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30/09/2010

BREVE REFLEXION SUR LA GARANTIE DES CREDITS ACCORDES PAR LES ETABLISSEMENTS BANCAIRES ET FINANCIERS AUX COLLECTIVITES LOCALES EN ZONE OHADA

Les collectivités locales et territoriales sont assimilables à des gouvernements locaux.

A ce titre, elles détiennent des pouvoirs qui leur ont été concédés par le pouvoir exécutif central.

L’exercice par les collectivités territoriales des compétences à elles transférées se réalise néanmoins sous le contrôle de l’État, dont le seul souci est non pas de tenir ces collectivités en bride, mais de s’assurer que celles-ci gèrent lesdites compétences, dans le strict respect des lois, règlements, normes et procédures en vigueur et au mieux des intérêts de leurs populations.

Généralement, l’octroi de crédit par les organismes prêteur ne peut se faire qu’à la condition que l’emprunteur satisfasse à certaines exigences parmi lesquels on peut citer ; la viabilité et la pertinence du projet ou de l’investissement objet de la demande de financement, la capacité de remboursement de l’emprunteur et surtout les garanties qui peuvent être accordées à l’organisme de financement.

De ces trois exigences, seule la troisième mérite que l’on s’y attarde dans le cadre de cette brève analyse.

En effet, chaque fois qu’il est question de financer les collectivités locales, la difficulté trouve son origine dans les garanties de remboursement que peuvent accorder ces emprunteurs assez particuliers.

C’est toute la problématique de la gestion des risques significatifs inhérents au financement des collectivités locales.

La sécurité pour le créancier est en effet éventuellement renforcée par les garanties qu'il aura obtenues et qui seront consenties ou présentées par le débiteur.

Or, le financement des collectivités locales implique ce qui est qualifié aujourd’hui de "risque quasi-souverain", par distinction avec le "risque souverain" qui est celui des emprunts contractés par les Etats.

Le risque souverain ou quasi-souverain correspond au risque attaché à l’emprunt de l'Etat, des Administrations Publiques et des Collectivités Locales d'un pays donné et à leur capacité à rembourser leurs crédits et à pouvoir faire face à leurs engagements.

La difficulté est donc celle des possibilités et potentialités réelles des Collectivités Locales bénéficiaires des emprunts, à faire face à leurs engagements dans le cadre de financement en « sous-souverain », donc sans garantie aucune de l’Etat.

Si à l’analyse de la législation du Burkina-Faso par exemple, il ressort de l’article 119 de la loi n° 055-2004 portant Code des collectivités territoriales, que l’Etat peut garantir les emprunts d’investissement faits aux collectivités locales, pareille précision n’est aucunement faite dans les législations du Niger, du Mali, du Sénégal, du Bénin ou encore du Togo, qui précisent tout simplement que les collectivités locales peuvent avoir recours aux emprunts sans prévoir la possibilité pour l’Etat d’en être garant.

En revanche, à notre sens et en l’état actuel de notre réflexion, il semble que rien ne s’opposerait à ce que les Etats de l’espace OHADA garantissent les prêts accordés à leurs Collectivités Locales et ce, nonobstant l’absence de précision en ce sens dans leurs différentes législations nationales.

Cependant, en l’absence de garantie offerte par l’Etat, les systèmes de garanties classiques étant quant à eux inappropriés, le prêteur devra sans doute avec la Collectivité Locale financée, trouver des mécanismes multicritères appropriés pour couvrir le risque du défaut de remboursement. On pourrait par exemple penser au financement sans recours (1) , au financement de projet, au financement d’actifs (2) , au prêt direct (3) ou encore au crédit bail (4) pour ne citer que ceux là.

La recherche de solutions envisageables dans un tel contexte pourrait également passer par la distinction qu’il y a lieu d’opérer entre :

- les projets de financement d’équipements dits marchands (marché, gare routière, auberge municipale, abattoir, sale de fête, unité de transformation, stade communal, lotissement, infrastructures sportives et de loisirs et autres infrastructures génératrices de revenus) et,

- les projets de financement d’équipements non marchands (travaux hydrauliques et énergétiques, travaux de voirie, aménagements urbains, écoles, centre de santé, électrification rurale, travaux d’assainissement et accès à l’eau potable, éclairage public, aménagement des espaces verts, propreté et protection de l’environnement, équipement ruraux.

L’hypothèse du financement d’équipements dits marchands constitue une base réelle de réflexion si le prêt à la Collectivité Locale est effectivement envisageable avec une contrepartie suffisamment solide de sorte que ;

- le montant des annuités de remboursement pourrait être couvert par le biais des recettes générées par l’exploitation de l’équipement pour préserver quasi intégralement, la capacité d’emprunt de la collectivité locale,

- le remboursement de chaque financement pourrait être également effectué au moyen d’annuité et constitué pour la collectivité locale emprunteuse, une dépense obligatoire qu’elle doit inscrire dans son budget.

- le prêteur pourrait tout aussi et ce, en fonction de l’équipement financé, exigé toute autre garantie.

Les échéances de remboursement devraient dépendre de la nature des équipements à financer et de la capacité des emprunteurs, avec cependant une durée maximale à ne point dépasser et un différé d’amortissement préfixé.

Il serait donc judicieux de déterminer :
- les secteurs et projets pouvant bénéficier de financement (le projet doit par exemple répondre à un besoin prioritaire pour la collectivité),

- les critères d’éligibilité des collectivités locales emprunteuses (le seul critère de la taille de la collectivité en termes de nombre d’habitants étant certainement nécessaire mais insuffisant), avec les questions en rapport avec le taux d’endettement de l’emprunteur, son épargne et même sa participation au financement du projet,
- les critères d’éligibilité des projets (bancabilité du projet, justification économique et sociale, viabilité financière et gestion),

- les garanties indispensables au financement,

- la duré du prêt, le taux d’intérêt, les modes et montants de remboursement.

Plusieurs exemples pourraient permettre d’illustrer les mécanismes déjà utilisés dans certain Etats de l’espace OHADA :

- Après l’incendie d’un marché au Burkina-Faso, la municipalité de Ouagadougou avait obtenu de l’Agence Française de Développement (AFD), un financement en « sous-souverain » d’un montant de 1.3 milliards de F CFA sur 20 ans à un taux concessionnel avec un différé de 5 ans, la redevance versée chaque année par l’exploitant du marché étant équivalente aux échéances annuelles de remboursement du prêt ;

- Avec l’appui de l’Agence de Financement des Collectivités Locales au Bénin (AFICOL), la municipalité de Parakou a monté un dossier d’emprunt obligataire sur le marché de l’UEMOA ;

- Au Cameroun, le Fonds spécial d’Equipement et d’Intervention Intercommunale (FEICOM) qui est une institution financière spécialisée a déjà permis à 331 communes camerounaises d’emprunter pour financer plus de 592 projets pour un montant total de 35 milliards de F CFA.

(1) Le financement sans recours est un financement qui est fait sur la seule base d'un projet ou d'un actif. Le remboursement de la dette contractée est assuré par les seuls revenus générés par le projet ou l'actif (pour un bien tel qu'un avion, un navire ou un satellite).

(2) Lorsqu'un actif a une valeur unitaire importante, il peut faire l'objet d'un crédit spécifique qualifié de "financement d'actif" ("asset based financing"). Le crédit est fondé sur les garanties pouvant être prises sur le bien. Les sûretés doivent en effet porter sur un bien, notion juridique alors que l'actif est une notion économique. Dans un financement d'actif les prêts sont un financement sans recours, les prêteurs renonçant à tout recours sur le patrimoine du promoteur de l'opération.

Le financement d'actif peut être utilisé par les entreprises, mais aussi par les collectivités locales. Les actifs pouvant être financés sont par exemple des avions, des navires, des trains, des équipements de télécommunications, un équipement d'infrastructure à péage… Ils peuvent être financés par des crédits à moyen ou à long terme, par des crédits fournisseurs ou par des crédits acheteurs. Les financements peuvent prendre la forme de location financière, si la durée de la location est inférieure à la durée d'amortissement de l'actif, de leasing ou crédit bail.

(3)Le prêt direct est consenti à une collectivité afin de financer un investissement précis ou dans le cadre d’un financement global de son budget d’investissement.

(4)Le crédit-bail ne peut pas financer n'importe quel investissement. C’est une technique de financement d'une immobilisation par laquelle une banque ou une société financière acquiert un bien meuble ou immeuble pour le louer à une entreprise, cette dernière ayant la possibilité de racheter le bien loué pour une valeur résiduelle généralement faible en fin de contrat. Ce type de financement est réservé aux biens standards.

27/09/2010

La promesse de porte fort en droit malien: « Une obligation pourrait en dissimuler une autre »

Aux termes de l’article 84 du Régime Général des Obligations, « la promesse de porte-fort est l'engagement pris par une personne d'obtenir d'un tiers l'exécution d'une obligation résultant d'un acte auquel ce tiers n'est pas parti ».

L’engagement de porte fort est donc la convention par laquelle une personne qui conclut un acte juridique au nom d’une autre sans en avoir le pouvoir, promet d’obtenir la ratification de cet acte pour celle-ci.

Pareil engagement peut être usité par exemple en matière de promesse de cession par une indivision, un ou plusieurs indivisaires intervenant à l’acte, se portant en outre fort de la ratification de cet acte par les autres indivisaires.

Le signataire d’une telle convention peut alors, au profit de son contractant, se porter fort pour un tiers, en promettant le fait de celui-ci ; sauf l’indemnité contre celui qui s’est porté fort ou qui a promis de faire ratifier, si le tiers refuse de tenir l’engagement.

Traditionnellement, la convention de porte fort est considérée comme un acte autonome contenant une obligation de faire (à savoir obtenir la ratification de l’acte par le tiers) dont l’inexécution ne donne en principe que droit à dommages et intérêts.

En effet, le législateur malien suivant les pas de son homologue français n’a envisagé que le porte-fort de ratification.

Or, depuis quelques années, un arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation française rendu en date du 13 décembre 2005 a apporté une subtile distinction entre ce qui pourrait être appelé la promesse de porte fort traditionnelle ou de ratification et la promesse de porte fort moderne ou d’exécution aux termes de laquelle le promettant s’engage à exécuter l’obligation du tiers au cas où celui-ci ne le fait pas lui-même.

La jurisprudence antérieurement consacrée par la Cour de Cassation française notamment celle de la 1ère Chambre Civile en date du 25/01/2005 et pour laquelle la promesse de porte fort, même d’exécution, était un acte autonome dont l’inexécution avait pour sanction des dommages et intérêts avait le mérite d’être simple : si le tiers ne ratifiait pas ou refusait d’exécuter, la sanction se traduisait quoi qu’il en soit par des dommages et intérêts.
Depuis le 13 décembre 2005, si le tiers refuse d'exécuter, le promettant peut être contraint d'exécuter à sa place.

Dans de telles conditions, il nous semble qu’il faille aujourd’hui envisager également en droit malien, le porte fort d’exécution qu’il conviendrait alors de distinguer du porte fort de ratification.

Le promettant devra être particulièrement vigilant lorsqu’il sera conduit à souscrire de telles promesses et préférer l’expression "se porter fort de la ratification d’un contrat" à celle de "se porter fort de l’exécution du contrat".

A défaut et en l’absence de précision, le promettant prend le risque d’être contraint d’exécuter la promesse en lieu et place du tiers, qui quelque soit le cas de figure envisagé n’est quant à lui pas engagé puisque non intervenant à la convention d’origine.

De la validité en OHADA d'un pacte d'actionnaires précédent les statuts et la constitution de la société

Le Pacte d’actionnaires est une convention qui est régie comme telle en droit OHADA par les dispositions nationales relatives au Contrat et au Régime Général des Obligations.

En droit OHADA, notamment s’agissant de l’Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales et GIE, il est possible de prévoir, par des dispositions contractuelles spécifiques, des accords entre deux ou plusieurs actionnaires.

Complémentaire aux statuts de la société, le pacte permet aux actionnaires ou à certains d’entre eux d’organiser leurs relations (droits et obligations) au sein de la société (conditions de sortie, clauses de protection,…) et pourrait également permettre à quelques uns, qui individuellement n’auraient pas d’influence sur les décisions prises par la société, d’exercer en commun le contrôle de celle-ci par un simple accord extrastatutaire.

Vu sous cet angle, les statuts précèdent généralement le pacte d’actionnaires.

Toutefois, la pacte sur les droits des actionnaires d’une société non encore constituée ne serait valable qu’à partir de la ratification des statuts qui est le fondement même de la société au sein de laquelle les droits et obligations ressortissants du pacte d’actionnaires sont greffés.

Dès lors, le pacte d’actionnaires ne serait pleinement valable et opposable qu'à la condition que la société est règulièrement constituée.

Il n’en pourrait être autrement.

En effet, la constitution de la société doit précéder le pacte d’actionnaires motif pris de ce que, même s’il s’agit d’une convention libre entre actionnaires, celle-ci a des limites ressortissants tant du droit des contrats que du droit des sociétés :

Limites tirées du Droit des Contrats

Si la société n’est pas précédemment constituée, le pacte d’actionnaires qui est une convention au sens ne peut produire d’effets, le contrat étant dépourvu de cause.

Limites tirées du Droit des Sociétés en OHADA

La liberté contractuelle en matière de pacte d’actionnaires se heurte aux statuts tout comme au respect et à la protection de l’intérêt de la société.

La validité d’un pacte d’actionnaires est donc subordonnée au respect des règles qui gouvernent la création, le fonctionnement et la dissolution des sociétés en OHADA.

Le pacte ne sera valable que s’il est conforme aux stipulations impératives des statuts.

Enfin, le pacte ne doit pas être contraire à l’intérêt social qui n’a lui-même de sens qu’à compter de la constitution de la société.