation qui regroupe aujourd'hui plusieurs Etats africains (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo, RDC en cours d'adhésion) est sans doute l'une des plus importante sur le continent en matière d'intégration juridique et judiciaire.

Ses objectifs sont clairement précisés lorsqu'il s'agit de favoriser l'institution d'une communauté économique africaine, de promouvoir l'unité africaine afin de développer l'activité économique et de garantir la sécurité juridique et judiciaire au sein de la communauté.

Mais comment cette organisation compte-t-elle garantir cette sécurité aux activités économiques?

Pour obtenir cette sécurisation des activités économiques, l'OHADA a élaboré des instruments et mécanismes aptes à atteindre les objectifs qu'elle s'est fixée.

Pour garantir la sécurité juridique, l'OHADA a mis sur pieds un système qui porte déjà ses fruits et qui est axé essentiellement sur des organes chargés de veiller au bon fonctionnement juridique dans l'espace communautaire.

Tout d'abord, le Conseil des Ministres des Etats membres, chef d'orchestre de cette sécurité juridique, joue un rôle prépondérant dans l'élaboration des solutions à la problématique de la disparité des normes juridiques en matière de droit des activités économiques dans les différents Etats. Composé des membres de l'exécutif des pays concernés, cet organe a compétence pour agir dans la sphère législative en lieu et place des parlements nationaux. Mais il ne s'agit point d'un parlement communautaire à l'instar de l'union Européenne.

Ensuite, le Secrétariat permanant situé à Yaoundé (Cameroun) qui, rattaché au
Conseil des Ministres, est chargé de la préparation des Actes Uniformes en concertation avec les gouvernements des Etats-parties, de la coordination des activités et du suivi des travaux de l'organisation. Cet organe prépare le programme annuel d'harmonisation du droit des activités économiques et se charge de la publication dans le Journal Officiel de l'OHADA.

Enfin, pour encourager l'initiative économique et la fiabilité des normes juridiques des Etats membres, l'organisation par le truchement du Conseil des Ministres a élaboré un corps de règles communes qualifié d'« Actes Uniformes ».

Le Traité communautaire va ainsi régir, les règles relatives au droit des société et au droit commercial général, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d'exécution, au régime du redressement des entreprises et de la liquidation des biens, au droit de l'arbitrage, au droit comptable, au droit de la vente et des transports et certainement sous peu, au droit social et à la mise en place d'un cadre légal unifié des Télécommunications. L'objectif de ces différents textes reste la modernisation du système juridique qui passe par la rénovation du statut des entreprises, le renforcement des gages des créanciers et la mise en place de solutions adaptées aux entreprises en difficulté.

Quant à l'insécurité judiciaire, l'OHADA a créé deux institutions importantes devant permettre à moyen ou long terme d'y remédier efficacement.

D'une part, la mise en place d'une Ecole Régionale Supérieure de Magistrature située à Porto-Novo (Bénin), qui a pour but de former des magistrats et un personnel judiciaire capable de comprendre et d'appliquer le droit unifié. Cette institution joue un rôle non négligeable en ce qu'elle permet aux magistrats des Etats membres d'avoir une formation uniforme et d'acquérir ainsi une compétence homogène en droit des affaires. Le rôle de cette formation dans la lutte contre l'insécurité n'est plus à démontrer, tant elle répond aux attentes des protagonistes de l'activité économique sur le continent.

D'autre part, on ne peut manquer de souligner la création d'une structure très originale, qui est la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage situé à Abidjan (Côte d'Ivoire). Organe juridictionnel, supranational et d'arbitrage de la communauté, il a compétence pour connaître du contentieux sur les Actes Uniformes, sur l'interprétation et l'application du Traité et de ses règlements d'application. Il peut être saisi pour une demande d'avis, un pourvoi en cassation, une exception d'incompétence, une décision d'exéquatur, ou encore la nomination d'arbitre.

Voilà pour l'essentiel, les mécanismes et moyens mis en œuvre par les pays de la zone OHADA pour garantir la sécurité des activités économiques et rétablir la confiance des investisseurs à une époque où bon nombre de délocalisations se font au bénéfice du continent asiatique.

Il a fallu du temps, pour que ces différents mécanismes s'emboîtent entre-eux et que la machine soit aujourd'hui bien rodée.

A la question peut-on investir en sécurité de nos jours en Afrique, la réponse est oui, même si quelques réticences subsistent quant à l'instabilité politique dans certains pays.

On ne peut que souhaiter d'une part, que les autres pays africains rejoignent l'OHADA dans sa démarche et d'autre part, que les dirigeants africains passent de la simple volonté politique à une véritable motivation politique pour que cette sécurisation des activités économiques soit effective et définitive.