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19/03/2010

Le silence du Conseil d'Administration après l'augmentation par le DG d'une SA de l'espace OHADA, de sa rémunération vaut-elle approbation ?

Le silence du Conseil d’Administration après l’augmentation par le Directeur Général d’une SA de l’espace OHADA, de sa rémunération vaut-elle approbation de la mesure prise ?

En l’espèce,

Monsieur X s’est vu confié en date du 2 janvier 2008, le poste de Directeur Général de la Société Anonyme de Lomé, responsabilité qu’il a assumé jusqu’en février 2010.

Entre 2008 et 2009, Monsieur X a procédé à la constitution de provision de charges de personnel pour ce qui concerne le poste de Directeur Général le tout répertorié dans les comptes de la société.

Le Conseil d’Administration de la Société Anonyme de Lomé envisage d’annuler lesdites charges, se fondant en cela sur le fait que Monsieur X a agit sans se référer à lui et sans aucune autorisation ni en amont ni en aval de la décision prise.

Il est de principe de reconnaitre qu’il est du ressort du Conseil d’Administration de déterminer les modalités et le montant de la rémunération du Directeur Général dans le cadre des sociétés anonymes.

L’Acte Uniforme relatif aux sociétés commerciales et du GIE précise et affirme ce principe sans aucune ambigüité en son article 490.

C’est donc à raison que le Conseil d’Administration de la Société Anonyme de Lomé pourra solliciter l’annulation de la constitution de provisions de charges du Directeur Général sans son autorisation préalable.

Cependant, la solution n’est en réalité pas si évidente qu’elle le parâit.

I- Le Conseil d’Administration d’une SA de l’espace OHADA peut-il solliciter en 2010, l’annulation de décisions prises par le Directeur Général entre 2008 et 2009 et dont il est censé avoir eu connaissance ?

Le rapport de gestion, présenté lors des assemblées générales annuelles tout comme les procédures de contrôle interne, rendent généralement compte de la gestion de la société et surtout des rémunérations totales et des avantages de toute nature versés durant l'exercice social à chaque mandataire de la société et aux dirigeants sociaux.

Le Conseil d’Administration de la Société Anonyme de Lomé aurait donc normalement eu connaissance de la décision prise par le Directeur Général quant à la rémunération en cause, de sorte que son silence pendant deux années vaudrait approbation.

II- Le silence du Conseil d’Administration ne peut-il pas s’analyser comme une réunion d’approbation tacite et à postériori de la décision d’ « auto-rémunération » du Directeur Général ?

L’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales se contente de préciser que c’est au Conseil d’Administration de déterminer la rémunération du Directeur Général et la jurisprudence de l’espace OHADA n’apporte pas plus de précision sur la question.

En revanche, en se référant à une jurisprudence française constante et bien établie, le Conseil d’Administration d’une société anonyme a une compétence exclusive pour déterminer la rémunération du Directeur Général et ne peut ratifier la décision du dirigeant social qui, sans obtenir préalablement une décision du conseil, s’est alloué une rémunération.

Cass. Com 30 nov 2004, N° Pourvoi 01-13216
Cass. Com 4 juil 1995, N° Pourvoi 93-17969
C. E 6 avril 2001, N° 198233

Il en ressort que, la compétence du Conseil d’Administration est exclusive et préalable de sorte qu’aucune ratification expresse ou tacite n’est possible à posteriori.

Cass. Com 15 déc 1987, Bull Joly 1988 P. 80

D’ailleurs, le juge fiscal français dans des circonstances de faits similaires au cas de notre espèce, avait pris en compte le fait que la rémunération du Président n’ait pas été régulièrement approuvée par le Conseil d’Administration pour en refuser la déductibilité à la société versante.

C. Appel Bordeaux 10 avr 2001, RJF 8-9/2001 n° 1046

A la lumière de la jurisprudence française, le silence observé par le Conseil d’Administration de la Société Anonyme de Lomé ne pourrait donc s’analyser que très difficilement comme une ratification tacite et à postériori de la décision prise par Monsieur X, qui pour être valide, devrait nécessairement être approuvée au préalable et de façon exclusive par le Conseil.

LA PROCEDURE DE DATA ROOM EN OHADA

LA PROCEDURE DE DATA ROOM EN OHADA

La mise en place d'une procédure de data room par une société peut intervient dans l’espace OHADA dans de nombreux cas de figure tels que des cessions d’actifs ou des fusions.

Cette procédure qui intervient très généralement à la quatrième étape de la phase dite d’ « auction bid » ou enchères privées ouvrent à un ou plusieurs acquéreurs potentiels l’accès à une somme assez considérable de documents contenant des informations de toute nature sur la société ou les actions à céder.

Or, certaines informations sont protégées par des secrets notamment le secret industriel (brevets) et commercial (clients), d’autres sont sensibles, c’est-à-dire susceptibles d’avoir une influence sur la valeur de l’actif (comptes non encore publiés, états prévisionnels, plan de développement, négociations en cours…).

En raison du caractère confidentiel des informations ainsi communiquées, pour les besoins exclusifs d'une transaction entre tiers, et de l’accès privilégié qui y est réservé, la procédure de data room doit être sécurisée pour préserver les intérêts des actionnaires et le respect des principes fondamentaux que sont l'égalité d’accès à l’information des investisseurs et l’interdiction d’exploiter des informations privilégiées.

En effet, à notre connaissance, pour l’ouverture d’une data room, nombre de législations des Etats membres de l’OHADA n’ont prévu aucun formalisme juridique particulier.

Dès lors, c’est très souvent que c'est à l’entreprise cible, sur les recommandations généralement de ses conseils et parfois même à la demandes des candidats potentiels repreneurs, de décider des éléments qu’elle tiendra à disposition pour la data room.

Très souvent, ceux-ci s’articulent autour de 5 axes (les informations financières et fiscales, les informations sociales, les informations commerciales, les informations juridiques, les informations réglementaires et environnementales).

Une fois, ces éléments listés, un index précisant notamment la date des documents est élaboré et communiqué aux acquéreurs potentiels, accompagné du règlement de la data room.

La principale règle réside dans l’interdiction d’emporter ou de reproduire les informations, même si la recopie ou la saisie sur un ordinateur portable est acceptée.

A notre avis, nonobstant l'absence d'encadrement tant légal que jurisprudentiel, la data room doit être organisée avec professionnalisme, loyauté et respect de l'intérêt des différents candidats.

Par ailleurs, le respect des principes fondamentaux qui régissent le droit des sociétés en OHADA veut que l’information au sein de la data room soit soumis à un engagement de confidentialité avec une égalité de traitement des candidats.

La mise en place d'engagements de confidentialité destinés à prévenir la divulgation et l'exploitation d'informations privilégiées est nécessaire et même indispensable.

Il faut également proscrire tous les cas d'utilisation ou de transmission de ces informations à d'autres fins que pour les besoins de l'opération projetée, et, d'autre part, que les candidats s'engagent à ne pas utiliser ultérieurement ces informations dans l'hypothèse où l'opération n'aurait pas lieu et ce, tant que lesdites informations ne sont pas rendues publiques.

Pour ce faire, il n’est pas inenvisageable de prévoir la rédaction de lettres d’intention préalablement à l’accès de la data room, de sorte à ce que celle-ci intervienne le plus tard possible dans le processus d’acquisition des actifs ou de la fusion, selon les cas.

12/03/2010

Du droit d'auteur sur l'oeuvre architecturale en OAPI "Observations à la lumière des droits issus de la civil law"

DU DROIT D’AUTEUR SUR L’ŒUVRE ARCHITECTURALE EN OAPI :
« Observations à la lumière des droits issus de la civil law »


Après cinquante années d’indépendance, la plus part des Etats africains ont décidé de refaire peau neuve. On assiste dans des pays à l’instar du Mali, du Sénégal, du Bénin ou même de la Guinée Equatoriale à une forte progression du développement qui se matérialise avec la réalisation d’ouvrages de plus en plus nombreux, modernes et sophistiqués tels que des ponts, des échangeurs, des hôpitaux, des marchés ou des aéroports pour ne citer que ceux là.

Or, les créations relevant du domaine de la construction ont un impact sur le « milieu environnant », de sorte que les constructions, tant publiques que privées, doivent être contrôlées, réglementées et suivre un certain nombre de règles juridiques.

Il est alors impératif dans un tel contexte de mutation, de s’interroger à nouveau sur les droits des auteurs de ces œuvres architecturales, pour en fixer le cadre et déterminer le contenu.

Dans la pratique, la réalisation de ces différentes œuvres de l’esprit ne se fait pas toujours sans difficulté.

C’est très souvent à cette occasion que des conflits prenant leur source entre le moment où le projet de construction est conçu et celui où l’ouvrage est réalisé, peuvent opposer les différents acteurs (l’architecte auteur de l’œuvre, ses collaborateurs, ses salariés, le maître d’ouvrage propriétaire de la construction, ses ayants droits, le maître d’ouvrage délégué, le maître d’œuvre, l’entrepreneur et même le cessionnaire-acquéreur de l’ouvrage ou des droits patrimoniaux sur l’ouvrage).

Ces désaccords dépassent assez largement souvent le champ de compétence des juridictions judiciaires et donc du droit privé et concernent tout autant les juridictions administratives et le droit public, tant dans la plupart des cas il s’agit de marchés publics.

Les mésententes sont donc multiples, de nature différente et ne sauraient être traitées de la même manière ne serait-ce que parce que les objectifs des différents acteurs divergent en principe, ou encore parce qu’un projet d’architecture de bâtiment et un projet urbain n’ont ni la même échelle, ni le même objet, encore moins la même formalisation.

Les contentieux qui se développent de plus en plus notamment en matière de construction et de travaux publics prennent leur source dans le fait que les différents protagonistes ne maîtrisent qu’assez peu, l’étendue de leurs droits, obligations et responsabilités respectifs.

En effet, il semble qu’il faille au préalable repréciser les linéaments de certaines notions.

Si l’œuvre de l’esprit est le terme légal pour désigner les différentes formes de créations humaines (telles que, par exemple, les livres, les écrits de toute nature, les conférences, les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, les œuvres de peinture, d’architecture, de sculpture, les photographies, les cartes géographiques, les plans, les croquis, les logiciels, les bases de données, les sites internet, etc), le droit d’auteur s’attache à la forme d’expression et non au fond, au « contenant » et non au « contenu », de sorte que s’agissant par exemple d’un roman, ce n’est pas le thème de l’histoire qui est protégé par le droit d’auteur, mais la façon dont elle est racontée, narrée.

C’est l’Annexe VII de l'Accord de Bangui du 2 mars 1977 instituant l'Organisation Africaine de la Propriété intellectuelle (OAP[]I) qui fixe et détermine les contours de la notion de droit d’auteur.

Ce texte définit la notion comme étant l’ensemble des prérogatives exclusives dont dispose un auteur ou un ayant droit sur une oeuvre de l'esprit.

Le droit vise donc à rendre l'œuvre de l'esprit exclusive, en octroyant à l'auteur un monopole d'exploitation sur sa découverte.

L'auteur peut ainsi légalement interdire d'utiliser les œuvres dont il détient les droits et il lui est alors possible de vendre des autorisations d'utilisation.

Le principe de la protection par le droit d’auteur est fixé par l’article 4 alinéa 1er de l’Annexe VII du texte susvisé qui précise que « l’auteur de toute œuvre originale de l’esprit, littéraire et artistique jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création d’un droit de propriété incorporelle, exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial (…) »

L’œuvre de l’esprit bénéficie donc de la protection du simple fait de sa création sous la seule réserve de son caractère original (I). Même si des difficultés peuvent apparaître lors de la désignation de l’architecte titulaire du droit d’auteur sur l’œuvre architecturale (II), il est important de préciser que ce dernier est investi d'un droit aux attributs moraux et patrimoniaux (III) qui peuvent entrer en conflit avec les droits du propriétaire de l'ouvrage (IV).

L’affirmation selon laquelle l’auteur de l’œuvre architecturale a un droit exclusif sur son œuvre, devrait alors guider les tribunaux de l’espace OAPI s’ils sont en présence d’une situation qui n’est pas visée explicitement dans d’autres dispositions particulières du texte. En d’autres termes, le catalogue des droits particuliers dressé suite à l’Accord de Bangui ne serait pas limitatif[1].

I- DE LA NATURE DES ŒUVRES PROTEGEES

L'architecte dispose d'un droit d'auteur sur l'œuvre architecturale, ainsi que sur les plans, croquis et maquettes qui en sont le corollaire comme il en ressort d’ailleurs de l’article 5-viii du texte susvisé.
La loi vise ainsi toutes les œuvres d’architecture, à la fois la construction d’édifices publics ou privés et les constructions relevant du génie civil, comme les ponts, les autoroutes, les tunnels ou tranchées couvertes, les canaux, les parcs publics, les installations sportives (stades)…

Seraient alors protégés, non seulement, les plans, croquis et maquettes conçus par l'architecte mais mieux encore, les édifices eux-mêmes dès lors qu'ils présentent un caractère original.

En revanche, il semble que ne sont point protégées par le texte susvisé, les œuvres architecturales sans caractère particulier ou original, qui sont la reproduction banale des types d'édifices largement répandus à travers l’espace OAPI.

Ont ainsi par exemple été considérés par la jurisprudence française[2] comme œuvres protégées, un bâtiment dont la partie centrale est surmontée d'une verrière monumentale servant de hall de circulation et de lieu de repos[3], une maison d'habitation ayant fait l'objet de publication dans des revues d'architecture durant la période de sa création[4], des plans et dessins originaux concernant un agencement de vitrines et des systèmes particuliers d'éclairage destinés à s'intégrer dans le cadre spécifique d'une architecture déterminée[5], des constructions telles que piscines et centres aquatiques ou ludiques[6] ou encore des travaux de restauration et de réaménagement dès lors qu'ils ne relèvent pas de la seule nécessité mais traduisent un choix esthétique spécifique et confèrent à l'ensemble réalisé un caractère original[7].

Le droit d’auteur protègerait toutes les œuvres de l’esprit, quel qu’en soit le genre, le mérite ou la destination, la seule condition étant que leur forme soit originale[8].

Le seuil d’originalité requis serait relativement faible, puisque, pour être qualifiées d’œuvres de l’esprit, il suffit que les créations portent « l’empreinte de la personnalité » de leur auteur, c’est-à-dire qu’elles soient susceptibles d’une forme d’expression différente en fonction de leur auteur.

Ainsi, toutes les innovations dont la forme n’est pas dictée par la contrainte[9] et laisse une certaine marge à l’arbitraire seraient qualifiées d’œuvres de l’esprit et protégeables par le droit d’auteur.

Si une œuvre est donc protégée, quel qu’en soit le mérite, dès lors qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur, tel n’est par exemple pas le cas de travaux de sculpture ornant des bâtiments, du fait qu’ils « ne procédaient que d’une simple répétition ou accumulation de motifs ornementaux et de la faible qualité de l’exécution, dépourvue de toute vision d’ensemble »[10].

Egalement, les idées ou concepts ne seront pas protégés en tant que tels, seule la « forme originale sous laquelle ils sont exprimés » ouvre droit à protection. La Cour de cassation française avait décidé dans ce sens en estimant qu’un architecte d’intérieur ne pouvait revendiquer la propriété intellectuelle d’aménagements types de magasins sur la base de prescriptions et dessins généraux ne comportant pas d’«indications suffisamment concrètes et précises »[11].

D’ailleurs, cette même juridiction avait également refusé la protection à des plans consistant en la simple traduction graphique de calculs purement théoriques et structurels[12].

En effet, les plans qui ne « sont que la traduction graphique de calculs théoriques et l’application simple de règles techniques et de lois physiques » ne sont pas protégés par le droit d’auteur[13].

L’œuvre architecturale doit être le fait d’une conception intellectuelle hors série, l’architecte n’étant pas protégé par la loi qu’en tant qu’artiste créateur de formes et non en tant qu’ingénieur employant des procédés purement techniques[14].

Dans le même ordre d’idée, il avait également été jugé que les plaquettes d’un architecte répondant aux conditions posées par une circulaire du ministère du logement et le plan de masse déposé par lui ne présentent pas les caractères d’une œuvre originale[15].

Quid des droits d’auteur de l’architecte sur un projet ?

Le droit d’auteur s’attache à un bien immatériel, et le bâtiment construit n’est qu’un exemplaire de ce bien.

La protection légale commence déjà à l’esquisse, à l’avant-projet, pourvu qu’on puisse y déceler une individualité. A fortiori un projet complet en bénéficiera-t-il aussi. Les problématiques de droit d’auteur les plus importantes dans ce cadre peuvent paraitre de deux ordres :

ü Comment un architecte peut-il se protéger contre la reprise d’un projet ou d’une esquisse de solution lorsqu’un contrat n’a pas été formellement conclu ?
ü Quels sont les droits d’un architecte avec lequel un contrat a bien été conclu, mais auquel le maître de l’œuvre préfère un second architecte pour l’exécution du projet ?

1) En l’absence de contrat

Comme l’avait fort justement précisé le Pr François DESSEMONTET, « il convient de rappeler que le droit d’auteur accorde exclusivement à l’auteur le droit d’autoriser la reproduction de l’œuvre. Il s’agit d’un droit absolu, qui est donc valable envers tout tiers, à la différence par exemple des droits portant sur les secrets de fabrication ou les procédés techniques confidentiels. Par conséquent, en l’absence d’un contrat, tout tiers devra s’abstenir de construire selon un avant-projet ou une esquisse qui parviendrait à sa connaissance ».

Un contrat pourrait bien intervenir pour légitimer l’usage du projet ou de l’esquisse. C’est dire que la charge de la preuve quant à l’existence du contrat et à son contenu pèse sur l’utilisateur. Le transfert de ces ébauches de solutions n’emporte pas nécessairement le droit de les employer telles quelles. C’est en tout cas le sens de la jurisprudence française[16] et allemande[17], tout comme la position de la doctrine suisse[18].

Mais alors comment faire lorsqu’on sait généralement que c’est par voie d’actes concluants que se forme le contrat emportant autorisation de l’architecte d’utiliser les plans ou l’esquisse ?

Comme nous l’avons précédemment précisé, l’Accord de Bangui sur le droit d’auteur protège la création intellectuelle dans tous ses états (esquisse, brouillon ou solution détaillée, même non fixée par écrit).

Un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris avait protégé le concept original d’un architecte auquel un maître de l’œuvre s’adressait afin de gagner de la place dans un hôtel particulier qui devait être restauré à Neuilly-sur-Seine; une simple esquisse démontrait qu’on pouvait y parvenir en plaçant la cage d’escalier dans une colonne translucide à l’extérieur du bâtiment et en rehaussant le toit par des fenêtres à la Mansard. Toute sommaire qu’elle fût, cette esquisse, mise en plans et exécutée par un autre architecte, fondait un droit d’auteur en faveur de l’architecte consulté[19].

En l’espèce, un propriétaire d’immeuble s’était adressé à un architecte, lui demandant une solution pour augmenter l’espace intérieur de son bâtiment. L’architecte lui a transmis une esquisse, et à fixé ses honoraires à 12.000 francs. Alors qu’aucune réponse ne lui était parvenue, il a constaté en passant plus de deux ans plus tard sur les lieux, que l’immeuble avait été rénové selon l’implantation des escaliers et le rehaussement du toit tel qu’il l’avait préconisé. Saisi de l’affaire, la Cour d’Appel de Paris avait considéré qu’aucun contrat n’était intervenu entre les parties, de sorte que le propriétaire de l’immeuble ne pouvait justifier d’une autorisation de l’architecte pour l’utilisation du plan. Le délit de contrefaçon était constitué et l’architecte fut dédommagé à hauteur de 50.000 francs, soit environ quatre fois le montant des honoraires qu’il avait proposés.

2) En présence de contrat

Toute la question à ce niveau de la réflexion est celle de savoir quels droits un architecte peut-il faire valoir contre l’usage de ses plans par un autre architecte auquel on confie la suite des travaux ?

La supervision des travaux de réalisation d’une œuvre architecturale est généralement la seule garantie d’une exécution fidèle des travaux, de sorte que, du point de vue de l’auteur, il n’est pas satisfaisant qu’un autre architecte ait le droit d’achever son œuvre.

Il semble qu’il faille considérer le contrat de l’architecte comprenant la préparation des plans et l’exécution des travaux comme un contrat de mandat, la révocation étant possible à tout temps.

Or, toute autorisation accordée dans le cadre d’un contrat de mandat est censée être donnée sous condition résolutoire.

Dès lors, en permettant l’exécution de son projet, l’architecte aurait exercé son droit d’autoriser, donnant ainsi la possibilité au maître d’œuvre acquérir alors et ce, de façon définitive, le droit d’exécuter l’œuvre.

L’architecte ne pourrait plus en principe interdire la construction alors que la réalisation de l’œuvre ne lui a pas été confié jusqu’à la fin.

Si on peut admettre avec Monsieur PEDRAZZINI[20] que l’architecte ne devrait pouvoir s’opposer à l’achèvement de ses plans par un tiers lorsque cet architecte est responsable de la résiliation du contrat, en revanche lorsque cette résiliation ne lui est pas imputable il pourrait en interdire l’emploi lorsque les travaux n’ont pas encore débutés. Au cas où les travaux ont été entrepris, l’architecte ne pourrait s’opposer à leur continuation sur la base de ses plans.

A titre d’exemple, la Cour d’Appel de Pau a considéré que, dès lors que les plans du bâtiment de l’architecte second reprennent les éléments originaux d’un plan-masse initial, pour les intégrer dans le projet architectural d’ensemble, l’autorisation du premier architecte est nécessaire et l’œuvre seconde est qualifiée d’œuvre composite[21].

II- DE LA TITULARITE DES DROITS

L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit des droits d’auteur sur celle-ci du seul fait de la création. Dès le moment où une œuvre est suffisamment formalisée, qu’elle peut être distinguée d’une idée ou d’un concept, son auteur devient automatiquement titulaire d’un droit de propriété exclusif et opposable à tous.

Si la protection conférée par le droit d'auteur est valable erga omnes, il convient alors de s’interroger sur la titularité des droits qui se rattachent à l'œuvre.

La désignation de la personne ou des personnes titulaires du ou des droits d'auteur n’est pas sans difficulté.

En principe, le titulaire originaire des droits d’auteur sur une œuvre est l’auteur de cette œuvre, c’est-à-dire la personne physique qui a fait un apport personnel dans le processus de création de l’œuvre.

Aux termes de l’article 33-1 du texte susvisé, « afin que l’auteur d’une œuvre soit, en l’absence de preuve contraire, considéré comme tel et, par conséquent, soit en droit d’intenter des procès, il suffit que son nom apparaisse sur l’œuvre d’une manière usuelle ».

L'auteur est donc d'abord la personne physique qui a créé l'œuvre, puisque l'œuvre est l'expression de la personnalité de l'auteur. Il s'agit là d'une présomption simple puisque l'œuvre architecturale peut être une œuvre collective dont les droits appartiennent à ou aux architectes qui ont élaboré la conception d'ensemble et/ou coordonné la conception de détail.

1) Les œuvres collectives dont les droits appartiennent ou pas aux architectes

L'œuvre architecturale est généralement divulguée sous le nom des architectes qui ont signé le permis de construire, dont le nom figure sur les plans et qui en sont ainsi présumés auteurs.

Ni leurs collaborateurs, ni leurs employeurs ne sont titulaires des droits d'auteur, cela même dans le cas d'une participation importante d'un architecte collaborateur à l'exécution de travaux, dès lors que la part prise par lui à l'élaboration de l'ouvrage s'est fondue dans l'ensemble, sans qu'il soit possible de l'en détacher.

Il avait ainsi été jugé en France que, constituaient des œuvres collectives des constructions édifiées sous la direction d'une SCP d'architectes, à la suite de commandes émanant de maîtres d'ouvrage, sur des plans élaborés à son initiative et en son sein par des professionnels salariés de la société ou indépendants rémunérés par elle, dès lors que les apports de chacun se sont fondus dans l'ensemble en vue duquel elles ont été créées, sans qu'il soit possible, en l'absence de participation de tous à la conception dudit ensemble, de leur reconnaître un droit indivis sur cet ensemble[22].

En revanche, le juge français avait également considéré comme des œuvres collectives dont les droits n'appartenaient pas aux architectes :

- une maison créée à l'initiative d'une société qui l'a divulguée et commercialisée sous son nom, résultant de la contribution d'un auteur du projet architectural et d'un auteur des plans d'exécution du projet[23] ;

- un parc d'attractions pour lequel une personne morale a eu un rôle moteur d'initiative, de coordination et de direction, la contribution des architectes s'inscrivant dans une démarche collective[24].

2) Les œuvres architecturales de collaboration

L'œuvre architecturale peut constituer une œuvre de collaboration.

Aux termes de l’article 29 du texte susvisé, « les coauteurs d’une œuvre en collaboration sont les premiers cotitulaires des droits moraux et patrimoniaux sur cette œuvre. Toutefois, si une œuvre de collaboration peut être divisée en partie indépendantes c’est-à-dire si les parties de cette œuvre peuvent être reproduites, exécutées ou représentées ou utilisées autrement d’une manière séparée, les coauteurs peuvent bénéficier de droits indépendants sur ces parties, tout en étant des cotitulaires des droits de l’œuvre de collaboration considérée comme un tout ».

Il en ressort qu’une œuvre de collaboration est une œuvre à la création de laquelle plusieurs personnes ont concouru ensemble. Elle est la propriété commune des coauteurs, quelle que soit l’importance de leur apport respectif, de sorte que les décisions concernant l’exploitation de l’œuvre doivent être prises à l’unanimité et à défaut d’accord, nécessite la saisine du tribunal compétent.

Le régime de l’unanimité n’est donc pas absolu, puisqu’une action en justice en défense des droits patrimoniaux communs pourrait être décidée par un seul des cotitulaires, à condition toutefois d’appeler les autres dans la cause.

Cependant, nonobstant la propriété commune, lorsque la contribution des auteurs relève de genres différents, chaque coauteur pourrait bien exploiter séparément sa propre contribution, sans porter préjudice à l’exploitation de l’œuvre commune.

L'œuvre architecturale peut constituer une œuvre de collaboration généralement lorsque deux architectes ont concouru, notamment au stade du dossier d’appel d’offre, à la préparation d’une offre technique.

Dans ce sens, il avait été par exemple décidé qu’était une œuvre architecturale en collaboration, la préparation d’un « dossier consultation entrepreneurs » pour l'agencement d'une vitrine et de son éclairage, l'un des architectes ayant rédigé le cahier des charges techniques particulières, l'autre ayant établit les plans[25].

3) Les œuvres architecturales collectives

L’article 30 du texte susvisé précise que « le premier titulaire des droits moraux et patrimoniaux sur une œuvre collective est la personne physique ou morale à l’initiative et sous la responsabilité de laquelle l’œuvre a été créée et qui la publie sous son nom ».

Une œuvre architecturale sera donc collective dès lors qu’elle est créée à l’initiative d’une personne physique ou morale qui, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom, et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé.

Dans ces conditions, l’œuvre architecturale collective devient alors la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée, qui est alors titulaire des droits d’auteur sur l’œuvre.

D’ailleurs, c’est le seul cas où une personne morale peut se trouver investie des droits d’auteur ab initio.

La cour d'appel de Paris dans un arrêt rendu en date du 25 février 1988 avait considéré qu'il n'y avait pas œuvre collective mais deux œuvres séparées dans un cas où le maître d'œuvre avait sous-traité auprès d'un architecte la conception de l'architecture intérieure d'un restaurant, au motif que « l'architecte a eu de fréquents contacts avec le maître de l'ouvrage durant l'accomplissement de sa mission, a exécuté sa mission en toute indépendance à l'égard du maître d'œuvre qui n'a exercé aucun contrôle sur la conception de l'architecte (…) » .

III- DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’AUTEUR SUR L’ŒUVRE ARCHITECTURALE

Les droits d’auteur de l’architecte ne s’épuisent pas avec la construction ou la réalisation de l’ouvrage.

L’ouvrage n’est en fait que l’expression physique de l’œuvre conçue et réalisée. Il aura peut-être plusieurs propriétaires, ce qui rend illusoire la plupart des clauses contractuelles qui viseraient à préserver l’intégrité de l’œuvre architecturale.

Comme nous l’avons précédemment indiqué, l’auteur de toute œuvre architecturale jouit sur cette œuvre d’un droit de propriété qui comporte des attributs d’ordre moral et des attributs d’ordre patrimonial.

1) La protection des droits moraux

L’architecte jouit sur son œuvre de droits moraux.

D’après les dispositions de l’article 8 du texte susvisé, l’architecte a le droit de revendiquer la paternité de son œuvre en faisant porter la mention de son nom sur l’œuvre, qu’il s’agisse des plans ou de l’édifice lui-même.

La Cour d’Appel de Paris avait d’ailleurs jugé dans un arrêt rendu en date du 20 octobre 1995 que la publication des plans ou de photos de l’immeuble doit par ailleurs préciser les noms et qualités de l’architecte[26].

L’architecte peut également rester anonyme ou utiliser un pseudonyme, s’opposer à toute déformation, modification ou tout autre atteinte qui seraient préjudiciable à son honneur où sa réputation.

C’est ainsi que peuvent constituer une dénaturation de l’œuvre architecturale, le fait pour le maître de l’ouvrage d’avoir sans l’accord de l’architecte, prolongé la façade de l’immeuble pour l’agrandir[27], exécuté des travaux de gros œuvre qui ont eu pour conséquence de détruire l’harmonie de l’ensemble original de l’immeuble alors qu’aucun impératif technique ne justifiait les modifications[28], modifié une sculpture monumentale par retrait d’un certain nombre d’élément et déplacement de son emprise au sol alors même que les fissures constatées sur les pierres ne justifiaient pas l’ampleur des modifications[29].

Certaines juridictions administratives françaises sont même allées jusqu’à retenir pour atteinte au droit moral de l’architecte, la responsabilité du maître de l’ouvrage public qui a ajouté au portique d’un ensemble d’habitations, des constructions à usage de bureau en ce que celles-ci dégradaient l’aspect extérieur de l’œuvre[30] , ou encore pour avoir modifié l’aménagement d’une place publique réalisée par des architectes dans le cadre d’un marché public alors que les modifications apportées, par leur consistance et leur portée, excédaient les aménagements que nécessitait l’amélioration de la sécurité de l’ouvrage[31].

En revanche, le droit moral de l’architecte ne saurait résister à l’exécution des mesures prévus par la loi pour mettre fin aux conséquences d’infractions pénales, lorsque par exemple des constructions édifiées vont à l’encontre de la législation sur l’urbanisme.

Le rôle de la protection qu’offre le droit d’auteur n’est certainement pas de se substituer aux mesures de droit public pour le maintien du patrimoine culturel.

Un équilibre doit être recherché entre le droit de propriété sur la chose et la protection du droit moral de l'architecte sur son œuvre qui ne saurait conférer à ce dernier, un droit d'immixtion perpétuel et préalable à toute intervention du propriétaire, ce qui pourrait porter une atteinte grave au droit de jouir de sa propriété et même au droit d'entreprendre.

C’est ainsi par exemple que lorsqu’une construction a une destination industrielle ou commerciale, l’architecte ne pourrait s’opposer à sa nécessaire adaptation aux évolutions qu’exigent les contraintes économiques sous réserve bien évidemment que les transformations apportées demeurent proportionnées[32].

Une approche de même nature pourrait s'appliquer aux ouvrages publics. Le Conseil d'État français avait considéré que si l'architecte ne peut opposer au maître de l'ouvrage une intangibilité absolue de son œuvre, ce dernier ne peut, de son côté, porter atteinte au droit moral que l'auteur détient sur son œuvre en y apportant des modifications et transformations qui ne sont pas rendues strictement indispensables par des impératifs esthétiques, techniques ou de sécurité publique ou qui ne sont pas légitimées par les nécessités du service public, notamment, par la destination de l'œuvre ou de l'édifice ou par son adaptation à des besoins nouveaux[33].

2) La protection des droits patrimoniaux

L’architecte jouit également sur son œuvre de droits patrimoniaux.

D’après les dispositions de l’article 9 du texte susvisé, l’architecte jouit du droit exclusif d’exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire.

Sous réserve des dispositions des articles 10 à 21 de l’Annexe VII du texte suscité, l’auteur de l’œuvre a le droit de faire ou d’autoriser la reproduction, l’adaptation, la transformation, de son œuvre et même la cession de ses droits.

L'architecte a donc le droit de tirer un profit de la reproduction de son œuvre. Ce droit s'exercerait essentiellement, outre le cas de l'utilisation de plans pour la construction d'un nouvel ouvrage, dans la reproduction des immeubles par photographies et autres moyens de fixation de l'image.

Si l’article 11 du texte susvisé permet, sans l’autorisation de l’auteur et sans le paiement d’une rémunération, de reproduire une œuvre licitement publié exclusivement pour l’usage privé de l’utilisateur, cette même disposition exclut la reproduction d’œuvres d’architectures revêtant la forme de bâtiments ou d’autres constructions similaires.

En revanche, des limites à la protection des droits patrimoniaux de l’architecte sur son œuvre existent.

Il est de jurisprudence bien établie en droit français que la représentation ou la reproduction d'une œuvre de l'esprit sans le consentement de son auteur est permise lorsque celle-ci est située dans un lieu public et qu'elle est accessoire par rapport au sujet principal représenté ou traité[34].

S’agissant des droits de l’architecte sur l’image de son œuvre, la Cour d’appel de Paris avait jugé dans un arrêt rendu en date du 5 mars 1999 que, si l'architecte qui a conçu un immeuble ne lui a pas cédé ses droits de reproduction sur son œuvre, le maître de l'ouvrage ne peut, sans son accord, utiliser l'image de cet immeuble. A ainsi été condamné à des dommages intérêts pour contrefaçon un maître de l'ouvrage qui a utilisé l'image de son immeuble pour une campagne publicitaire sans avoir obtenu l'accord des architectes ou avoir cité leur nom et qui, sans leur consentement, a employé un logo reprenant, en la déformant, la représentation de la façade[35].

IV- DES DROITS DU PROPRIETAIRE DE L’OUVRAGE

Très souvent oublié dans l'examen des intervenants de la construction, le maître d'ouvrage, à la fois initiateur et destinataire du projet, se révèle un partenaire à part entière pour le compte et au profit duquel l'ouvrage est ou doit être exécuté.

Alors que l'œuvre architecturale a démontré son originalité, son auteur, l'architecte, va se trouver dépossédé de sa création au profit du propriétaire initial et de tous les propriétaires qui suivront.

D'où l'importance de distinguer les droits sur la chose matérielle (immeuble, maison, stade, etc.) qui relèvent du droit de propriété de ceux résultant de la création intellectuelle de l'architecte relevant des droits d'auteur[36].

La modification de l’œuvre architecturale pose sur le plan juridique de nombreux questionnements. Que ce soit au cours de la réalisation de la construction ou bien plusieurs années plus tard, le droit moral au respect de l’œuvre architecturale reconnu par l’Accord de Bangui, pose en réalité le principe selon lequel l’architecte auteur pourra s’opposer à toute dénaturation de son œuvre.

Or, compte tenu de l’importance des intérêts personnels et matériels de l’architecte, de l’importance des intérêts financiers et de la liberté du propriétaire, la question ici est très souvent de savoir si l’œuvre architecturale peut être modifiée par son propriétaire, sachant que son auteur peut s’opposer à toute altération.

Si l’intérêt patrimonial du propriétaire est essentiel, il reste dans la nature des intérêts moraux de n’être pas appréciables en argent, de sorte qu’on ne pourrait ipso facto déduire de l’intérêt économique du propriétaire une quelconque supériorité de sa position par rapport aux droits de l’auteur de l’œuvre.

Cependant, que le propriétaire soit une personne privée ou publique, le droit au respect de l’œuvre ne devrait pas conférer à l’architecte un droit d’immixtion perpétuel et préalable à toute intervention du maître d’ouvrage.

Il nous semble donc peu convaincant de soutenir que, de façon générale le droit d’auteur interdit au propriétaire de l’ouvrage la modification de l’œuvre architecturale[37].

A notre avis, une pesée des intérêts est indispensable, de sorte que par principe, les intérêts du propriétaire ne doivent pas également toujours l’emporter sur ceux de l’auteur.

En effet, la mise en œuvre du droit au respect de l’œuvre architecturale implique la recherche d’un compromis entre les intérêts de l’architecte et ceux du propriétaire privé.

Il s’agit surtout de concilier le droit de propriété matérielle du propriétaire et le droit de propriété immatérielle de l’architecte sur son œuvre.

Si le droit Suisse semble avoir privilégié le droit de la propriété au détriment du droit d’auteur, la jurisprudence française et allemande est hésitante et toujours en quête d’un meilleur équilibre.

Dès lors, Il revient donc aux autorités judiciaires de l’espace OAPI d’apprécier l’opportunité des modifications apportées par le propriétaire par un savant dosage entre le respect des droits de l’auteur et la protection des droits du propriétaire.

Comme l’a soutenu le Pr François DESSEMONTET, « les intérêts d’un nouvel architecte mandaté pour les transformations ne s’imposeront pas nécessairement à l’encontre du droit moral de l’architecte original. C’est au sein de leur profession que les architectes doivent établir des standards capables de guider la réflexion des juristes. Il s’agit en effet d’un conflit de libertés : liberté créatrice du second architecte, liberté d’usage du propriétaire, mais aussi liberté intellectuelle de l’architecte original, que protège le droit d’auteur. »


[1] Voir sur la notion en droit étrangers : « La propriété intellectuelle », par F DESSEMONTET, éd Cédidac 2000, « L’architecte auteur », par Michel Huet, éditions Le Moniteur, 2006 / « Jusqu’où va le droit moral de l’architecte », par Térence Cabot et Frédéric Sardain, in Le Moniteur des TP, n°5371, 03/11/2006, p. 94 / « La transformation de l’œuvre initiale de l’architecte n’implique pas de la confier à son auteur », in Le Moniteur des TP, n° 5415, 07/09/2007, p.32 / « Le droit moral de l’architecte : question de droit ou d’éthique ? » par Michel Huet, in Le Moniteur des TP n° 5273, 17/12/2004, p. 68 / « Etendue et limite du droit d’auteur de l’architecte sur l’œuvre architecturale », par Bertrand Couette, in http://www.cyberarchi.com/ 22/01/08
[2] Nonobstant l’influence du droit français dans l’espace OAPI, les Etats d’Afrique francophone se sont également inspirés du droit américain avec le modèle « copyright ». C’est ainsi, par exemple que l’Accord de Bangui sur les œuvres créées dans le cadre d’un contrat de travail ou d’une œuvre de commande (Annexe VII, article 5), d’abord inspiré du modèle français, a ensuite évolué dans sa version révisée de 1999 (Annexe VII, article 31) vers le principe du « copyright ».
[3] TGI Paris, 29 mars 1989, Bonnier c./ Société Bull : RD imm. Juillet septembre 1989, p. 357
[4] CA Versailles, 1re ch., 4 avril 1996, SA Facebat c./ Sirvin : JCP éd. G, 1996, II, 22741
[5] CA Paris, 4e ch. A, 22 mai 1996, Société Governor et J.-M. Wilmotte c./ Dubois, ville de Lyon et ville de Caen : Gaz. Pal., 4 décembre 1996
[6] CA Rouen, 2e ch. civ. 26 juin 1997, SCPA JAPAC c./ SARL Duval-Raynal
[7] CA Paris, 4e ch. A, 30 octobre 1996, Rachline c./ Société d'encouragement à l'élevage du cheval français - CA Paris, 4e ch., 20 novembre 1996, Bourgeois c./ Doueb - TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 10 mai 2002, n°00/05562, Duchêne c./ SA Mauboussin
[8] Par exemple, les études urbaines à caractère programmatique ou projectuel sont reconnues par la Cour de Cassation française comme devant être protégées par le droit d’auteur nonobstant les prises de position ministérielles par voie de circulaire ne voulant retenir cette notion (J.O. Sénat Q.N°5135 du 14.4.94 p.895). Pareillement, Selon la Cour de Cassation française, « des plans d’urbanisme ont le caractère d’une œuvre de l’esprit protégée par le Code de la Propriété Intellectuelle, dès lors qu’ils portent la marque de la personnalité de leur auteur qui, bien que contraint de respecter les directives administratives, ne s’est pas limité à fournir une simple prestation technique. » (Ch. Crim. 24.9.97 MARTINEZ)
[9] Qu’il s’agisse de contraintes techniques, légales ou contractuelles.
[10] Cass., 1re civ., 5 mai 1998, « G ieule c./ Sagne »
[11] Cass., 1ère civ., 17 juin 2003, « Mme X c./ Alain Afflelou et a.
[12] Cass. 3e Civ 19 juin 1969
[13] TI Nîmes, 26 janvier 1971, « Keller »
[14] CA Bordeaux, 1re ch. B, 13 févr. 1995, Perrier c/ SA Barton et Guestier
[15] Cass, 1re civ, 13 oct 1993
[16] CA Paris, 26 octobre 1990, Juris-Data N° 024192
[17] Bundesgerichtshof allemand in GRUR 1984, p. 656
[18] M. M. Pedrazzini, Neuere Entwicklungen in Urheberrecht des Architekten, Droit de la construction 1993/1, à p. 6 litt; voir également Landgerichtpräsident Uri in RSPI 1986, p. 127
[19] CA de Paris, 26 octobre 1990, Juris-Data N° 024192 (Le TGI de Paris avait au contraire reconnu l’existence d’un contrat dans un jugement rendu en date du 19 mai 1989)
[20] Pedrazzini, op cit
[21] CA Pau 1re civ. 3 janvier 2005, Kohn c/ Chiron
[22] CA Rouen, 2e ch. civ., 26 juin 1997, SCPA JAPAC c/ SARL Duval-Raynal
[23] CA Versailles, 15 février 2001, SARL Trabec Ile de France/ SA Leroy Merlin
[24] TGI Senlis, 3 juin 2003, Sté ADACP / Sté Grévin et Cie
[25] CA Paris, 4e ch. sect. A, 22 mai 1996, Société Governor et Wilmotte/Dubois, ville de Lyon et ville de Caen
[26] CA Paris, 4e ch. B, 20 octobre 1995, SPPM / Chemetoff, RD imm., janvier-mars 1996, p. 69
[27] TGI Seine, 6 juillet 1966 : D. 1967, 172
[28] Cass. 1re civ., 1er décembre 1987, n°86-12.983, ville de Lille/Gillet : Bull. civ. I, n°319
[29] TA Grenoble, 1re ch., 28 octobre 1998, n°96800, 982119, 982120, Obs Monpert
[30] CE, 5 janvier 1977 : Lebon, p. 2
[31]CAA Nantes, 4e ch., 27 décembre 2002, n°99NT01443, ville de Cholet
[32] Cass. 1re civ., 7 janvier 1992, n°90-17.534, Bonnier/SA Bull : Bull. civ. I, n°7 - CA Paris, 1re ch. B, 24 juin 1994, Tissinier / SA Frankoparis : D. 1995, p. 56
[33] CE, 11 septembre 2006, N° 265174, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon obs M. Berdje
[34] Cass. 1er civ. 4 juill. 1995, n°93-10.555, Société Antenne 2 / Spadem : Bull. civ. I, n°295
[35] CA Paris, 4e ch. sect. B, 5 mars 1999, Sté civile Fondation Première c/ SA Forma Plus
[36] Voir B. Vinçotte « Conflit entre droit d'auteur et droit de propriété », Auteurs & Médias, 2003, p.368 / Paul Rigaux « Le droit de l'architecte », Larcier, 1993, pp. 69-75
[37] Voir sur la question : M. Huet, la protection de l’œuvre de l’architecte, Plädoyer 1994, N° 6 p. 49, Voir également le témoignage de P. Devanthéry, architecte, in Plädoyer 1994, N° 6, pp. 41-43.