Rechercher dans ce blog

24/06/2011

LA CONSECRATION EN OHADA DES SURETES FONDEES SUR UNE SITUATION D’EXCLUSIVITE

LA CONSECRATION EN OHADA DES SURETES FONDEES SUR UNE SITUATION D’EXCLUSIVITE (*)

Les sûretés fondées sur une situation d'exclusivité se voient consacrées par l’AUS révisé: l'efficacité du droit de rétention est restaurée (A), le régime juridique de la réserve de propriété est amélioré (B) et la propriété cédée à titre de garantie fait son entrée dans le droit des sûretés de l'OHADA (C).

A- LE DROIT DE RENTENTION

Le texte de l’article 43 de l’AUS DE 1997 affirmait que si le créancier rétenteur ne reçoit pas paiement de sa créance, « il peut, après signification faite au débiteur et au propriétaire de la chose, exercer ses droits de suite et de préférence comme en matière de gage ».

L’AUS révisé sépare la définition du droit de rétention de celle de la connexité, tout en restreignant cette dernière.

En effet, l’article 68 de l’AUS révisé précise que « le droit de rétention ne peut s’exercer que si la créance du rétenteur est certaine, liquide et exigible, s’il existe un lien de connexité entre la naissance de la créance et la détention de la chose retenue et si le bien n’a pas été saisi avant d’être détenu par le rétenteur (ce qui, a contrario, implique que le droit de rétention soit opposable à une saisie postérieure à la détention du bien par le créancier et notamment à cette forme de saisie collective des biens du débiteur qu’est l’ouverture d’une procédure collective à son encontre) », tandis que la définition du lien de connexité est énoncée par l’article 69 du texte selon lequel : « La connexité est réputée établie: 1°) Lorsque la chose retenue a été remise jusqu’au complet paiement de la créance du rétenteur ; 2°) Lorsque la créance impayée résulte du contrat qui oblige le rétenteur à livrer la chose retenue ; 3°) Lorsque la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose retenue ».

B- LA PROPRIETE-SURETE

Telle qu’elle était régie par l’AUS de 1997, la réserve de propriété était soumise à ce qui était la réglementation de la réserve de propriété en droit français avant qu’elle ne soit améliorée par les réformes du droit des procédures collectives intervenues à compter de la loi du 10 juin 1994 et par la réforme du droit des sûretés issue de l’ordonnance du 23 mars 2006.

A l’occasion du rassemblement de sa réglementation au sein de l’AUS, le texte nouveau fait profiter le droit de l’OHADA desdites améliorations et cela, aussi bien à propos des conditions d’existence et d’opposabilité de la réserve de propriété qu’en ce qui concerne ses effets.

S’agissant des conditions mêmes de la réserve de propriété, on peut observer que, sur le modèle du droit français, ses conditions d’existence ont été élargies mais qu’à la différence de ce dernier, l’opposabilité de la réserve de propriété demeure soumise à une condition spécifique de publicité, le droit de l’OHADA pouvant ici, peut-être, servir de modèle au droit français.

L’élargissement des conditions d’existence de la réserve de propriété résulte, ensuite, de ce que l’article 73 de l’AUS révisé énonce qu’ « à peine de nullité, la réserve de propriété est convenue par écrit au plus tard au jour de la livraison du bien. Elle peut l’être dans un écrit régissant un ensemble d’opérations présentes ou à venir entre les parties ».

Cet article reprend plusieurs conditions de validité de la réserve de propriété :

 existence d’un accord des parties,
 nécessité d’un écrit à peine de nullité, ce qui constitue une différence par rapport au droit français,
 et stipulation au plus tard au jour de la livraison

Hormis ces éléments qui étaient déjà expressément énoncées dans l’AUDCG, l’AUS révisé y ajoute la possibilité pour la réserve de propriété d’être stipulée dans une convention-cadre (telle que par exemple, des conditions générales de vente acceptées par l’acquéreur) régissant les relations contractuelles à venir des parties, ainsi que l’avait permis, en droit français, la loi du 10 juin 1994, brisant alors la jurisprudence de la Cour de cassation qui exigeait antérieurement que la clause de réserve de propriété soit stipulée par écrit pour chaque vente conclue entre les parties.

C- LA CESSION DE CREANCE A TITRE DE GARANTIE

La cession de créance à titre de garantie, prévue par les articles 80 à 86 De l’AUS révisé, présente de nombreux points communs avec la cession «Dailly» du droit français régie par les articles L.313-23 et suivants du Code monétaire et financier :

 elle ne peut être effectuée qu’au profit d’un établissement de crédit ;

 ou plus précisément, selon l’article 80, d’une «personne morale nationale ou étrangère, faisant à titre de profession habituelle et pour son compte des opérations de banque ou de crédit », les auteurs du texte révisé ayant considéré que nombre d’investissements en Afrique étant financés par des établissements de crédit étrangers, il était opportun d’indiquer expressément que ceux-ci pouvaient voir leur financement garanti par une cession de créance ;

 une incessibilité conventionnelle de la créance cédée peut être opposée au cessionnaire par le débiteur cédé, mais il en va différemment, selon l’article 80, alinéa 2 du texte nouveau, si la créance cédée « est née en raison de l’exercice de la profession du débiteur cédé ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale ») ;

 la cession, selon l’article 81 de l’AUS révisé, doit être constatée par un écrit mentionnant, à peine de nullité, la désignation du cédant et du cessionnaire, la date de la cession et la désignation de la ou des créances garanties et de la ou des créances cédées à titre de garantie ;

 la cession, selon l’article 82 du texte précité, prend immédiatement effet entre les parties, y compris lorsque la créance cédée est née d’un contrat à exécution successive, ce qui implique qu’à compter de sa date le cédant ne puisse plus modifier l’étendue des droits attachés à la créance cédée et, selon l’article 83, que les accessoires de la créance cédée soient, en principe, transférés au cessionnaire sans autre formalité que celles prévues pour la cession;

 la cession n’est opposable au débiteur de la créance cédée qu’une fois qu’elle lui a été notifiée ;

 enfin, les sommes payées au cessionnaire au titre de la créance cédée (ce qui comprend d’éventuels fruits de la cette créance) sont imputées sur la créance garantie lorsqu’elle est échue et un éventuel surplus doit être restitué au cédant afin d’éviter toute spoliation de ce dernier, le projet précisant bien que toute clause contraire serait réputée non écrite.


(*) Vr sur le sujet Pierre CROCQ « LES SURETES FONDEES SUR UNE SITUATION D’EXCLUSIVITE ET LE PROJET DE REFORME DE L’ACTE UNIFORME PORTANT ORGANISATION DES SURETES» : Droit & Patrimoine N° 197 Novembre 2010